L’ouvrage collectif résume les débats entre enseignants-chercheurs et responsables d’établissements sur le thème de la réforme des universités françaises. L’ouvrage s’articule autour de quatre axes : un état des lieux des réformes françaises ; une comparaison des expériences de gouvernance universitaire de différents pays ; l’évolution des conditions d’exercice du métier d’enseignant ; des propositions d’amélioration des modes de management des établissements publics et privés.
L’enseignement supérieur est confronté à de profonds bouleversements : la croissance et la diversification de la demande en formations, la numérisation et l’accessibilité des enseignements; l’internationalisation de l’éducation et de la recherche; un environnement de plus en plus concurrentiel des établissements; la réduction des financements ; les réorganisations administratives successives (loi de 1968 dite loi Edgar Faure, loi de 1984 dite loi Savary, loi de 2007 (LRU) dite loi d’Autonomie, loi Fioraso instaurant le processus de regroupement des universités sous forme de Communautés d’Universités et d’Etablissements…). Les relations entre les universités, la société civile et les pouvoirs publics ont profondément évolué. Les Etats privilégient désormais la capacité des universités à répondre aux besoins économiques et sociaux. On assiste à un véritable renversement des principes et des pratiques qui définissaient jusqu’alors l’action universitaire et les modes de pilotage des établissements.
La plupart des enseignants déplorent une concentration des pouvoirs de décision par les administratifs, qui se substitue aux directions collégiales et favorise une dérive bureaucratique. Ils constatent paradoxalement que le nouveau référentiel est davantage celui de l’entreprise que celui de la fonction publique, mais que l’accroissement apparent de l’autonomie des universités se traduit en fait par un renforcement du pouvoir de l’administration au détriment des libertés de la communauté académique. Cette concentration du pouvoir dévalorise les fonctions d’enseignement et de recherche de l’université. Il en résulte un affaiblissement des espaces collectifs de délibération, de représentation et d’arbitrage. Les dispositifs mis en place correspondent souvent au modèle de management de l’entreprise centralisée du 19ème siècle, alors que les entreprises innovantes actuelles, fonctionnent de façon autonome et décentralisée.
Les réformes se déclinent invariablement en quatre étapes : la nomination d’un groupe d’experts chargé de rédiger un rapport sur les changements souhaitables ; la définition par l’administration centrale d’un «plan d’action» ; la négociation du plan avec les parties concernées et son détournement par les syndicats universitaires ; enfin, l’élaboration d’un projet de loi dont l’examen, les amendements et le vote par le Parlement ne font généralement qu’accroître à nouveau le manque de cohérence de la réforme. Des faits imprévus ou une nouvelle loi empêchent généralement la mise en œuvre du plan initialement prévu. Les études consacrées aux réformes dans les pays développés au cours du dernier demi-siècle font sérieusement douter de l’efficacité de la méthode française. Elles montrent que cette dernière fait insuffisamment appel à la concertation et à l’incitation. Les politiques incitatives ont au moins deux avantages sur les politiques discrétionnaires et réglementaires : elles obligent à systématiquement modéliser le contexte et à identifier les principaux acteurs (la présidence et les directeurs pédagogique, les chercheurs et les enseignants-chercheurs, les étudiants, le personnel administratif…), à explorer les différentes incitations possibles et à en estimer les effets attendus. Elles ménagent des transitions avant l’atteinte d’objectifs visant la qualité des enseignements, la mobilité des enseignants et l’employabilité des diplômés.
Les co-auteurs de l’ouvrage soutiennent que l’avenir de l’Université française passe donc par la défense de l’indépendance des universitaires, à la fois pédagogique (les enseignants sont évalués par leurs pairs), scientifique (les chercheurs sont libres de choisir une équipe à l’intérieur ou à l’extérieur de leur université, et de diriger des thèses), et administrative (les universités sont autonomes pour le recrutement, la promotion et l’évaluation de leurs personnels).
Oleg Curbatov, Mohamed Mahassine, Editions HAL, 2017, 217 pages.