Il n’y a pas eu que la météorologie de l’automne 2014 pour redonner du baume au cœur aux français.
Après le prix Nobel de littérature obtenu par Patrick Modiano qualifié d’auteur « Ni lu, ni connu » par l’édition du journal Le Monde en date du 31 octobre dernier et ce malgré, la publication d’une trentaine de romans primés par de nombreux prix prestigieux parmi lesquels le Grand prix du roman de l'Académie française en 1972 pour « Les boulevards de ceinture » et le prix Goncourt 1978 pour « Rue des boutiques obscures », voici honoré, Jean Tirole par le prix d’économie que l’Académie royale de Suède accorde en mémoire d’Alfred Nobel.
Ces honneurs seront-ils de nature à briser le pessimisme ambiant que connaît la société française et à provoquer le nécessaire choc des réformes structurelles attendues pour l’emploi, la fiscalité et la simplification de nos législations. ? Pour avoir développé l’organisation industrielle dans le champ de la régulation des oligopoles, Jean Tirole soutient qu’il n’y a pas de recette unique pour réguler. Mais la dimension de nos entreprises change. Si Amazon, Apple et Google se font concurrence autour des nouvelles technologies pour s’assurer une position dominante temporaire, il n’en reste pas moins vrai que cette concurrence n’a plus guère à voir avec le modèle économique classique cher à Raymond Barre. Pure et parfaite, elle correspondait à la théorie de la formation du prix élaborée au XIXe siècle censée permettre l’équilibre sur tous les marchés sous des conditions suffisantes. Quelles recettes pour réguler, quelles recettes pour gouverner en milieu incertain ?
Un éditorial d’invités réalisé par Maria Bonnafous-Boucher et Hazar Ben Barka introduit le dossier de ce numéro spécial consacré aux « Développements récents en gouvernance d’entreprise ». Ce dossier se compose d’un éditorial dédié, d’un avant-propos et de quatre articles sélectionnés à la suite d’expertises supervisées par les rédacteurs en chefs invités précités. Pour ouvrir ce numéro spécial consacré à la thématique de la gouvernance, l’avant-propos d’Isabelle Cadet, sous l’intitulé : « Gouvernance : nouveaux mythes, nouvelles réalités » a le mérite d’évoquer la genèse de cette terminologie et de s’interroger sur sa signification par rapport au terme gouvernement. Au-delà de la protection de la valeur actionnariale, la gouvernance, dans ces nouvelles évolutions, associe la recherche de parties prenantes pertinentes qui implicitement évoquent de nouveaux rapports entre la firme et la société civile. La prise du pouvoir par les grandes entreprises et les groupes internationaux suscite de la société civile leur responsabilisation. En introduisant la notion de gouvernance en réseau et sans hiérarchie, l’auteur présente, tant au niveau international qu’au niveau de l’entreprise, une nouvelle stratégie de contrôle social !
L’ensemble des travaux de recherches, contenus dans ce numéro spécial de VSE 198, sont porteurs d’analyses diversifiées, sources de questionnements et de nombreux débats futurs.
Suite au dossier consacré à la gouvernance, ce numéro 198, nous propose, sous la plume de Jean-Jacques Pluchart, une approche originale et critique de cette thématique autour des « Chaebols coréens ». Ces derniers, en raison de leurs stratégies conglomérales et de leurs organisations centralisées sous culture confucéenne soulèvent, face aux théories managériales, le dilemme de l’efficience ou du handicap de la « gouvernementalité » ! Sous le titre : « Une approche critique de la gouvernance d’entreprise : les chaebols coréens entre gouvernance familiale et gouvernementalité », la puissance de ces chaebols est une conséquence directe du marasme économique dans lequel la Corée du Sud s’est trouvée à la fin de la Guerre de Corée (1950-1953). Dès la fin des années 1950, ces chaebols se voient octroyer des prêts d’Etat et un statut légal différent de l’ensemble de l’industrie afin de développer les exportations et la consommation intérieure. Les spécificités de ces groupes coréens ou chaebols, comme Samsung, LG, Hyundai et SK Télécom…, résident dans le fait de faire vivre des innovations sous une marque unique et ce de la banque à l’assurance-vie, aux produits de première nécessité en passant par l’habillement… Les réflexions portées par cet article soulignent les caractéristiques duales que revêt la gouvernance d’entreprise entre rationalités plurielles et capacité d’adaptation fonctionnelle à l’environnement socio-économique international. Toutefois, cette culture industrielle coréenne n’est pas sans danger du fait des rapports étroits qu’elle suppose entre le pouvoir politique et le pouvoir économique. Les controverses se multiplient suite aux contournements nombreux des législations par ces groupes et à leur structure dynastique s’apparentant à une forme de clan de plus en plus mal perçu par le peuple coréen du sud.
Une tribune libre de Marc Arbouche referme provisoirement les questionnements du dossier thématique en s’interrogeant sur : « Le management peut-il se passer de l’autorité ? ».
Les traditionnelles notes de lecture de Daniel Bretonès, Luc Marco et Jean-Jacques Pluchart nous invitent à poursuivre l’analyse sur un monde économique en pleine transition. Les résistances aux changements sont nombreuses et nous sommes aux premières étapes de ce que les psychologues appellent la courbe du changement, où les individus et les institutions vont connaître successivement des états de déni, de pertes de repères, voire de colère avant d’admettre leur utilité.
La rédaction vous présente ses vœux et d’excellentes lectures pour 2015.