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Je souhaite remercier chaleureusement les auteurs de ce dossier thématique de mettre en lumière « l’entrepreneuriat féminin dans les territoires engagés », sujet qui m’interpelle particulièrement, puisqu’il est au cœur de l’action que je mène quotidiennement depuis plus de 10 ans via l’Organisation Non Gouvernementale, R20 – Regions of Climate, dont je suis Présidente d’honneur, et le Fonds vert R20 pour les femmes que je préside encore aujourd’hui.

C’est pourquoi, je suis très honorée de vous délivrer ces quelques lignes de postface qui vous permettront, je l’espère, d’ouvrir les yeux sur l’importance du rôle des fonds verts, de l’action des territoires, et des enjeux liés à l’entrepreneuriat féminin.

En ces temps difficiles, liés à la pandémie COVID-19 à laquelle nous faisons tous face, plus que jamais nous nous rendons compte que la planète tout entière se retrouve face aux conséquences des décisions humaines du passé. Qu’elles soient économiques, sociétales, industrielles, il est évident que nous devons changer nos comportements. Cette situation, qui perturbe la planète dans son ensemble, est très grave, non seulement par les effets mortels provoqués par le virus, mais également par les effets systémiques de la géo-vitesse de sa propagation et les conséquences économiques et sociales qui découleront du confinement. Comme le disait le Professeur Carlos Moreno, Professeur spécialiste des problématiques urbaines : « dans un monde au mode de vie basé sur les interdépendances, jamais au niveau de la planète nous n’avons assisté à une telle démonstration des principes-clés de la complexité ».

La planète souffre et c’est l’humanité tout entière qui doit se remettre en question. Nous sommes entrés dans un agenda de l’urgence, un agenda de la mise en œuvre effective des promesses, des propositions et des partenariats sur lesquels nous nous sommes engagés et ce notamment lors la COP21. Déjà en 2009, lors de la COP15, les États réunis à Copenhague décidaient de créer un « Fonds climatique vert » destiné à soutenir différents projets avec pour objectif de diminuer les émissions de CO2, de lutter contre la déforestation et de prendre des mesures d’adaptation aux conséquences du réchauffement climatique. Ce nouveau mécanisme de financements solidaires devait permettre d’aider les pays les plus vulnérables à se développer tout en limitant leur impact sur l’environnement et en luttant efficacement contre le changement climatique. En Octobre 2019, les pays signataires de l’Accord de Paris sur le Climat avaient promis de contribuer à hauteur de 9,8 milliards de dollars à la reconstitution de ce Fonds, malgré le retrait de grandes puissances économiques comme les États-Unis.

L’ordre économique mondial étant aujourd’hui bousculé, je reste persuadée que nous devons poursuivre nos engagements et soutenir tous les acteurs dans leurs efforts de financements pour le climat. La « finance verte », qui définit les actions et opérations financières qui favorisent la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique, doit se poursuivre et même s’accentuer. Je suis intimement persuadée que nous devons soutenir un écosystème fort, stable et tourné vers la coopération internationale, car la finance de demain doit être durable. Rediriger massivement les flux de capitaux vers la transition énergétique est un défi prioritaire.

L’enjeu des territoires est également majeur ! Avec Arnold Schwarzenegger, Président Fondateur du R20 – Regions of climate action, nous n’avons eu de cesse de mettre en valeur le travail des régions, et de nos partenaires institutionnels, qui luttent sans relâche pour mettre en place des projets climats de terrain. Les territoires sont des espaces clefs de cohésion sociale et de développement économique. En collaboration avec les différents acteurs locaux et avec leurs concitoyens, les entités locales ont démontré qu’elles sont parmi les premières à traduire l’action climatique sur le terrain et à développer des outils opérationnels.

Encore aujourd’hui en situation de crise COVID-19, ce sont les villes et les territoires qui sont au cœur des violentes perturbations auxquelles nous faisons face et des enjeux prioritaires à mettre en place pour s’en sortir. Voir des villes-monde comme Paris, New York, ou encore Pékin, réduites au minimum de leurs activités avec la suspension de toutes activités récréatives, la diminution drastique des moyens de transport (voitures, métros, avions etc.) et l’absence de contacts physiques, offre une autre facette de ce monde urbain, d’habitude si vivant et productif. Les dernières images satellitaires illustrent parfaitement la diminution de la pollution à la suite de ces restrictions d’activités humaines. Également, effet boomerang du confinement, un peu partout dans les grandes villes du monde, on observe bien que la nature semble reprendre ses droits.

