Le numéro 204 de Vie et Sciences de l’Entreprise (VSE) est le résultat de l’hybridation des activités de valorisation de la recherche de l’Association Nationale des Docteurs ès Sciences Economiques et Sciences de Gestion (ANDESE), association savante portant la revue. La volonté de renforcer voire renouveler les activités de promotion de la recherche auprès des Docteurs ès Sciences Economiques et en Sciences de Gestion prend ici tout son sens.
Ce numéro comporte un dossier thématique autour des meilleures contributions du « Prix de Thèse de l’ANDESE » qui a pu se dérouler en juin 2017 avec le parrainage de Michel-Edouard Leclerc. La notoriété de cet évènement, mêlant académiques et professionnels, se confirme toujours autant aux fils des ans. Les tra vaux soumis témoignent de la richesse intellectuelle de ces jeunes Docteurs diplômés en Sciences Economiques ou en Sciences de Gestion. C’est bien en ce sens que l’ANDESE souhaite valoriser ces jeunes chercheurs en devenir pour qu’ils puissent prendre toute leur place dans les débats et enjeux sociétaux que nombre d’entre nous tentons d’aborder, de questionner et d’interpeller par nos travaux scientifiques
D’autres travaux dans ce numéro sont issus du dernier colloque 2017 de l’ANDESE lors des journées Fintechs de Bordeaux les 5 et 6 octobre 2017. Cet évènement a porté autour de la thématique suivante : « Quels enjeux sociétaux des FinTechs dans nos organisations ? ». Cette manifestation a pu regrouper plusieurs laboratoires de recherche et d’institutions de l’enseignement supérieur (L’IRSI du groupe Sup de Co La Rochelle, l’ISC Paris Business School, l’ESCEM Tours Orléans Poitiers, le CEREGE des IAE de Poitiers et de La Rochelle, l’IRGO et l’IAE de Bordeaux, le GRANEM de l’Université d’Angers, le PRISM de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et le CRIEF de la faculté de Sciences Economiques de Poitiers). Les échanges, entre chercheurs et praticiens, ont permis d’ouvrir des pistes de recherche sur les enjeux socio-économiques que vont incontestablement induire ces nouvelles formes de technologies.
Enfin, il convient de notifier l’intérêt pour nombre de chercheurs internationaux de proposer des articles dans VSE. Cette fois encore, plusieurs chercheurs sont de nationalités différentes. Les enjeux sociétaux sont de plus en plus forts dans nos organisations qui elles-mêmes sont de plus en plus mondialisées. La lecture de ces contributions d’horizons différents ne pourra que renforcer notre capacité à développer une expertise plus globale dans un monde en mutation où chercheurs comme praticiens devront faire preuves de plus en plus d’agilité.
Articles issus du prix de thèse de l’ANDESE :
Céline FUEYO, via son article « Co-construction et synergies de la communication en ligne : analyse des pratiques d’utilisation de Linkedin appliquée au secteur automobile », a pu mener une recherche sur la mesure de la crédibilité perçue de deux médias favorisant des interactions entre l’entreprise et les parties prenantes via les réseaux sociaux professionnels : 1/ Les médias possédés représentés par les Pages Entreprises LinkedIn (PEL) ; 2/ Les médias gagnés représentés par les Pages Personnelles LinkedIn (PPL). Ce travail, dense, puisqu’il s’inscrit auprès d’un échantillonnage de 1 500 répondants, permet de clarifier l’influence accordé à ces nouveaux médias dans nos organisations. Rares sont les travaux qui traitent du rôle de la voix des employés dans l’e-réputation d’entreprise. Les résultats obtenus démontrent que les médias gagnés issus des employés sont plébiscités. C’est un élément majeur à prendre en compte dans la stratégie de communication des entreprises où leurs parties prenantes n’y seront pas insensibles.
