Sciences et Vie de l'Entreprise 205Le numéro 205 de VSE est entièrement consacré à trois thèmes clés de l’actualité que sont le phénomène de l’ubérisation de l’économie, l’entrepreneuriat et le capital humain. Partenaire de nombreuses manifestations scientifiques, dont la journée de l’ubérisation organisée à l’IAE de Bordeaux en mai 2017 ou encore du workshop capital humain organisé en juin 2017 à Clermont-Ferrand, VSE souhaite promouvoir des articles de recherche de qualité et en prise avec les enjeux sociétaux d’aujourd’hui. Toujours fidèle à son histoire, notre revue s’attache à diffuser des connaissances qui participent à mieux comprendre les enjeux humains.

En effet, l’ubérisation questionne en profondeur nos modèles de rapport à l’emploi traditionnel, les pratiques managériales, les règles de la concurrence ou encore nos modes de consommation. L’ubérisation signe-t-elle la fin des emplois ? Marque-t-elle le début d’un entrepreneuriat systématique ? Sommes-nous des citoyens désireux de consommer dans notre canapé ? Ces transformations majeures sont-elles le fruit de l’évolution de la technologie et de la société ? Plusieurs crises émergent de ces transformations numériques comme les chauffeurs qui dénoncent les conditions de travail avec la plateforme Uber, voire même les coursiers de Deliveroo déclarés autoentrepreneurs et contestant leurs conditions d’emploi. En effet, l’ubérisation de l’économie fonctionne largement sur le modèle de l’entrepreneuriat. Ce modèle présente l’avantage pour les organisations de se décharger des cotisations sociales et suggère que les autoentrepreneurs soient responsables de leur « rentabilité » et « performance ». Soulignons que ces autoentrepreneurs, selon le modèle Uber, ne sont ni créateurs de richesse et d’innovation, ni générateurs d’emplois. Assistons-nous à un détournement de la richesse par de grandes plateformes numériques ? La mise en relation entre les particuliers/utilisateurs et les fournisseurs de service doit-elle être payante ? A quel prix ? Les articles de ce numéro apportent des pistes de réflexion.

Le modèle de l’entrepreneuriat suggère un rapport à l’emploi particulier, basé sur la prise de risque, l’envie d’arpenter des sentiers inexplorés ; ce modèle de carrière correspond-il à tout le monde ? Cette approche de l’entreprise, de l’envie d’entreprendre, est liée à un capital humain particulier détenu par l’entrepreneur. Ce capital humain, valeur immatérielle inhérente à la personne, demeure difficile à estimer alors même que depuis les années 1960, des chercheurs essaient d’apporter des réponses sur des modèles d’appréciation et de prise en compte de cet actif.

Voilà pourquoi ce numéro spécial comprend 2 articles dédiés à la question de l’ubérisation de l’économie, 4 articles traitent de l’entrepreneuriat et 4 articles s’appuient sur la notion de capital humain.

Le premier article, écrit par Bertrand Blancheton, Professeur des Universités, retrace l’histoire de l’ubérisation de l’économie et tente de comprendre les enjeux de ce phénomène dans notre société. Les frontières de l’entreprise sont mises à mal, questionnant les modes d’emploi et les règles de la concurrence. De plus, l’article s’interroge sur l’impact réel de ces « activités nouvelles » vis-à-vis de la croissance économique des pays.

Le deuxième article, proposé par Catherine Viot, analyse également le phénomène de l’ubérisation de l’économie mais avec une entrée différente, celle du marketing. Ces évolutions impactent les modes de consommation où ces pratiques génèrent-elles toujours de la valeur ? Les consommateurs sont-ils tous adaptés à ces nouvelles modalités d’achat ? Le phénomène de l’ubérisation, pensé comme une nouvelle approche, n’est sans doute pas un modèle aussi révolutionnaire qu’on pourrait le croire.

Le troisième article, rédigé par Jimmy Feige, Maître de Conférences spécialisé en comptabilité, interroge sur les modes de rémunération du principal dirigeant. L’investissement consenti par ce dernier, notamment en termes d’acquisition de compétences et de connaissances, impacte de manière positive la performance organisationnelle de l’entreprise. Dans ces structures, les salariés y seront davantage impliqués et sollicités, notamment dans le processus décisionnel.

Le quatrième article, écrit par François Renon, traite des liens communément établis entre les formations dédiées aux entrepreneurs et la réussite professionnelle future de ces derniers. En effet, la plupart des travaux n’abordent pas la personnalité des entrepreneurs, ne retiennent pas les motivations des choix d’études, ou encore oublient l’histoire de vie des individus entre le moment de la sortie des études et le lancement effectif de leur activité. L’auteur proposer un modèle théorique intégrateur avec différentes variables susceptibles d’expliquer les facteurs de réussite des entrepreneurs.

Le cinquième article, proposé par Jean-Claude Lopez, Marie-Noelle Jubénot et Jimmy Feige, étudie le capital humain spécifique des dirigeants de PME afin d’évaluer leur capacité à entreprendre. L’article développe une mesure de la performance des dirigeants qui engage une réflexion objective sur la capacité réelle à développer une activité entrepreneuriale. Cette approche permettrait de décerner un permis d’entreprendre.

Le sixième article, écrit par Marie-Noelle Jubénot, rapproche le concept de capital social avec celui de capital humain. En effet, aucune étude à ce jour n’établit de rapprochement entre ces deux approches qui pourtant se complètent : comment développer son capital humain sans s’appuyer sur son capital social ? Comment être reconnu performant et compétant sans capital social ? L’article montre les points de complémentarité afin de réconcilier ces deux approches.

Le septième article, proposé par Assane Ndao, montre l’engagement des DRH dans la construction d’une stratégie au service de la performance organisationnelle qui peine toutefois à se mettre en adéquation avec la culture et les valeurs de l’entreprise. Toutefois, cette dimension stratégique reste nuancée et se traduit simplement par une prise de conscience de l’importance de la gestion des ressources humaines et par la détection d’outils clés de management.

Le huitième article, une tribune libre, proposé par Maud Louvrier-Clerc et Vanessa Mendez, membres de l’association Finance For Entrepreneurs, aborde la question du rapport au temps perçu par les entrepreneurs. Leur activité consiste à accompagner des entrepreneurs dans leur projet où le rapport au temps est toujours tendu voire problématique : « il faut courir après le temps ». Elles y confirment l’importance de rompre avec ces logiques pour apprendre, voir réapprendre à contrôler son environnement temporel pour la pérennité et la performance des organisations.

Le neuvième article est une tribune proposée par Luc Marco, Professeur des Universités émérite, qui réalise un regard historique sur le classement des revues d’économie-gestion du CNRS. Ce travail nous permet de mieux comprendre les enjeux de ce classement. Luc Marco a été le Rédacteur en Chef de VSE de 1985 à 1995. Il a aussi pu réaliser de nombreux travaux scientifiques dans sa carrière d’enseignant-chercheur. Il viendra nous apporter régulièrement son regard d’expert sur l’histoire des revues en Sciences de Gestion pour le plus grand bonheur des lecteurs.