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Amicel G., Boukerche A., Autopsie de la valeur travail – A-t-on perdu tout sens de l’effort ? Eds Apogée, 162 pages

Selon Voltaire, « le travail éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin ». Selon les auteurs, la valeur du travail est un concept fondamental de la société contemporaine, mais elle ne repose plus que sur le temps et donc, sur l’argent. Pour la plupart des acteurs sociaux, le travail n’est plus un instrument d’épanouissement ou un vecteur de libération. Il est en crise en raison de la montée du chômage et du sous-emploi, de la gestion optimisée du temps de travail… Le système néocapitalisme transforme le travailleur en objet divisé, quantifié, normé et rationalisé. Le travail n’est plus porteur de sens. Il était méprisé chez les Grecs, puis considéré comme une pénitence au Moyen Âge. Il devient un objet de réflexion au Siècle des lumières, puis une notion politique au XIXe siècle avec les pères fondateurs du capitalisme et du marxisme. Aujourd’hui, la valeur travail a été vidée de sa substance originelle, car la production matérielle n’est plus l’étalon permettant d’évaluer une tâche et de lui attribuer une valeur. Les principes économiques actuels semblent donc avoir atteint leurs limites. Les philosophes en déduisent que doit être révisé le paradigme d’Adam Smith selon lequel « c’est en poursuivant leur intérêt personnel que les individus œuvrent pour le bien commun ». L’organisation basée sur l’efficacité, la productivité et le rendement, doit laisser place à un monde du travail plus éthique, plus solidaire et plus écologique. Les auteurs prônent une certaine décroissance économique, l’auto-limitation de la consommation et la relocalisation de la production.

Beraldi C, Eymeri J, Rousseau F, On ne dirige pas une boîte avec des camemberts, Ed Flammarion, 192 pages

La planification des projets et des tâches des organisations est remise en question à chaque nouvelle crise économique. En France, la restauration du Commissariat du plan soulève diverses questions dans les milieux politique et économique. La construction d’un business plan – voire d’un budget – fait également débat. Le plan assure en principe trois fonctions : il explique les tendances ; il suscite le dialogue entre les parties prenantes ; il est un vecteur de communication. Les auteurs s’interrogent sur son utilité et sur son mode de construction. Ils constatent que dans les grandes entreprises et certaines ETI, le plan relève d’une direction de la stratégie et que cette dernière fait souvent écran entre la direction générale et les directions opérationnelles. Les DG se rassurent en exigeant des schémas explicatifs (d’où le titre de l’ouvrage) et des projections sous plusieurs hypothèses qui, dans la plupart des cas, s’avèrent sclérosantes pour l’action. Le plan inhibe le goût du risque, le sens du pari, l’esprit de défi, l’agilité face aux crises. Les auteurs prônent ainsi l’adoption d’un mode start’up préservant l’esprit entrepreneurial.

Les trois auteurs sont consultants en stratégie.

Brunel S, Pourquoi les paysans vont sauver le monde ? Eds Buchet Chastel, 259 pages

L’auteure rappelle certains fondamentaux oubliés dans le débat public. « Les terres cultivées n’occupent que 12 % des terres émergées libres de glaces et seulement 2 % de ces terres sont cultivées intensivement ». Pour produire les 3,5 milliards de tonnes de céréales nécessaires aux 10 milliards d’humains des années 2050, « il faudra augmenter la productivité de 14 % par décennie ». La faim n’a pas disparu : « près d’un milliard de personnes en souffrent toujours dans le monde. Et en France, 9 millions de pauvres n’ont pas les moyens de faire trois repas corrects par jour ». L’auteure dénonce ceux qui stigmatisent l’agriculture française - la « plus performante du monde » - pour promouvoir une filière bio coûteuse en aides publiques, exigeante en main-d’œuvre introuvable et « produisant des denrées qui n’ont pas encore démontré qu’ils sont meilleurs pour la santé »… Elle soutient que le bio a sa place dans les campagnes, mais seulement pour valoriser de petites surfaces. Elle pose des questions dérangeantes : pourquoi opposer les modèles ? Quelles sont les limites des circuits courts ? Quels sont les avantages alimentaires du bio ? Comment prévenir le retour de contaminations ou de pénuries ? Comment mieux protéger les sols, la biodiversité, l’eau ? Dénonçant l’agribashing, elle plaide pour une agriculture diverse, responsable et surtout, productive.

Sylvie Brunel est géographe après avoir milité dans l’ONG Action contre la faim.

