Vie et Sciences de l'Entreprise 195-196Résumé :
Elaborer un indicateur de développement durable dévolu aux entreprises n’est pas simple. Il apparaît difficile de trouver un consensus précis sur la pertinence de tel ou tel indicateur. L’aspect tridimensionnel de la Responsabilité Sociétale des Entreprises et des Organisations (RSE et RSO) ajoute à la difficulté pour réunir toutes les données intervenant dans l’indicateur composite final (économique, sociétal, environnemental). L’article s’appuie sur les travaux de Boutaud (2002) et suggère un indicateur respectant les principes de la GRI. Il s’adosse à l’idée de comparer les performances économique et sociétale desentreprises au moyen d’une notation économique et d’une évaluation de la performance sociétale par le SD 21000 (AFNOR, 2006), avec l’indicateur environnemental représenté par le Bilan Carbone®.

Mots clés : Indicateurs, développement durable, hôtellerie-restauration.

Abstract:
Developing a Sustainable Development indicator for companies is not a simpletask. It seems to be difficult to reach a consensus on the relevance of a givenindicator. The three-dimensional aspect of Corporate Social Responsibility and Organizational Social Responsibility (CSR and OSR) adds to the difficulty in gathering all the data relating to the final composite indicator (economic, social, environmental). The article is based on the work of Boutaud (2002) and recommends an indicator that respects the GRI principles. It compares acompany’s economic and social performance, by means of an economicscoring and a CSR performance assessment using the SD 21000 guide (AFNOR, 2006) with the environmental indicator represented by the carbon footprint.

Keywords: Sustainable development, indicators, hospitality sector.

 INTRODUCTION

Alors que le changement climatique s’impose de façon tangible dans un monde de plus en plus globalisé, l’idée de créer un indicateur de firme soutenable pour les PME/PMI apparaît comme une nécessité. En effet, transposé à l’entreprise, le « développement durable se traduit notamment par l’idée de "Triple résultat“ (Triple Bottom Line), qui conduit à évaluer la performance de l’entreprise sous trois angles : environnemental, […] social, […] économique […] » (ORSE, 2003).
Le triptyque du développement durable se retrouve tel que défini par la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement (CMED, 1988). C’est également à partir de ce principe que l’indicateur d’entreprise durable a été construit.
La performance de la responsabilité sociale et sociétale de l’entreprise (RSE désormais) devrait intégrer les quatre dimensions suivantes : l’économique, le social, l’environnemental et le climatique (Quairel et Auberger, 2005). Cette démarche concerne essentiellement les grandes entreprises aujourd’hui. Comme l’indiquent Frimousse et Marchesnay (2010 : 243), « il est nécessaire d’adapter la démarche de la RSE aux petites entreprises et à leur dirigeant, car elles adoptent souvent des pratiques socialement responsables au quotidien sans leur apposer l’étiquette RSE et sans les médiatiser ». Plutôt que d’utiliser les termes développement durable (DD), les acronymes RSE ou RSO utilisés tout au long de cet article sont retenus. Récemment la Commission européenne a proposé de redéfinir la RSE comme étant « la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la société. […] Afin de s’acquitter pleinement de leur responsabilité sociale, il convient que les entreprises aient engagé, en collaboration étroite avec leurs parties prenantes, un processus destiné à intégrer les préoccupations en matière sociale, environnementale, éthique, de droits de l’homme et de consommateurs dans leurs activités commerciales et leur stratégie de base, ce processus visant :

  • « à optimiser la création d’une communauté de valeurs pour leurs propriétaires/actionnaires, ainsi que pour les autres parties prenantes et l’ensemble de la société ;
  • à recenser, prévenir et atténuer les effets négatifs potentiels que les entreprises peuvent exercer » (Commission européenne, 2011 : 7).

 La performance globale, « entendue comme couvrant les impacts des activités de l’entreprise auprès de ses parties prenantes internes, externes et globalement au niveau sociétal » (Capron et Quairel, 2006 : 9), est ainsi questionnée. Comme le souligne Berger-Douce, « globalement, la RSE est présentée comme la traduction managériale du développement durable » (2009 : 260 citant Martinet et Reynaud, 2004).
A partir de ces éléments servant de cadre à l’analyse, la question de la difficulté d’une mesure de la performance globale des PME est posée.
Articulé autour des variables économique et sociétale, l’indicateur composite comparé au Bilan Carbone® par unité de consommation (client de l’hôtel par exemple) favoriserait la mise en place d’actions. Rapide dans sa mise en œuvre généralisable, pédagogique, cet indicateur composite a le mérite de la simplicité et semble particulièrement adapté aux PME.
Le thème des indicateurs est abordé dans un premier temps puis la méthodologie est introduite avant de présenter une tentative d’exploitation.
Les questions qui motivent notre approche portent sur le comment. Comment traduire la performance RSE des PME ? Comment, pédagogiquement, interpréter des données aussi complexes que nombreuses ? Notre réflexion est guidée par le modèle de Boutaud (2002) comparant l’indice de développement humain (IDH) des pays au poids de l’empreinte écologique de ses habitants. Pour notre approche, sont retenus la notation de l’entreprise pour l’indicateur économique (IE dorénavant), des indicateurs sociaux et sociétaux validés par les parties prenantes pour la performance sociétale en entreprise (PSE désormais) issu de l’approche du SD 21000 et le Bilan Carbone® en place de l’empreinte écologique. Du fait de la personnalisation des décisions et des particularités de la PME (Julien, Torrès, 2003) - manque de temps ou concentration des responsabilités sur une seule personne par exemple - la question de l’arbitrage entre actionnaires et parties prenantes ne se pose pas dans les mêmes termes que dans la grande entreprise. En effet, « trois éléments matérialisent la nuance de perspectives : la connaissance même de la notion de DD ou de RSE, l’intérêt d’en faire un cadre d’analyse [guidant les actions de l’entreprise], la possibilité de l’intégrer dans les pratiques de gestion » (Courrent, 2013).
Au final, la problématique posée et l’ambition exprimée ici sont de transposer le modèle de Boutaud aux PME en croisant des indicateurs économiques et sociétaux comparés à un critère/indicateur environnemental.

