Imprimer

Ce numéro spécial de VSE porte sur l’entrepreneuriat féminin. Cette thématique a toujours été importante pour nous. L’entrepreneuriat est surtout une façon de dépasser les modalités organisations actuelles. L’entrepreneuriat permet de renouveler sa façon d’être, sa vision du quotidien et de prêter attention aux changements sociétaux qui incontestablement impacteront les organisations. Lorsque l’on aborde la thématique de l’entrepreneuriat féminin, nous avons dans nos esprits beaucoup d’espoir. L’entrepreneuriat devient aussi un outil de changement de la société pour plus d’égalité et de solidarité pour les femmes. Celles-ci ont ainsi l’opportunité de s’affranchir de certaines conditions de travail – c’est ce que vous allez pouvoir lire dans certains des articles proposés ici. Celle-ci ont aussi l’opportunité de développer des activités entrepreneuriales à forte valeur ajoutée (lutte contre l’exclusion, prise en compte de l’handicape, lutte contre la discrimination…) au service d’une émancipation de la société dans son entièreté. C’est aussi ce que vous allez pouvoir lire dans ce numéro spécial.

Afin de nous accompagner dans ce travail, nous avons sollicité trois experts sur le sujet qui ont pu contribuer à l’organisation de ce numéro spécial et nous les remercions vivement. Par ordre alphabétique, il s’agit de Gérard Dokou, Maître de Conférences HDR et Directeur CEL de l’Université Littoral Côte d’Opale – ULCO ; de Typhaine Lebègue, Maître de Conférences à l’IAE de Tours - UFR de Droit, Economie et Sciences Sociales de l’Université de Tours ; et d’Éric Vernier, Maître de Conférences HDR et Directeur de la Chaire Commerce, Echanges & Risques internationaux - ISCID-CO de l’Université Littoral Côte d’Opale – ULCO.

Nous vous remercions pour l’intérêt grandissant que vous portez aux numéros de VSE. Nous espérons qu’à nouveau, nous saurons satisfaire votre curiosité avec ce nouvel « opus » de la revue. Nous nous sommes efforcés à garder « l’esprit de la revue » : une exigence académique forte, des thématiques d’actualité, des liens entre la recherche et les organisations professionnelles… Tous les ingrédients indispensables pour attiser votre curiosité !

Bonne lecture à vous tous.

Thibault et Anne.

Par Éric VERNIER

Lorsque l’on m’a invité à diriger un numéro spécial de Vie et Sciences de l’Entreprise, je n’ai évidemment pas hésité une seconde pour y répondre favorablement. C’est effectivement un plaisir et un honneur d’accompagner cette revue, récemment classée FNEGE émergente. Je me suis cependant permis d’y poser une condition : que le thème porte sur l’entrepreneuriat féminin. Un sujet qui me paraît évidemment essentiel, sans vouloir succomber à une certaine démagogie ambiante après des lustres de cécité scientifique sur cette dimension.

Un confrère me rappelait récemment un bon mot du regretté Pierre Desproges : « le féminin de directeur, c’est : la femme du directeur ! ». Une fois de plus, l’humoriste avait frappé juste. Dans les années 1970, l’idée même d’une Présidente-Directrice Générale était quasiment inconcevable. Que de chemin parcouru depuis, mais… que de chemin encore à parcourir. Car si des avancées sérieuses apparaissent dans les discours, qu’en est-il réellement au plus haut niveau dans les entreprises : les administratrices, les dirigeantes, les entrepreneures, les start-upeuses, les créatrices ?

Souvent très attachées à leur territoire, les femmes entrepreneures souhaitent y développer une activité, pour elles-mêmes et faire ainsi vivre leur famille, mais aussi pour le bien de leur village, de leur région, de leur pays. Cet ancrage territorial se ressent profondément sur un continent que j’affectionne particulièrement. Terre de la famille matrilinéaire, du matriarcat et de la tontine, l’Afrique s’avère un terrain d’étude parfait pour comprendre la genèse de l’entrepreneuriat féminin, ses spécificités et ses difficultés. C’est pourquoi ce numéro intitulé « L’entrepreneuriat féminin dans les territoires engagés : enjeux et typicités », a retenu en priorité des contributions issues de recherches dans cette région du monde. Nombreuses ont été les propositions. Avec Typhaine Lebègue (IAE de Tours), Gérard Kokou Dokou (Université du Littoral, Côte d’Opale) et Thibault Cuénoud (La Rochelle Business School), nous en avons retenu quatre.