Chankovski V, Lenoble C, Maucourant J (dir.), Les infortunes du juste prix, Eds Le bord de l’eau, 235 pages

Le juste prix est une des questions les plus débattues dans l’histoire des idées économiques. Les auteurs retracent l’évolution de ce concept depuis Aristote jusqu’à l’école de Chicago, en passant par le droit romain, les scholastiques, les caméralistes allemands, les physiocrates et l’école autrichienne. En fonction des courants de pensée, le juste prix est un « bon prix » issu d’un rapport de force négocié, un « prix légal » fixé par un processus institutionnel, un « prix concurrentiel » fixé par la main invisible du marché, un « prix équitable » assurant une juste rémunération du travail, un « prix naturel » reflétant la vraie valeur d’un bien, « un prix raisonnable » contribuant au bien commun, en assurant la prospérité économique et la paix sociale, un « pricing » calculé par un logiciel de place de marché… Le juste prix doit-il être fixé dans le cadre d’une économie libre et ouverte, exempte de fraude et de situation de monopole, et/ou doit-il être fixé par une autorité légitime soucieuse du bien commun ? Comme l’expression l’indique, la conception du juste prix fait appel à l’économie de marché et à la théorie de la justice. Les auteurs en déduisent que le mécanisme des prix est un des fondements du droit naturel.

Les sept auteurs du livre sont chercheurs au CNRS.

Cohen E., La société à mission. La loi Pacte : enjeux pratiques de l’entreprise réinventée, Eds Hermann, 212 pages

L’originalité du livre réside dans son approche des conséquences juridiques de l’adoption, par un actionnaire et un dirigeant, du statut de société à mission, dérivé de celui de société à objet social étendu. La société à mission a l’engagement d’exercer une mission intégrant des objectifs sociaux et environnementaux non réductibles au profit. L’affichage, de sa raison d’être, contribue à son enracinement dans son écosystème et dans la société civile. Cet engagement collectif est contrôlé par un comité de mission composé de représentants des parties prenantes de l’entreprise. La mission doit présenter un caractère pérenne. Elle contribue à valider le concept de gouvernance partenariale. Elle fait l’objet d’arbitrages de la part de ses dirigeants, qui acquièrent une plus grande indépendance vis-à-vis des actionnaires. L’auteur s’efforce de montrer que l’application de ce statut n’est pas idéaliste. Il estime que l’intervention du législateur était nécessaire, car la pression de la finance verte ne suffit pas à imposer une gouvernance pleinement responsable. Il craint toutefois que si les cours boursiers des sociétés à mission ne « superforment » pas – voire ne s’alignent pas – sur ceux des firmes conventionnelles, les effets de ce nouveau statut risquent d’être limités.

E.Cohen (avocat) a participé aux recherches sur le statut de société à mission.

Combe E., Économie et politique de la concurrence, Eds Dalloz, 539 pages

La nouvelle politique de la concurrence exercée par la Commission européenne suscite de plus en plus de controverses, comme en attestent les réactions récentes face au refus de la fusion entre les groupes Siemens et Alstom. Ces débats revêtent d’autant plus d’importance qu’ils conditionnent la politique industrielle du Vieux continent, face à celles de la Chine et des États-Unis. C’est pourquoi s’impose la lecture du dernier livre d’Emmanuel Combe, vice-président de l’Autorité française de la Concurrence. L’auteur présente un grand nombre de cas d’ententes entre entreprises (dans les commodités chimiques, les produits d’hygiène, les messageries, les agences de mannequins, la distribution de médicaments vétérinaires, le transport routier, la distribution en gros de produits pour la boulangerie…), d’abus de position dominante (Subutex, revêtements de toiture en zinc…), de contrôle des concentrations (Casino/Monoprix, FNAC/Darty…), de respect d’engagements (maintenance des équipements de distribution électrique, travail temporaire…)… Ardant défenseur et meilleur spécialiste des règles de la concurrence, E. Combe livre notamment sa réflexion sur la régulation des pratiques et sur les positions dominantes des GAFA. Avec un grand didactisme, il présente les théories économiques, les textes juridiques et les principaux cas de jurisprudence qui encadrent les comportements des entreprises sur les marchés.

Emmanuel Combe (ENS Lyon, docteur en économie, agrégé de droit et d’économie) est Vice-président de l’Autorité Française de la Concurrence.

Dana A., La méthode Livementor : 12 étapes pour libérer l’entrepreneur qui est en vous, Eds Alisio, 346 pages

L’ouvrage s’inspire d’un livre célèbre de management des entreprises : e-Myth, le Mythe de l’entrepreneur revisité de Michael Gerber (2017). A. Dana présente le cas d’une nouvelle commerçante ayant endossé les « trois casquettes » d’entrepeneur, de manager et de technicien. Le premier est un visionnaire et un innovateur ; le second un organisateur et un planificateur ; le troisième un développeur et un opérateur. L’art du management consiste à gérer le conflit permanent entre ces trois rôles. L’auteur montre que, contrairement aux idées reçues, le technicien a un rôle essentiel, car en automatisant les tâches répétitives, il permet aux deux autres acteurs de mieux assurer leurs fonctions, respectivement stratégique et organisationnelle. Alexandre Dana distingue trois types de systèmes : les systèmes qui rendent impossibles certains projets (car non faisables techniquement ou trop coûteux) ; les automatismes qui libèrent des tâches répétitives ; les systèmes de communication qui permettent de déléguer et de travailler en équipe. Grâce aux systèmes, l’entrepreneur peut ainsi transformer son entreprise en entité indépendante, capable de s’adapter aux évolutions de l’environnement.

