Les actifs immatériels (incorporels ou intangibles) représentent une part de plus en plus importante du capital productif de l’entreprise. Cette part ne cesse de s’accroitre sous l’effet de la digitalisation des processus et de la multiplication des brevets et des marques. Elle représente près de 99% des actifs totaux des GAFAM et des start’up internet. Les avancées technologiques offrent de nouvelles opportunités qui sont aisément rentabilisables, car la dérégulation du marché du travail favorise l’automatisation des processus. La mondialisation des marchés favorise le développement des actifs intangibles. Les investissements intangibles sont classés en 3 catégories (selon les auteurs) : les données informatiques, la propriété de l’innovation et les compétences économiques. Leur valorisation pose deux problèmes : la rentabilité d’un projet est difficilement prévisible ; il est difficile d’estimer le temps investi dans un investissement intangible. Les auteurs mettent en évidence 4 caractéristiques spécifiques aux actifs intangibles : ils peuvent être facilement répliqués à grande échelle (scalibility) ; l’investissement dans les actifs intangibles tend à être un coût irrécupérable (sunk cost) ; les actifs intangibles comportent des externalités positives pour leur environnement (spillover) ; ils bénéficient de fortes synergies. Ces caractéristiques amènent, selon les auteurs, à des scénarios de winner-takes-all, mais aussi à des prévisions et à des erreurs comptables fréquentes.

J. Haskel et S. Westlake voient donc dans cette nouvelle forme de « capitalisme sans capital » une explication à la stagnation séculaire et à l’accroissement des inégalités économiques et sociales. Cette forme de capitalisme creuse les inégalités de revenu par une automatisation des métiers peu qualifiés et par une sur- rémunération des programmeurs et managers. Les inégalités de patrimoine sont corrélées avec le prix de l’immobilier et l’urbanisation croissante consécutive aux nouvelles technologies les inégalités de profits entre les entreprises des nouvelles technologies et les entreprises d’autres secteurs économiques.

Jonathan Haskel, professeur d’économie à l’Imperial College de Londres, et Stian Westlake, membre du comité national britannique pour l’innovation.