Plusieurs auteurs soulignent que les femmes entrepreneures, tant de l’économie sociale et solidaire que de l’économie classique, sont attirées par des facteurs positifs, ou pull, et des facteurs négatifs, ou push, (Duchenaut et Orhan, 2000 ; Léger-Jarniou, 2013 ; Naschberger et al., 2013). De tels facteurs se nourrissent de l’importance de l’altruisme communautaire et de l’implication dans la vie sociale et économique (Tchouassi, 2002 ; Onana, 2006 ; Kane, 2009). Face aux nombreux obstacles, les entrepreneures mobilisent de nombreuses potentialités individuelles et collectives sous-tendues par des dispositifs d’accompagnement de l’écosystème entrepreneurial (Notais et Tixier, 2014 ; Lebègue, 2015 ; Roukatou, 2015 ; Demmen-Debbih, 2015). Notre contribution scientifique s’appuie ainsi sur les articles de plusieurs enseignant(e)s-chercheur(se)s basant leurs travaux empiriques au Maroc, en Algérie, au Cameroun… avec des thèmes d’études aussi variés que la microfinance, l’engagement, l’autonomie, le handicap ou encore l’émancipation.

Par ailleurs, deux femmes d’exception nous ont fait l’honneur de collaborer à l’édification de cette revue par la rédaction respective de la préface et de la postface. Myriam Maestroni, Directrice générale chez Primagaz France jusqu’en 2011, puis fondatrice et Présidente de la société Économie d’Énergie, start-up en forte croissance spécialisée dans les solutions digitales innovantes dans la rénovation et transition énergétique, mais aussi fondatrice et Présidente du Fonds de dotation e5t, a reçu en novembre 2019 le prix international BNP Paribas de la Femme Entrepreneure 2019 à l’occasion du 67ème congrès mondial FCEM au Pérou. Michèle Sabban, ancienne Vice-présidente du Conseil Régional d’Ile-de-France, première Présidente élue en novembre 2008 de l’Assemblée des Régions d’Europe, a fondé en 2010 le R20, Regions of Climate Actions, aux côtés de l’ancien gouverneur de Californie Arnold Schwarzenegger pour rassembler les régions, les provinces et les États fédérés de la planète dans la lutte contre le changement climatique et la mise en œuvre du développement durable. De 2012 à 2017, elle en a assuré la présidence. Elle occupe aujourd’hui le poste de Présidente du Fonds Vert R20 pour les Femmes.

Nous recevons, d’autre part, plusieurs contributrices invitées. Tout d’abord, Viviane Neiter qui, à la tête de son cabinet de conseil en gouvernance et relations actionnariales, conseille à la fois des grands groupes cotés du CAC 40 et des sociétés familiales plus petites. Membre de Governance Professional of Canada, elle exerce quatre mandats d’administratrice indépendante dans des sociétés cotées françaises et un dans la filiale d’un groupe irlandais. Elle développe ici une réflexion sur la place du genre dans la structuration du pouvoir en intégrant la dimension RSE (responsabilité sociétale des entreprises), de plus en plus prégnante dans les organisations. Mais aussi Sophie Cauwet, ancienne responsable de l’économie sociale et solidaire (ESS) à la Communauté d’agglomération du Boulonnais et Présidente fondatrice de coHose qui accompagne des actions de solidarité nationale et internationale et des projets d’économie responsable et qui livre dans ce numéro le fruit d’une étude auprès de femmes entrepreneures dans le secteur de l’ESS. Elle a notamment interviewé Sylvie Cheynel, Docteur en pharmacie et Présidente du Directoire du Groupe AlterEos, qui s’est très tôt engagée dans l’économie sociale et solidaire pour aujourd’hui diriger une société exemplaire dans le nord de la France employant plus de 500 salariés en situation de fragilité. Enfin, une interview de Lahou Keita, fondatrice de la société nantaise Keitas Systems France en 2011, puis de Keitas Systems Canada en 2019 à Québec, vient enrichir l’ensemble de ces études et réflexions.