Éléments de cadrage

1.1. de la définition d’un indicateur

La définition de l’ORSE est centrale dans cette recherche. Un indicateur est « une donnée quantitative qui permet de caractériser une situation évolutive, une action ou les conséquences d’une action, de façon à les évaluer et à les comparer à leur état à différentes dates. Il peut cependant être une forme d’indication ou de perception, c'est-à-dire un élément qualitatif » (ORSE, 2003). Doit-on parler d’indice ou d’indicateur ? Un indice est un instrument de mesure de performance, mesure entendue comme numérique. L’indicateur est une valeur mesurable et objective ou encore une variable qui permet d’évaluer certains changements au cours du temps. Un consensus apparaît autour du terme « mesure ».
En termes économiques, l’indicateur de performance se définit comme un « indice quantitatif permettant de mesurer les progrès accomplis au regard d’un objectif particulier » (Key Performance Indicator, KPI).
Les fonctions et objectifs d’un indicateur sont 1) de clarifier les résultats ou données issus d’un passé récent pour 2) donner l’information au décideur et le plus clairement possible aux utilisateurs potentiels.
Cette recherche adhère à l’argument que « la qualité principale d’un indicateur est sa capacité à rendre compte le plus précisément possible d’un phénomène en général complexe » (ORSE, 2003 : 13). Selon ce même rapport les qualités principales que doit posséder un indicateur « sont donc d'être adapté, spécifique, valide, fiable, précis, mesurable, comparable (dans le temps et dans l'espace), facile à utiliser et dont le résultat doit justifier le temps et le but pour les obtenir ». En ce sens, les préalables de la séquence de la rationalité chère à Simon sont retrouvés ici (1983) - information, interprétation de cette information… En effet, l’information n’a d’intérêt que si elle est traduite, interprétée pour modifier les pratiques managériales. Un indicateur quantitatif permet de quantifier les données et de généraliser les résultats de l’échantillon de la population étudiée. C’est, au titre des implications managériales, exactement ce qui est recherché : Un indicateur facile à utiliser, facile à interpréter afin de faire évoluer les pratiques des managers. Dans la suite de ce papier le terme indicateur est retenu.
Ainsi, en s’accordant sur l’aspect nommé "critique" d’un indicateur, son évolution sera considérée positive en deçà de ce point et négative au-delà de ce point. Par exemple, l’indicateur d’émission de CO2 par habitant et par an en France est de 9 tonnes. Cette donnée quantitative n’a pas, au grand dam des responsables des programmes écologiques, évolué depuis 1990. La variation est donc nulle. En revanche, l’indicateur renseigne sur la comparaison avec le point critique qui est de 2 tonnes par habitant et par an. En ce sens, l’indicateur révèle ici deux informations. Une mauvaise position par rapport au point critique et une stabilité dans la durée.