Nos territoires et nos villes ont donc une vraie réflexion nouvelle à apporter. La crise ne facilitant pas les engagements demandés aux États, il faut poursuivre ce combat, et convaincre la communauté internationale à s’engager effectivement sur une réduction des gaz à effet de serre, grâce à des politiques ambitieuses.

Aussi, nous faisons face aux défis du développement urbain mondial, c’est un défi qui doit être résolu par tous les acteurs aussi bien régionaux que locaux. L’exode rural est galopant et nos territoires et nos villes ne doivent plus rester en retrait de ces problématiques. L’amélioration de la qualité de vie des citadins passe par le développement urbain durable. L’écologie, c’est une meilleure qualité de vie, mais c’est aussi la croissance économique de demain et ce notamment sur les continents d’avenir tel que l’Afrique. Nous ne pouvons plus retarder notre entrée dans cette nouvelle civilisation écologique. En Afrique, le COVID -19 peut/va avoir des conséquences dramatiques, qui s’inscriront à leur tour dans l’histoire des pandémies. Il doit notamment nous inciter à remettre en perspective les chiffres effrayants du nombre annuel de morts atteints de maladies respiratoires par pollution de l’air.

Nous savons bien que la gestion des quartiers informels est particulièrement sensible et que la notion de distanciation sociale n’y est pas applicable (l’organisation sociale reposant en effet sur un regroupement collectif permettant l’entraide). Comment donc repenser avec les Africains, l’adaptation de leurs villes, afin qu’elles soient plus résilientes et mieux armées contre les fléaux climatiques et sanitaires qui peuvent les toucher ? Le concept de « territoire/ville durable » prend alors tout son sens. Il ne s’agit plus seulement de rendre une ville plus sobre en émission carbone, avec des mobilités douces, des constructions responsables et moins énergivores, etc., il s’agit de développer des territoires équilibrés avec un accès égal aux soins, à l’éducation, aux transports, et à la culture pour tous les habitants, quelle que soit leur localisation.

Dans ce contexte difficile, il est urgent de compléter l’approche actuelle du haut vers le bas par une approche plus flexible du bas vers le haut, fondée sur la preuve par l’acte, plus facile à réaliser au niveau des territoires, des régions et des villes.

Et dans cette réflexion, les premières actrices doivent être et seront les femmes !

Les femmes sont en effet affectées différemment et plus sévèrement que les hommes par le dérèglement climatique. En cause, les impacts sur l’agriculture, la fréquence et la sévérité des catastrophes naturelles, les construits sociaux, les tâches qu’elles se voient attribuer, les discriminations et la pauvreté. Pourtant, elles jouent un rôle majeur dans la mise en place de stratégies d’adaptation et d’atténuation face au dérèglement climatique et s’attachent davantage que les hommes à trouver des solutions concrètes pour leur communauté.

C’est pourquoi en 2016, j’ai décidé de créer un outil de finance verte, le Fonds vert R20 pour les femmes, pour permettre aux femmes de s’autonomiser en pratiquant des activités rémunératrices et respectueuses de l’environnement. La vision du Fonds vert R20 pour les femmes est celle d’un monde où les femmes et les hommes bénéficient de chances égales pour accéder à l’éducation, à la formation et à l’emploi. C’est également la vision d’un monde plus propre, plus respectueux de l’environnement. Les femmes et les jeunes filles doivent avoir le pouvoir de concrétiser les changements auxquels elles aspirent, et nous souhaitons les encourager dans ce sens. Nous avons pour mission de faciliter l’égal accès des hommes et des femmes aux emplois verts, aux ressources naturelles, aux technologies de production d’énergie propre, à une meilleure alimentation, et à la sécurité hydrique et énergétique. Ainsi, nous contribuons à la mise en œuvre de projets liés au déploiement des énergies renouvelable, de l’efficacité énergétique, ou encore sobres en carbone.

Promouvoir l’accès des femmes à de nouvelles opportunités économiques est une des clés pour lutter contre les inégalités dont elles souffrent, mais également pour œuvrer à une restructuration des enjeux de la ville de demain et pour lutter efficacement contre le changement climatique.

Notre humanité a besoin de la planète, alors ne perdons pas plus de temps et ensemble continuons d’agir !