Je vous souhaite quant à moi une excellente lecture en remerciant chaleureusement tous les contributeur(trices), l’Université du Littoral, Côte d’Opale, l’Institut Supérieur de Commerce International de Dunkerque, le Centre Entrepreneuriat du Littoral et la Chaire Commerce Échanges & Risques internationaux by ISCID-CO.

Par Gérard Kokou DOKOU

Les travaux portant sur les entrepreneures se focalisent sur leurs caractéristiques personnelles, leurs potentialités, leurs motivations et les modes de gestion de leurs entreprises. Ces mêmes travaux relèvent souvent des cas concrets dans les pays développés, émergents et en développement. Certains de ces mêmes travaux précisent que les entrepreneures qui bénéficient d’antécédents familiaux et professionnels favorables développent un potentiel créatif continu à travers la volonté d’indépendance, de réussite personnelle ou familiale et l’ambition du développement socioéconomique à fort ancrage local. Le désir consistant à créer une entreprise dans le but de compléter un revenu familial insuffisant et à se limiter aux secteurs d’activités prolongeant le rôle traditionnel de la femme est de moins en moins de mise. En revanche, le champ de l’économie sociale et solidaire est souvent exploité. C’est le premier axe des principales contributions consignées dans ce numéro thématique. Le second axe qui attire l’attention du lecteur concerne la pluralité des fondements théoriques mobilisés pour mieux décrypter les problématiques traitées au sujet de l’entrepreneuriat féminin dans des contextes territoriaux et spécifiques. Ces deux axes font partie des attentes de ce numéro 210 de VSE. Ils sont brièvement explicités dans les paragraphes qui suivent.

Les auteurs, chacun à sa manière, montrent comment les entrepreneures référencées ou citées en exemple s’intéressent à l’acteur local dont le comportement s’enracine dans un territoire à travers l’harmonie qui présuppose la prise en compte de la multiplicité des logiques d’action humaine. Le territoire approché par l’entrepreneure est pris comme une réalité vivante tirant tout son sens de l’imaginaire partagé par des individus socialisés. L’imaginaire partagé n’est perceptible qu’à travers les comportements des acteurs en présence et dans tout ce qui les entoure et fait leur vie quotidienne, leur architecture culturelle et l’économie de leur organisation sociale. Pour les entrepreneures mises en évidence dans les sept contributions majeures, les comportements des individus sont, en permanence, en interaction avec cet imaginaire qui les stabilise dans le chaos de l’ordre social. Ce faisant, les actions réalisées par ces entrepreneures imprègnent profondément les comportements individuels et collectifs de leur site d’intervention. Par la même occasion, elles tentent d’obéir à des principes variés au sens de l’économie des conventions s’incarnant dans le comportement quotidien de l’agent socioéconomique local. Elles se construisent les filtres qui leur permettent de conjuguer des impératifs plus ou moins contradictoires. Il s’agit de marges de manœuvre leur permettant de recomposer l’intérêt, l’utilité de leurs actions et les contraintes sociales de leur site. La logique économique comme la vie sociale se trouvent entremêlées. Elles partent du principe que la multiplicité de la condition humaine nous fait entrer dans des univers beaucoup plus complexes que ne le laisse entendre la simplicité de la rationalité économique.

