Ce livre très agréable à lire et bien illustré par de nombreux cas est l’œuvre d’un expert dans le domaine du trading des matières premières. Il a le grand mérite d’être très pédagogique en ce sens qu’il explique comment depuis Le 17ème siècle, ce métier secret et recherché s’est développé comme une nécessité pour alimenter la demande mondiale, que ce soit dans le cacao, dans le caoutchouc ou plus récemment dans le pétrole. Mais aussi comment depuis l’avènement de la financiarisation de l’économie, les excès de celle-ci ont déstabilisé le marché par des comportements ignorant l’éthique, le seul objectif de ces nouveaux traders étant le profit à très court terme. L’aspect logistique est essentiel, (les files d’attente à l’entrée des grands ports comme Singapour sont interminables), il faut savoir gérer ce risque, tout retard de livraison pouvant conduire un négociant à une perte considérable voire à la faillite. L’autre dimension particulièrement intéressante est l’aspect géopolitique, les cargaisons pouvant changer plusieurs fois de main entre leur lieu de chargement et leur lieu de livraison, les trajets qui se font très souvent par bateau nécessitant plusieurs semaines. Plusieurs semaines dans un monde en effervescence, c’est le temps long, celui où la moindre étincelle au Moyen-Orient particulièrement peut totalement changer la donne. Bien sûr l’émergence de très grandes puissances comme la Chine et l’Inde, avec des populations très importantes ont suscité des besoins très importants qui ont permis l’émergence de nouveaux traders, spéculateurs financiers.
Parmi ceux-ci, les grandes banques américaines et asiatiques, qui ont progressivement muté de financeurs à négociant, créant un mélange inédit, certaines banques gérant par exemple directement des entrepôts d’aluminium. Ces marchés sont caractérisés par une opacité extrême, et toute tentative de transparence par les marchés officiels comme le London Metal Exchange par exemple est violemment refreinée par le lobbying des grands noms du négoce comme Glencore par exemple, qui agissent pour beaucoup depuis les rives du Lac Léman, où se traite 20% du commerce mondial. Si on peut regretter l’absence de dimension prospective, l’avenir de cette activité est quasiment impossible à dessiner, car comme le souligne l’auteur, l’élection de Donald Trump rebat les cartes, car si la loi Dodd Franck bien qu’imparfaite a tenté de réguler un minimum cette activité, son élection et les menaces de dérégulation à tout va laissent craindre le scénario du pire.