1.2. les responsabilités élargies comme piliers du développement durable

Selon le rapport de l’ORSE (2003 : 10), le triple résultat (Elkington, 1997) consiste à prendre en compte l’impact environnemental, les conséquences sociales, tout en évaluant les performances financières. Pour ce qui est de l’environnemental, il s’agit de la « compatibilité entre l’activité de l’entreprise et le maintien des écosystèmes. Il comprend une analyse des impacts de l’entreprise et de ses produits en termes de consommation de ressources, production de déchets, émissions polluantes… ».
Pour le volet social, cela consiste à évaluer les « conséquences sociales de l’activité de l’entreprise pour l’ensemble de ses parties prenantes que sont les employés (conditions de travail, niveau de rémunération, non-discrimination…), les fournisseurs, les clients (sécurité et impacts psychologiques des produits), les communautés locales (nuisances, respect des cultures) et la société en général ». Clarkson (1995) fut l’un des pionniers à parler de Corporate Social Performance en dissociant d’ailleurs la notion de responsabilité (reponsibility, CSR1) de celle de « sensibilité sociale » (responsiveness, CSR2) en s’appuyant sur les travaux de Carroll (1979). Les réponses peuvent être alors réactives, défensive, adaptative ou proactive. Dans la perspective de mesurer la performance sociale d’une entreprise (PSE désormais), Clarkson suggère une échelle d’évaluation (nommée RDAP Scale) où la posture stratégique de l’entreprise et sa performance sont qualifiées selon les 4 niveaux indiqués ci-dessus. A l’exemple de la deuxième posture - défensive - où l’entreprise ne fait que ce qui est requis (Do only what is required), l’auteur met en évidence le rôle des parties prenantes en posant la question : requis par qui ? (Required whom by?). Les auteurs, en annexe précisent les descriptions de chaque élément pour apprécier la performance des firmes, de même sont spécifiés les critères de performance. Cependant, rien n’est mentionné au titre des variables sectorielles ou de la taille des entreprises, variables pourtant majeures et différentes au vu des situations contingentes (TPE vs GE, services vs industrie). A partir des évolutions du concept de la RSE, d’autres auteurs posent la question de l’interface entre les parties prenantes et la performance (supposée ici sociale). « Dans quelle mesure la prise en compte des demandes de parties prenantes plus ou moins distantes d’une organisation contribue-t-elle à améliorer sa performance ? » (Gond et Igalens, 2008). Doit-il y avoir toujours prise en compte de ces demandes ? Comment apprécier la notion de distance entre l’organisation et les parties prenantes ? Celles-ci sont-elles seulement identifiées ? Quelle importance accordent-elles à tel ou tel enjeu ? Par ailleurs, cette question peut-elle trouver un écho auprès de très petites structures/organisations ?
A propos de la performance financière, le volet économique concerne « la capacité à contribuer au développement économique de la zone d’implantation de l’entreprise et à celui de ses parties prenantes, respect des principes de saine concurrence (absence de corruption, d’entente, de position dominante…) ».
La notion des quatre piliers (quadruple bottom line) introduite lors de la conférence internationale sur le changement climatique et la réduction de la pauvreté (Davos 2007) met en évidence l’importance de ces évolutions conceptuelles.
Cette déclaration insiste sur l’urgente nécessité d’adopter une série d’actes politiques encourageant un tourisme durable réel, reflétant une responsabilité basée sur les quatre piliers suivants: environnemental, social, économique et climatique. La variable climatique complète ainsi le triptyque énoncé ci-dessus. Shapley (2009 : 158-159) identifie quant à lui cinq capitaux mobilisables par n’importe quelle organisation aux fins de délivrer ses produits et services. Les cinq capitaux mis en évidence sont le capital naturel, le capital humain, le capital social, le capital manufacturé, le capital financier.
Dans un même ordre d’idées, il a été proposé la mise en évidence de quatre responsabilités autour du secteur du tourisme (schéma 1).
Les piliers présentés lors de la conférence de Davos ressortent.

Schéma 1 :  Les piliers des responsabilités élargies (adapté de Babou et Callot, 2007)

  Les piliers des responsabilités élargies

Le pilier climatique se distingue de l’environnemental au sens où il concerne les émissions de Gaz à effet de serre (Ges), alors que le second prend en compte l’ensemble des ressources qui sont nécessaires. En termes d’indicateurs, le premier s’appuie sur l’outil proposé par l’Ademe : le Bilan Carbone®, le second fait référence à l’empreinte écologique, approche développée par Rees et Wackernagel (1996). Le cadre conceptuel du développement durable « consiste pour une entreprise à assurer un développement, par une approche globale de la performance, maintenu dans le temps et résistant aux aléas, respectueux d’un système de valeurs explicité, impliquant différents acteurs internes et externes, dans une logique de progrès continu » (Stephany, 2003). Les notions de temps, d’acteurs, via les parties prenantes, et d’améliorations continues semblent, au-delà de l’approche holistique sous-jacente, les points clés de toute logique de réflexion sur le thème du développement durable.

1.3. principes, précautions et crédibilité des indicateurs

Le chapitre 40 de l’agenda 21 synthétise les principes de la fiabilité des indicateurs en rappelant qu’il faut « élaborer des indicateurs de développement durable afin qu’ils constituent une base utile pour la prise de décisions à tous les niveaux » (Céron et Dubois, 2000 : 31). Notre souhait va effectivement dans ce sens. Dans cette étude la vulgarisation est privilégiée par rapport à la complexité. Un indicateur, pour ces auteurs, c’est d’abord « une variable qui peut prendre un certain nombre de valeurs (statistiques…) ou d’états (qualitatifs) selon les circonstances (temporelles, spatiales par exemple dans les domaines qui sont étudiés) ».

Quels sont les critères auxquels doivent répondre les indicateurs portant sur l’environnement ? Céron et Dubois (2000), rappelant les travaux de Rump (1996) et Rechatin (1997) rappellent les trois grands principes de ces critères :