A ces différents titres, la perspective théorique des logiques d’actions des entrepreneures étudiées relève des trois approches entrepreneuriales connues : l’approche par les spécificités individuelles (individu), l’approche environnementale (individu-contexte) et l’approche processuelle (individu-projet). Dans cette ouverture à la complexité et à la diversité des motivations humaines, les auteurs ont évité les découpages disciplinaires inutiles. Ils ont opté pour les multiples modalités par lesquelles l’individu assure concrètement un équilibre situé en conformité avec son milieu social, économique et écologique. La perspective esquissée relève d’un projet épistémologique, certes ambitieux mais prometteur, sur l’acteur local recomposé et réconcilié avec lui-même et la nature. Il est question de considérer que la rigueur analytique de l’homo œconomicus est de plus en plus battue en brèches par l’observation empirique et l’incapacité de la théorie économique classique à proposer des solutions concrètes dans l’accompagnement de l’acteur local en situation. Cette faiblesse théorique et opérationnelle trouverait sa solution dans l’hybridation des approches qui évitent la simple réincarnation des normes sociales sans grandes spécificités individuelles.
Rappelons que c’est en 1848 que John Stuart Mill indiquait que la répartition des richesses d’une nation serait gouvernée par des « lois humaines » pouvant faire l’objet de négociations entre les partenaires sociaux. Cette distinction entre les lois régissant la production et la répartition est une première brèche dans le corpus d’une économie politique qui aurait comme objet des lois économiques aussi incontestables que celles des sciences de la nature. Elle introduit l’énigme du social dans l’univers de l’économiste qui cherche à s’affranchir totalement des faits de société. D’ailleurs, ce débat sur les relations entre l’économie et la société va même s’amplifier tout au long de la deuxième moitié du 19ème siècle et du début du 20ème entre des grands auteurs aussi divers que Pareto, Walras, Jevons, Schumpeter, Weber, Simiand, Veblen, Durkheim et Marshall, pour ne citer que les plus célèbres.

La crise sanitaire que nous traversons montre que les parcours individuels sont entremêlés aux cheminements collectifs ; de cette manière, le local est fait du régional, du national, de l’international et du global. Dans cet enchevêtrement, l’individu devient une personne qui est irréductible à une simple éponge du collectif ou du global. Les pratiques des acteurs locaux expriment une certaine unité dans la diversité. Les interactions que les acteurs entretiennent entre eux reconfigurent leur territoire, celui-ci étant aussi soumis à des changements venus de l’extérieur. Le territoire s’adapte à l’évolution de son environnement local, régional, national et international.
Ceci lui donne un caractère feuilleté et enchevêtré et qui incite aux recherches sur les alternatives à l’économie dominante avec un grand effort en matière non seulement d’interdisciplinarité mais aussi, et de façon combinée, d’interculturalité. Cette orientation est même, aujourd’hui, une urgence quant au débat sur la manière de penser et d’organiser les durabilités sociales, économiques et écologiques dont ont besoin nos territoires.

C’est un des mérites fondamentaux des contributeurs de ce numéro thématique de VSE. Nous leur en savons gré et vous laissons en prendre connaissance.

Par Tiphaine LEBEGUE

Les premières recherches sur les femmes entrepreneures débutent dans les années 70 aux États-Unis. Dans son article, Eleanor Schwartz (1976) cherche à mieux comprendre le profil de ces femmes entrepreneures jusqu’alors absentes de la littérature entrepreneuriale. Parce que la pensée scientifique s’est très majoritairement construite en référence à la réalité des hommes entrepreneurs, les recherches sur les créatrices, repreneures et héritières ont été envisagées à partir de leurs homologues masculins. Il s’agissait alors de collecter des données et des connaissances sur les femmes entrepreneures et de détecter ses caractéristiques propres (un entrepreneuriat différent), qui se distinguent de la figure entrepreneuriale dominante définie selon des construits masculins. Dès lors et plutôt que de mobiliser des cadrages théoriques plus enclins à pouvoir interroger la diversité de l’entrepreneuriat des femmes, les chercheurs ont cherché à légitimer ce sous-champ de recherche en le positionnant par rapport à celui de l’entrepreneuriat ; les études s’ancrant alors dans une perspective comparative. Ce n’est que dix années plus tard que les angles d’approche vont évoluer et que la recherche sur l’entrepreneuriat des femmes proposera des cadres plus enclins à créer des connaissances sur la réalité des femmes entrepreneures dans toute leur diversité (Brush, 1992 ; Ahl, 2006). Ces recherches montrent tout l’intérêt et la pertinence de continuer à étudier l’entrepreneuriat des femmes dans sa diversité, en prenant en compte la pluralité des contextes culturels, professionnels, politiques et personnels au sein desquels s’inscrivent leurs parcours entrepreneuriaux. Pourtant, malgré une prise en compte de plus en plus importante du contexte, les études se concentrent toujours sur certaines régions du monde et délaissent les pays en voie de développement, comme les régions du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (Brière et al., 2017).