Milena KASING CHEN présente ici un article sur les enjeux du bas coût (low cost) comme stratégie de conception au sein des organisations : « Le bas coût comme stratégie de conception ». Le bas coût est un concept qui tend à évoluer, celui-ci n’étant plus uniquement cantonné à une sous-segmentation de produits de faible qualité. Malgré des contraintes d’unification des cadres théoriques sur le sujet, de plus en plus d’entreprises recherchent une représentation du réel via un guide de l’action et une rationalité plus systématique dans leur processus de conception de leurs produits. L’objectif de cet article est de proposer un tel modèle, pour permettre aux industriels de piloter leurs développements au sein de la gamme des produits à bas coût, en intégrant non seulement le raisonnement sur le produit (delta de qualité et de création de valeur), mais aussi l’impact de ce développement en confortant l’agilité de ces organisations. Ce regard, nouveau peut-être, vient enrichir la vision que nous pouvions définir des stratégies de conception.
Sarah SERVAL vient questionner les problématiques du management public territorial dont leur capacité à se rendre attractif auprès des filiales étrangères. Son article, « Vers une échelle de mesure de l’ancrage territorial des filiales étrangères », repose sur le concept d’ancrage territorial des filiales étrangères, en tant qu’objet de management territorial, peu étudié dans la littérature académique. L’enjeu est double pour les territoires ou les collectivités territoriales : être attractif pour attirer mais aussi pour conserver ces filiales étrangères. Le cas d’étude, l’Alsace, vient expliciter les enjeux pour ce territoire surexposé aux filiales étrangères (on dénombre une présence importante de filiales étrangères comparativement au reste de la France). Ce travail s’inscrit dans la conceptualisation d’une théorie de l’ancrage territorial des filiales étrangères afin notamment d’identifier les leviers de management territorial pour favoriser l’attractivité durable des territoires.
Morgan MARCHAND a travaillé sur « La stratégie, concept culturel ? Exploration de choix organisationnels par les imaginaires stratégiques de dirigeants de multinationales émergentes ». A partir de constats exploratoires, il met en évidence des imaginaires stratégiques permettant de rendre compte, sans être les uniques facteurs, des approches d’intégration lors d’acquisitions de filiales par des multinationales de pays émergents. Ces imaginaires stratégiques forment un référentiel de sens, transmis par les aspects de la socialisation, mobilisés lors de l’interprétation ou la résolution d’une situation. Ces imaginaires sont spécifiques (propres à un environnement culturel donné), stables (ils évoluent, mais à des rythmes lents dans un processus historiques) et implicites (transmis par socialisation primaire principalement). Ces représentations, issues de l’interaction entre le contexte rationnel et les imaginaires stratégiques, influencent à leur tour les décisions stratégiques qui viennent expliciter le comportement d’intégration de ces dirigeants lors de l’acquisition de filiales à l’étranger.
Articles « variables » :
Nacer GASMI a réalisé un article portant sur les conditions de partage de la valeur ajoutée au sein des entreprises dans une démarche d’innovations sociales : « Innovations sociales et création de valeur partagée au sein des entreprises ». Il met en avant les contraintes du modèle à bas coût qui ne s’appuient pas parallèlement sur des modèles d’affaires socialement responsables (social business). Le bas coût est souvent synonyme de précarisation des conditions de production pour en diminuer le coût de vente. Le concept d’entreprise sociale ou à vocation sociétale (social business) a été élaboré dans des pays en voie de développement avec trois caractéristiques fondamentales d’après l’auteur : un impact social qui prend en compte toutes les formes de pauvreté ; une gestion qui s’apparente à celle de l’entreprise, qui doit être pérenne et non déficitaire ; et des profits réalisés qui ne sont pas versés aux actionnaires mais réinvestis dans l’entreprise et des investisseurs qui peuvent éventuellement récupérer les montants injectés au départ. D’après Nacer GASMI, l’entreprise sociale s’inscrit dans une approche fondée sur le marché qui se doit de réparer les limites du capitalisme moderne. Le marché doit permettre d’inverser la tendance, où celui-ci doit devenir plus inclusif en adaptant l’offre des entreprises à leur réalité.