  1. Qualité des données et justesse d’analyse,
  2. Pertinence vis-à-vis du sujet abordé,
  3. Communication

Les lignes directrices de la Global Reporting Initiative (GRI[1][2]) précisent d’autres principes. L’exhaustivité en est un, par exemple, et insiste sur le périmètre de l’indicateur (économique, social), tout en permettant aux parties prenantes d’évaluer la performance de l’entreprise sur la période de reporting. L’indicateur proposé ici répond à ce principe. En effet, le périmètre est connu. C’est celui des PME dans un secteur particulier - le tourisme - et une branche précise, celle de l’hôtellerie-restauration. Les sujets traités également - l’économique par l’intermédiaire d’une notation spécifique, le sociétal via les pratiques de l’entreprise et un questionnaire RSE, l’environnemental au moyen du Bilan Carbone® (initié par l’Ademe).
L’exactitude est un autre principe. Il porte sur la fiabilité des informations quantitatives qui dépend des méthodes scientifiques employées pour collecter, compiler et analyser les données.
Le premier critère énoncé par Céron et Dubois est exposé ci-dessus.
Troisième principe, la clarté suppose que le rapport présente des informations compréhensibles, accessibles et facilement exploitables par l’ensemble des parties prenantes de l’organisation. C’est le critère de communication évoqué ci-dessus avec l’importance de la vulgarisation du propos ou en tous les cas sa compréhension par le plus grand nombre. Il est également à souligner la notion de parties prenantes à supposer qu’elles soient connues de façon exhaustive (principe énoncé plus haut).
Au titre de la pertinence et de la qualité des indicateurs, l’ORSE indique une précaution essentielle quant à la note attribuée à l’entreprise : elle « tiendra compte de ses performances par rapport aux homologues de son secteur » (ORSE, 2003 : 100). De même, l’Observatoire recommande de préférer la valeur ajoutée au chiffre d’affaires, car « elle permet d’éliminer la part de l’activité réalisée en sous-traitance » (Ibid., p. 101). Précisant que l’idée d’une grille exhaustive relèverait de la gageure (ce qui est en contradiction avec les recommandations de la GRI)… Une autre recommandation paraît essentielle : c’’est la « nécessité de permettre des comparaisons entre entreprises en tenant compte de spécificités sectorielles » (Ibid., p. 106).

[1] Créée en 1997 à l’initiative de la Coalition for Environmentaly Responsible Economies (CERE) et les Nations unies via le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE).

[2] https://www.globalreporting.org/languages/French/Pages/default.aspx pour accéder à la version G4 de la GRI.

1.4. de la mobilisation d’indicateurs

1.4.1. L’empreinte écologique

Le concept de l’empreinte écologique date de 1996 (Rees et al, 1996). Il renvoie à l’équilibre entre la consommation de chaque humain et les ressources nécessaires pour fournir les biens (habitat, nourriture, services collectifs, transport) consommés. L’empreinte écologique « représente la surface de sol et d’océans nécessaire pour fournir les ressources consommées par une population donnée et pour assimiler les rejets et déchets de cette population. Les ressources consommées peuvent provenir de surfaces productives situées en dehors du territoire occupé par cette population » (Bovar et al, 2008 : 68). Les auteurs précisent que cela reste un indicateur d’environnement et non global, car il ne prend pas en compte les dimensions sociales et économiques. L’empreinte est exprimée en hectares globaux et, dans une vision de durabilité, la bio-capacité mondiale moyenne par personne serait de 1,8 ha (2003).
C’est un indicateur synthétique de soutenabilité qui tend à représenter le plus fidèlement possible une réalité donnée (Boutaud et Gondran, 2009). Il repose sur deux étapes qui paraissent incontournables : le recensement de l’ensemble des données nécessaires et/ou disponibles et la normalisation de ces données afin de pouvoir les agréger et les exprimer en une unité de mesure commune. Ce sont les hypothèses, complexes, du système comptable de l’empreinte écologique (Wackernagel et al, 2005).
Boutaud, dès 2002, mobilisait cet indicateur pour le comparer avec l’IDH[1] de certaines nations et les empreintes écologiques respectives des habitants de celles-ci (ha/hab.). En croisant ces deux données, l’auteur parvint à construire une grille d’évaluation (schéma 2) où « apparaît l’objectif à atteindre : un niveau de développement humain à la fois satisfaisant… et écologiquement durable ! » (2002 : 4). L’IDH quant à lui ne tient pas compte de la dimension environnementale (Bovar et al, 2008 : 63).
Comme le fait remarquer l’auteur « la première évidence qui saute aux yeux est sans appel : aucune nation ne réussit à atteindre un niveau de développement humain élevé tout en gardant un impact environnemental inférieur au seuil de durabilité écologique » (Boutaud, 2002 : 5).

[1] Indicateur de Développement Humain agrégat de l’indicateur de longévité (espérance de vie à la naissance), le niveau d’éducation (taux de scolarisation et taux d’alphabétisation) et le niveau de vie ramené en parité du pouvoir d’achat (PPA).

Schéma 2 : Développement humain écologiquement durable (Boutaud, 2002)

  Développement humain écologiquement durable

C’est à partir de ce modèle qu’un indice composite est élaboré (économique, social et sociétal) puis comparé au Bilan Carbone® de l’entreprise (ramené à l’euro de valeur ajoutée).

 1.4.2. Le Bilan Carbone®

 Le Bilan Carbone® est un outil développé en France, dès 2004, par l’Ademe (l’Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie). C’est une démarche pour réduire les émissions de Gaz à effet de serre (Ges). Le Bilan Carbone® permet d’identifier les postes qui sont les plus gros contributeurs. La répartition des émissions de Ges pour un hôtel-restaurant est présentée ci-dessous (Graphique 1).