Ce numéro spécial met en évidence la diversité des réalités existantes chez les femmes entrepreneures et propose ainsi de contextualiser les connaissances sur l’entrepreneuriat et le genre. Les contributions qui composent ce numéro nous semblent en effet pouvoir permettre de mieux comprendre les enjeux que revêt l’entrepreneuriat des femmes dans les territoires engagés. Cette ambition s’exprime dans l’exploration de contextes variés qui nous entraînent de la France vers le Cameroun, le Maroc et l’Algérie.

En montrant les liens qui apparaissent entre l’entrepreneuriat féminin en quartier prioritaire et l’engagement territorial, Lorena Clément nous invite à poser une réflexion critique sur le type de développement créé par les entrepreneures des quartiers prioritaires. Elle montre notamment que l’engagement territorial local de ces entrepreneures est lié à une volonté d’apporter du bien-être aux individus à travers leur projet ainsi qu’à leur souhait de bénéficier d’un soutien de leur communauté. Leur projet contribue donc au développement local des territoires par leur souhait de préserver et renforcer la vie sociale mais comme elle le soulève, il s’agit moins d’une stratégie délibérée de la part des entrepreneures que d’une stratégie mise en œuvre sous l’influence de contraintes économiques et sociales importantes.

Ensuite, sur un sujet ô combien d’actualité puisqu’il irrigue aujourd’hui bon nombre d’organisations publiques et privées, Christiane Nga Nkouma Tsanga Rosali interroge la dimension inclusive de l’entrepreneuriat à travers les récits de vie de quinze femmes entrepreneures camerounaises. Elle se demande si leur parcours de créatrice d’entreprise peut constituer un vecteur d’intégration dans les sphères sociales et économiques. En dépeignant un portrait captivant de quinze femmes handicapées entrepreneures (handipreneures), elle met en exergue le caractère résilient de leur démarche ainsi que la présence de motivations multiples. Ces entrepreneures camerounaises sont en effet animées par le souhait de subvenir aux besoins de leur famille tout en s’inscrivant dans une quête d’indépendance et d’assertivité.

En proposant d’appréhender l’inclusion sous l’angle de la microfinance en entrepreneuriat, l’article de Wafaa Tani et Imane Bari contribue à enrichir les travaux qui interrogent l’influence de la microfinance sur la croissance des TPE féminines. Comme ils le soulignent, la microfinance constitue une forme importante de l’intermédiation financière par le financement des populations en situation de précarité, des personnes à faible revenus et et des TPE. Leur recherche vise à analyser le déroulement du passage des prêts solidaires aux prêts individuels auprès de quatre-vingts TPE féminines marocaines qui s’inscrivent dans les trois secteurs les plus financés par les associations de microcrédit : les secteurs de l’artisanat, du commerce et des services. Les auteurs de cette recherche montrent donc que la nature du microcrédit influence positivement la croissance des TPE en matière de revenus nets, tandis qu’il ne contribue pas à l’évolution des effectifs.

Madjid Abbaci, L’hocine Houanti et Rey Dang nous emmènent vers l’exploration de la région de Kabylie en Algérie à travers le portrait de dix femmes ayant toutes créée dans le secteur de l’éducation (crèches maternelles et écoles de langues étrangères). Les motivations de ces femmes entrepreneures témoignent d’une volonté d’investir l’espace public et ainsi de pouvoir s’épanouir professionnellement. Le besoin d’accomplissement et la quête d’autonomie animent leur démarche entrepreneuriale. Cette étude nous offre à voir un portrait de femmes entrepreneures engagées dans leur volonté de contribuer au changement social et sociétal. A travers leur entreprises, elles cherchent à œuvrer pour l’éducation des jeunes, en leur transmettant notamment des connaissances indispensables à leur réussite académique et professionnelle. Toutefois, les auteurs de cette recherche soulèvent la nécessité d’interroger leur entrepreneuriat à l’aune du secteur d’activité investi qui redessine la division sexuelle du travail.

Ce numéro spécial sur l’entrepreneuriat des femmes dans les territoires engagés accueille également des contributions d’auteures invitées qui ont accepté d’apporter leur éclairage, de transmettre leur expérience, d’exprimer leur interrogation et de nous offrir leur perspective sur ce sujet qu’elle porte et soutienne.

Nous remercions donc chaleureusement tous les auteur.e.s de ce numéro spécial et espérons que vous prendrez autant de plaisir à le parcourir que nous en avons eu à le construire.