Emmanuel RENAUD vient questionner les modalités d’engagement organisationnel en clarifiant les éléments contextuels. Son article porte sur l’« Engagement organisationnel et modèle général de la rationalité : un apport conceptuel ». A ce titre, il lui semble utile de replacer la notion de « sentiment » dans la chaîne explicative de l’engagement organisationnel, non pas en l’éliminant, mais en lui donnant la place relative qui lui revient, à l’aide d’un modèle sociologique adéquat. A l’aide du modèle sociologique de la Théorie Générale de la Rationalité, il vient replacer les trois éléments (du sentiment, au calcul puis à la morale) dans une logique du comportement individuel. In fine, c’est bien son souhait de percevoir réellement l’engagement organisationnel tant comme un processus dynamique (caractérisé par un ensemble d’actions) que comme un concept compréhensible, dont les causes sont à chercher à l’intérieur même des raisons d’agir des personnes concernées.
Mathieu Juliot MPABE BODJONGO, Jacques Landry BIKAÏ et Jules Médard NANA DJOMO ont réalisé un article sur l’impact de la répression des infractions commerciales liées aux prix des produits alimentaires au Cameroun (« Répression des infractions commerciales liées aux prix et niveau des prix des produits alimentaires au Cameroun »). Le sujet, plus qu’intéressant puisqu’il repose sur des données quantitatives de ce pays, permet d’apporter des éléments de réponses à la politique de lutte des infractions sur le niveau des prix du marché intérieur, essentiel puisqu’il touche directement l’accès à l’alimentation de la population camerounaise. Un modèle d’anticipation adaptative, reposant sur une modélisation de l’incidence de la répression des infractions commerciales liées au niveau des prix, a été élaboré. Ensuite, une estimation du modèle autorégressif d’ordre 1 par la méthode des MCO a montré que la répression des infractions commerciales impacte bien le niveau des prix alimentaires. Des préconisations ont ainsi été listées, permettant d’apporter des éléments de réponses aux différents ministères du Cameroun dans sa volonté d’assurer une régulation sur les prix alimentaires des plus justes.
Dominique WOLFF et Thibault CUENOUD ont réalisé une tribune sur les enjeux de l’accompagnement (création ou reprise) via le coaching entrepreneurial : « Pour une approche renouvelée de l’accompagnement des créateurs et des repreneurs d’entreprise : le coaching (facilitation) entrepreneurial ». Démarche entre le mentorat et le tutorat au sein des pratiques d’accompagnement, le coaching entrepreneurial a un double avantage, à la fois conceptuel et programmatique, car il permet d’envisager l’acte de l’accompagnement d’un point de vue structurel. Il permet, dans sa pratique même, de renforcer la fonction de guidage de l’accompagnement jusqu’à la formalisation d’un modèle d’affaire à partir d’un bilan initial de positionnement entrepreneurial. Ce travail, reposant sur une revue de littérature, devra être complété par des recherches empiriques qui manquent actuellement, afin de mettre à jour les stratégies de rationalisation des acteurs de l’accompagnement tout en œuvrant à leur formation et aux moyens de leur certification pour le meilleur de nos entrepreneurs.
Christophe BISSON et Henri DOU viennent présenter une réflexion plus appropriée de l’Intelligence Economique (IE) appliquée aux PME, PME et ETI françaises, « Une intelligence économique et stratégique pour les PME, PMI et ETI en France ». Ces organisations n’ont pas toujours la capacité d’appréhender les enjeux de l’IE, souvent complexes et difficiles à expliciter. Ainsi, ils proposent un modèle de développement d’Intelligence Economique Système (IES), nommé Système Stratégique de Signaux Précoces ®, basé sur la modélisation de l’environnement stratégique de l’entreprise et permettant la création de scénarios futurs par des simulations pertinentes. La création d’une organisation dédiée avec un réseau de capteurs d’informations, d’analystes de la Veille Technologique et Stratégique et de décideurs permettraient aux PME, PMI et ETI de mieux capter les signaux faibles, de systématiser l'adaptation permanente du plan stratégique aux réalités de leur environnement à court, moyen et long terme, et de maximiser la prise de décision stratégique et les actions qui en en découlent.
A la fin de ce numéro 204, vous pourrez aussi y trouver les notes de lecture de Daniel Bretones et Jean-Jacques Pluchart.
Chers lecteurs, merci pour l’intérêt que vous porterez à ce numéro 204.
Thibault et Anne