Graphique 1 : Exemple d’un Bilan Carbone® pour un hôtel-restaurant 2* (source confidentielle)

Exemple d’un Bilan Carbone® pour un hôtel-restaurant 2*

 On le voit sur ce graphique, ce sont les déplacements (salariés et surtout clients) qui représentent la plus forte contribution aux émissions de Ges. Les 6 étapes d’un Bilan Carbone® (source Ademe) sont les suivantes : sensibilisation à l’effet de serre, définition du champ de l’étude, collecte des données, exploitation des résultats, établissement des pistes d’action de réduction, lancement d’actions. Toutes ces étapes sont applicables à toutes les entreprises quel que soit le secteur.

 1.5. de la rse, rso à la pse

 La Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE) « consiste dans un engagement des entreprises d’évoluer dans un cadre éthique pour participer au progrès économique et contribuer à l’amélioration de la qualité de vie de leurs salariés, de l’environnement local et de la société dans son ensemble »[1]. La responsabilité sociétale des organisations, via l’ISO 26000, « se définit comme la contribution de ces dernières au développement durable » (Afaq 26000, 2010 : 3). Le terme organisation ici est préféré à celui d’entreprises. Il est plus englobant et participe à la prise en compte des activités marchandes et non marchandes des économies. L’ISO 26000 prend d’ailleurs acte que « les réponses de chaque organisation en termes de responsabilité sociétale sont uniques ». L’activité, le contexte, l’histoire et la culture de l’entreprise, le profil psychologique du dirigeant sont, dans un environnement aussi contingent que turbulent, des exemples à considérer comme variables d’ajustement. La RSE, devenue RSO, suppose implicitement un engagement dans l’action. La publication, le 1er novembre 2010 de l’ISO 26000 apporte pour la première fois un cadre et une définition communs permettant de définir et de déployer la responsabilité des organisations (RSO). L’ISO 26000 explore, approfondit des concepts et permet, à travers sept questions centrales et sept principes, à toute entreprise, de progresser à partir de repères, mais aussi en fonction des moyens propres à chacune d’elle. Dans le même ordre d’idée, la Global Reporting Initiative (GRI, version 4) est un outil, pour les entreprises, ayant pour objectif de faciliter et d’améliorer la production de rapports de développement durable. Le respect des textes et indicateurs est totalement volontaire. Il n’existe pas de procédure de vérification de leur application (ASTCF, 2007 : 17).
La construction théorique de la RSE, évolutive, est ainsi passée d’une orientation philosophique et normative (CSR1 en référence à Clarkson, 1995) à une orientation qualifiée de stratégique et pragmatique (CSR2) pour déboucher sur une orientation intégrative et synthétique nommée performance sociétale de l’entreprise (Gond et Igalens, 2008 : 38). L’apport de la théorie des parties prenantes – personnes ou groupes susceptibles d’être affectés par le déroulement de la stratégie de l’entreprise selon Freeman (1984) – précise ainsi le rôle et l’impact de la RSE. La performance sociétale de l’entreprise (PSE) pose la question de l’impact (quoi ?) et de sa mesure (comment ?).
Pesqueux souligne que la RSE est « une réponse pragmatique aux pressions liées aux perspectives environnementales, politiques et sociales adressées à l’entreprise » (2009 : 51). Les écarts économiques des nations ou de certaines régions au sein d’un même pays, les matérialisations du changement climatique, les rapports humains, sociaux au sein des organisations, nécessitent des actions spécifiques modifiant les approches, les règles, les orientations du management. Dans le guide d’évaluation proposé par l’Association Française pour l’assurance qualité (AFAQ), les trois piliers du développement durable (DD) sont développés sous la forme d’indicateurs (reconnus d’ailleurs par la GRI, Tableau 1).

[1] World Business Council for Sustainable Development, 1997.

 Tableau 1 : n critères selon les trois piliers du DD (Guide AFAQ 26000)

Résultats environnementaux nombre indicateurs Résultats sociaux nombre indicateurs Résultats économiques nombre indicateurs
Matières premières 4 Emploi 2 Performance éco et présence sur le marché 5
Utilisation de l’eau 4 Santé & sécurité 3 Intéressement & participation 2
Biodiversité 5 Formation & éducation 4 Politique salariale 4
Energies et Ges 7 Diversité, équité et égalité des chances 4 Investissements responsabilité sociétale 2
Emissions effluents et déchets 5 Droits de l’homme et société civile 9 Qualité et satisfaction des consommateurs 2
Satisfaction des parties prenantes 3 Satisfaction des parties prenantes 3 Satisfaction des parties prenantes 3
Total 28 Total 25 Total 18

 Dans ce tableau 71 indicateurs potentiels sont présentés ici. C’est beaucoup et c’est moins pourtant que les « 134 propositions d’indicateurs testées par une vingtaine de pays volontaires, dont la France » (Bovar et al, 2008 : 52). Ces indicateurs ont été proposés par la Commission du développement durable des Nations-Unies en 1995. Pour l’indicateur présenté dans cet article, le document de référence est le document d’application du SD 21000 (AFNOR, 2006). Les parties prenantes concernées par le secteur ont été sollicitées pour valider les indicateurs les plus pertinents tout en s’appuyant sur les grilles d’évaluation de performance de chacun d’entre eux.
La responsabilité sociétale n’échappe pas aux critiques. Dans sa définition, c’est « un exemple de compromis fourre-tout et boiteux, mêlant éthique, satisfaction des parties prenantes, respect des lois et des normes internationales de comportement et développement durable » (Courrent, 2013 : 264). La Commission européenne dans sa version de 2011 met en évidence le décalage de la définition de la RSE et la taille de l’entreprise ainsi que la spécificité des secteurs. « Pour la majorité des PME, en particulier les micro-entreprises, le processus de RSE restera probablement informel et intuitif » (COM, 2011 : 8).
Les principaux outils à disposition des entreprises peuvent être synthétisés pour aborder le développement durable grâce au tableau 2.

 Tableau 2 : Récapitulatif des principaux outils à disposition des entreprises

  Récapitulatif des principaux outils à disposition des entreprises

 1.6. de la performance globale… efficience, efficacité et responsabilité environnementale

 La trajectoire passe alors de la performance purement économique au concept de performance « globale ». La performance, renvoyant à la notion de compétition et de benchmark, n’a de sens que dans le contexte particulier de telle ou telle entreprise, de tel ou tel secteur (ORSE, 2003). Elle doit permettre des interprétations variables au vu des contingences situationnelles (Bourguignon, 2000). La préoccupation d’une performance globale résulte alors de l’élargissement du rôle et de la place de l’entreprise dans son environnement en tant qu’actrice et donc contributrice.
Les travaux de Boutaud (2002 ; Boutaud et Gondran, 2009) dont s’inspire cet article, reposent la question du développement « soutenable » entre une durabilité dite faible (approche néoclassique) et une durabilité forte (approche éco-systémique). C’est le principe, autour de la définition initiale, du rapport Brundtland (1987) décrivant le développement durable comme celui qui doit « répondre aux besoins du présent [et des plus pauvres][1] sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ».
Partant de ces travaux, il a été imaginé la mise en place d’un indicateur comparant la performance économique et sociétale de l’entreprise avec sa performance environnementale (Babou et al, 2010). Boutaud fait un rapprochement entre l’indicateur de développement humain (IDH) des nations et l’empreinte écologique de ses habitants. Les travaux de Rees et Wackernagel (1996) permettent cette appréciation de l’empreinte écologique.
L’empreinte écologique est évaluée sur la base de 1,8 ha / habitant, évaluation issue des travaux de Rees et Wackernagel (1996).
Par exemple, et à propos des indicateurs du tourisme durable, Céron et Dubois (2000) recommandent que la construction d’indicateurs doit reposer sur des bases scientifiques solides (accord des experts sur la pertinence des choix entrepris) et sur des données fiables. Afin de tester notre approche, il a été retenu sur une période de quatre ans une formule de notation adaptée aux PME.
En effet, la continuation de l’exploitation, avec des performances plus ou moins élevées, suppose de la part du dirigeant, une capacité à résorber les difficultés existantes et une aptitude à prévoir et à s’adapter au changement. Ces aptitudes constituent les leviers de l’anticipation managériale. En cela « la continuation d’exploitation est la traduction de l’efficacité de la fonction de vigilance du dirigeant » (Holder et al, 1984 : 14). Au final, il est retenu que la performance globale est assimilée à la performance en matière de développement durable (ASTCF, 2007 : 42).

[1] Crochets rajoutés par l’auteur, la définition initiale comportant cette mention.

 1.7. questions de recherche

 Les questions de recherche gravitent autour des éléments vus précédemment. Comment, dans les PME d’un secteur particulier, ici l’hôtellerie-restauration, est-il possible d’apprécier la performance globale des acteurs ? Comment rendre accessible des données aussi hétérogènes que complexes dans leur mesure et leur accessibilité ? Comment traduire de façon pédagogique ce qui est encore non mesuré aujourd’hui ?

Présentation et résultats du pré-test

 2.1. méthodologie

 Il est proposé, dans le cadre d’une approche alternative inspirée de la théorie enracinée (grounded theory), une nouvelle méthodologie utile à qualifier la performance globale des entreprises. Cette théorie, qualifiée de substantive (Joannides et al, 2008, p. 143 citant Glaser et Strauss, 1967) pose uniquement des concepts qui pourront servir au développement d’une théorie formelle dans des travaux ultérieurs (théorie nommée achevée). L’approche est délibérément pédagogique.
Les entreprises, au-delà de l’évaluation de leurs performances économiques, pourront ainsi, en comparant leurs résultats, travailler et améliorer encore l’économique, le social et l’environnemental selon les cas. Elles auront ainsi une vision de leur performance globale.
Le recours à une méthode de notation est un gage de robustesse. En effet, le score de la performance économique « est une note basée sur la mesure de différents critères peu nombreux et simples à mesurer, jugés pertinents pour prédire la performance ou le comportement de l’entreprise évaluée » (Bobot et Voyenne, 2007 : 92-93).
Il est ainsi répondu aux critères d’exactitude et de clarté.
Pour la PSE cette recherche s’appuie sur des indicateurs validés par les parties prenantes concernées par ce secteur. Avec ces deux éléments (IE et PSE) l’indicateur de développement économique (Idéco) est obtenu.
Cet indicateur est comparé ensuite avec le Bilan Carbone® ramené à la valeur ajoutée produite. A ce jour, le Bilan Carbone® semble plus « accessible » que l’empreinte écologique. Il est vulgarisé en France par l’Ademe.

 Au final, la méthodologie peut se séquencer de la manière suivante :

 

  1. Trouver les PME du secteur ayant réalisé un Bilan Carbone® et volontaires pour cette recherche ;
  2. Récupérer :
    1. les trois ratios utiles à reconstituer la fonction Z (IE),
    2. le Bilan Carbone® de l’établissement au cours de cet exercice,
  3. Administrer le questionnaire RSE afin de mesurer la PSE ;
  4. Traiter les données récupérées ; calculer l’Idéco ;
  5. Analyser les résultats (sur chaque unité, par comparaison entre unités) par projection sur une matrice ;
  6. Présenter ces résultats aux dirigeants pour entreprendre les actions adaptées.

 2.2. premières analyses

 Le risque de défaillance de la firme est étudié à partir de la méthode de notation de Collongues (1977). Cette approche, initiée par les travaux d’Altman (1968) a été étendue à différents secteurs ensuite (Conan et Holder, 1979), et utilisée par la Banque de France (Holder et al, 1984).
Il a été retenu dans notre approche la fonction Z1 de Collongues adaptée aux PME :

 

Où    R1 = Frais de personnel/Valeur ajoutée
         R2 = Frais financiers/CA hors taxes
         R3 = Fonds de roulement/Total du bilan

Les valeurs critiques ici sont les suivantes : si Z1 > 5,455 alors l’entreprise est considérée comme non performante (défaillante selon l’approche de Collongues) et si Z1 < 5,455 l’entreprise est considérée saine.
Le système de détection à trois zones (voir schéma 3), à partir de la distribution des scores sur les populations d’entreprise défaillantes et saines, a permis de dégager cette note comme « zone » partageant ainsi les entreprises saines (en dessous de cette note) et les entreprises défaillantes (au-dessus de cette note).

 Schéma 3 : Représentation de la fonction Z issue de la technique du score de l’entreprise

  Représentation de la fonction Z issue de la technique du score de l’entreprise

 Les probabilités de défaillance sont réparties autour du score Z avec le choix d’un écart-type à chaque seuil (tableau 3).

Tableau 3 : Conversion de la notation, de la probabilité de défaillance et correspondance avec l’indicateur économique de l’entreprise (IE)

195 11

Pour la PSE la validation des critères définis comme importants est examinée simultanément à la grille de performance de ces indicateurs.
Pour l’entreprise de notre pré-test, la notation est de 107 sur un maximum de 145 et affiche donc un indice de 0,7379. Cette approche est en cours de modification car non-validée par les parties prenantes.
Il est décidé ici, de façon arbitraire (limite à discuter), d’accorder le même poids aux deux indices. Afin de rendre compte des efforts poursuivis par l’entreprise sur l’ensemble de cette période, une moyenne arithmétique, simple, sera calculée, comprise entre 0 et 1. Ce modèle est testé à partir de méthodes adaptées comme l’analyse de la variance à plusieurs facteurs afin « de connaître les effets de chacune des variables qualitatives, mais aussi les effets résultant de la combinaison de ces variables » (Crauser et al, 1989). De même, l’indicateur PSE souffrant d’un biais d’autodiagnostic est amélioré (il se limite à la déclaration de la personne).

 2.3. pré-test

 Cette analyse est limitée à une seule entreprise car elle est la seule à pouvoir fournir à ce jour les trois données recherchées. Les chiffres exprimés ci-dessous sont en k€ pour les données comptables et financières. Le score Z découle de la formule citée précédemment.

 Tableau 4 : Appréciation du score de l’entreprise

  195 12

 Ces chiffres appellent plusieurs commentaires.
Le score Z moyen de l’entreprise sur les quatre années est de 5 (σ = 0,37). Il correspond donc à une note IE située entre 45 et 50% et donc, au vu du barème de correspondance, à une note de 0,525. Au titre de la PSE, rappelons la note finale de 0,7379. L’Idéco pour cette entreprise est donc ici de :

(0,525 x 0,5) + (0,7379 x 0,5) = 0,6314

L’approche ne peut fonctionner que si plusieurs entreprises d’un même secteur sont comparées. L’Idéco pourrait alors faire apparaître des distorsions significatives selon la PSE de l’entreprise et ses résultats économiques. C’est cependant déjà une information cruciale pour les dirigeants d’entreprises d’un même secteur et un bon outil de pilotage.
Ces deux indicateurs fusionnent pour n’en faire qu’un (indicateur composite). Il est ensuite comparé, sur une matrice, au Bilan Carbone® de l’entreprise. L’unité d’œuvre ici serait le kilogramme équivalent CO2 (KgeCO2) ramené à l’euro de valeur ajoutée. Le Bilan Carbone® correspondant à 1 217 tonnes eCO2 (graphique 1) est connu. A partir du compte de résultat, il est possible de traduire le poids de ce Bilan Carbone® par euro de VA. Avec une valeur ajoutée de 691 000 €, ce poids est donc de 1,76 kg eCO2/euro de VA.
L’approche présentée ici est une étape. La recherche en cours permet d’améliorer l’indicateur composite appelé ici Idéco. Au croisement de critères considérés comme importants (par les parties prenantes) et selon la performance des entreprises eu égard à ces critères, l’indicateur social et sociétal servant à élaborer cet Idéco est précisé ci-après.

2.4. limites et recherches futures

La démarche exploratoire entreprise (théorie substantive) pour vérifier la pertinence des éléments retenus se poursuit. L’indicateur proposé respecte les principes et recommandations de ce que doit être un bon indicateur. L’approche est volontairement pédagogique pour rendre lisibles (clairs) les éléments de la performance globale de l’entreprise. Deux difficultés apparaissent clairement ici. Les données économiques sont disponibles assez facilement. L’approche PSE pose d’autres problèmes. Les biais peuvent être nombreux de par les réponses de standing formulées par les répondants (au-delà de celui évoqué qui est le déclaratif). La résolution de cette question est étudiée grâce au document d’application du SD 21000. La deuxième difficulté rencontrée ici est de ne travailler qu’avec des entreprises ayant réalisé ou fait réaliser leur Bilan Carbone®.

Discussion

De nombreuses définitions enrichissent le débat autour du concept de la RSE (ou RSO). Plusieurs points de convergence apparaissent entre l’approche conduite ici pour un secteur et une entreprise de petite taille (PME) et les théories mentionnées au cours de cet article. Tout d’abord, il apparaît essentiel de différencier les approches selon les secteurs où exerce l’entreprise. Une entreprise de services n’est ainsi pas comparable à une entreprise industrielle ou artisanale. Par ailleurs si de nombreux outils – internationaux, communautaires ou nationaux – existent, peu sont réellement à la portée de ces PME. Le croisement d’indicateurs composites proposé ici s’inscrit dans une logique pédagogique sur les trois volets du développement durable.
Au titre de la performance sociétale de l’entreprise, il semble prudent de qualifier les enjeux de cette performance par les parties prenantes – volontaires vs involontaires (Clarkson, 1995), contractuelles ou non (Carroll, 1989) selon la typologie retenue. En ce sens, les autoévaluations sont à proscrire, de même l’administration de questionnaires s’appuyant sur une approche déclarative biaisée, est à éviter. La construction d’une mesure de la performance sociétale de l’entreprise (ici PME) peut s’appuyer sur des référentiels type SD 21000 couplant l’importance de l’enjeu (à retenir comme tel) et l’évaluation de celui-ci. Cependant, il est considéré que la méthode du SD 21000 peut permettre à la PME de mieux connaître ses parties prenantes tout en ayant une mesure des critères considérés par elles comme importants.
Le score économique permet d’appréhender la vulnérabilité de l’entreprise, la PSE donne au dirigeant de PME une perspective de relations différentes avec les parties prenantes tout en modifiant les pratiques – par observation (mimétisme) – au-delà des normes ou textes à respecter (lois, règlements). Ces deux indicateurs croisés avec le Bilan Carbone® respectent les principes directeurs des outils présentés (GRI par exemple). Le modèle proposé correspond en tous points aux recommandations de l’ORSE (2003) par exemple ou de l’Afnor (Afaq) en ce sens où celui-ci :

  • Contribue à l’amélioration continue des performances (économique, sociétale et environnementale) et ainsi à la satisfaction des parties prenantes (Afaq, 26000),
  • Favorise les comparaisons d’entreprises d’un même secteur (ORSE, 2003),
  • Propose (ra) une grille non exhaustive, mais validée par les parties prenantes du secteur,
  • Insiste sur le volet pédagogique (clarté, communication selon la GRI).

Conclusion

La proposition formulée ici est de pouvoir comparer l’indicateur composite (économique et sociétal) avec celui du Bilan Carbone® de chaque unité exploitée. La première contrainte est évidemment d’avoir accès aux données primaires et parfois sensibles des entreprises. En ce qui concerne l’indicateur économique, la liasse fiscale et comptable de chaque établissement sur les trois derniers exercices ne devrait pas, elle, poser de problèmes. Une des contraintes concerne la PSE. En effet l’idée d’un questionnement introduisant de facto des biais majeurs est rejetée (réponses de standing, impossibilité de vérifier les déclarations…). L’approche présentée est en cours de modification en tenant compte des recommandations du document d’application SD 21000 et des remarques ou critiques faites par la communauté lors de colloques (ADERSE, 2013 ; RIODD, 2013 par exemple).
Par ailleurs, l’approche ne peut être effectivement conduite que si l’entreprise a réalisé son Bilan Carbone®. C’est la deuxième contrainte et certainement la plus forte en termes de réalisation de la méthode. Ce bilan, ramené à l’unité euro de valeur ajoutée permettrait de mesurer les efforts à produire soit dans une logique d’étalonnage (benchmark), soit par conscience responsable afin d’obtenir un meilleur résultat. La dimension pédagogique de nos travaux pour des structures de petite taille (PME) et dans un secteur particulier est mise en avant. La démarche propose une approche radicalement nouvelle autour des trois piliers du développement durable. Le schéma 4 synthétise le modèle suggéré.

Schéma 4 : Synthèse du projet de recherche

Synthèse du projet de recherche

Avec un échantillon plus étoffé et représentatif des entreprises du secteur (chaînes intégrées, indépendants, catégories et taille différentes…), la robustesse du modèle pourrait être testée. C’est l’enjeu de cette recherche. Il est également tout à fait envisageable d’étendre la démarche à d’autres pays à partir d’établissements du même secteur. L’approche en ce sens est généralisable et transposable. C’est un des objets de cette recherche.

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