Alexandre Dana est entrepreneur et président du cabinet de conseil Livementor.

Gaffard J-L, Amendola M, Saraceno F, Le Temps retrouvé de l’économie, eds Odile Jacob, 280 pages

Selon les auteurs, le temps est ignoré des économistes, ou plutôt, dans la théorie néo-libérale, ses échelles sont indifférenciées entre les entrepreneurs, qui « créent » le futur, les investisseurs, qui le « planifient », et les régulateurs, qui en « encadrent » le cours. Les auteurs préconisent de modéliser les multiples temporalités des acteurs sociaux, et d’en saisir les potentialités et les contraintes. Ils revisitent les grandes problématiques actuellement débattues dans les milieux politiques et économiques : la régulation des différents marchés (industriel, financier, du travail…), les horizons des dettes publiques, les durées des responsabilités… Cette incapacité des économistes libéraux et keynésiens à maîtriser les temporalités, est longuement dénoncée par les auteurs, qui y trouvent l’origine de l’instabilité croissante des économies et de la société. Ils s’opposent au modèle walrasien de l’équilibre général comme à celui de l’État providence. Afin de limiter l’instabilité et l’incertitude, ils proposent que les horloges respectives des entrepreneurs, des investisseurs et des pouvoirs publics, soient conjointement maîtrisées.

Jean-Luc Gaffard est professeur émérite à l’université Côte d’Azur, chercheur à l’OFCE-Sciences Po et à Skema Business School. Francesco Saraceno est chercheur à l’OFCE. Mario Amendola est professeur à l’université Sapienza.

Heisbourg F., Le temps des prédateurs, la Chine, Les États-Unis, la Russie et nous, Eds O. Jacob, 242 pages

L’auteur s’interroge sur les risques de « tiers-mondialisation » de l’Europe. Il retrace l’histoire (depuis 1793 !) des forces et des faiblesses respectives des États-Unis, de la Russie, de la Chine et de l’Union européenne. Il constate qu’en deux siècles, la hiérarchie des puissances s’est inversée. Il déplore le déclin inexorable du vieux continent, marqué par quatre guerres et de profonds désaccords entre certaines nations. Il observe que la puissance stratégique d’un État-nation est désormais fondée sur sa capacité d’innovation technologique. Il compare les avantages et les inconvénients respectifs des alliances de l’Europe avec la Chine, la Russie et les États-Unis. Il conclut que si les prochaines élections portent à la présidence des États-Unis un leader respectueux des institutions et des conventions internationales, ces derniers constitueraient le partenaire le plus naturel de l’Union européenne. L’essai de F. Hesbourg délivre une savante leçon de diplomatie internationale, mais laisse entrevoir de sombres perspectives européennes.

F. Hesbourg est conseiller spécial à la fondation pour la recherche stratégique.

Institut Louis Bachelier, Livre blanc « Blockchains & développement durable », 130 pages

L’Institut Louis Bachelier publie en juin 2020 un livre blanc intitulé « Blockchains & développement durable » (130 pages), qui mérite une attention particulière parmi les nombreux ouvrages et articles consacrés à la blockchain. Le livre blanc présente 200 cas d’usage illustrant les diverses applications de blockchains qui contribuent à la réalisation des 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) fixés en 2015 dans le cadre de « l’agenda 2030 », par 193 membres de l’ONU. Les ODD visent 169 cibles et font l’objet de 232 indicateurs-clé qui contribuent à la régulation des politiques publiques et des stratégies des grandes entreprises. Les auteurs du livre blanc s’efforcent de répondre à la question : comment les blockchains peuvent-elles contribuer à accélérer la réalisation des ODD ? Ils visent à montrer comment les 3 générations de blockchains se sont adaptées aux différentes chaînes de création de valeur des principales filières d’activité (commerce, agriculture, énergie, industrie, immobilier, finance). Ils expliquent par quelle ingénierie conjuguant la Business Intelligence (BI), l’Intelligence Artificielle (IA), le big data et l’Internet des Objets (IoT), les blockchains s’imposent de plus en plus comme le « socle de la confiance collective » nécessaire aux progrès sociaux, sociétaux et environnementaux. Elles s’affirment comme une « nouvelle technologie de consensus » instaurant la confiance entre les parties prenantes d’une même transaction. L’usage de blockchains devrait ainsi rendre transparente des chaînes de valeur de plus en plus complexes, qui encadrent les interactions entre des acteurs de plus en plus nombreux.

Le livre blanc rappelle les fondements techniques des blockchains, fondées sur les mêmes principes : « une base de données distribuée, un réseau pair à pair, un mécanisme de consensus ». La 1ere génération porte sur le bitcoin, conçu en 2008 par Satochi Nakamoto, qui repose sur un « minage » par une « preuve de travail » et une cryptographie de bloc de données. Avec l’invention du bitcoin, pour la première fois depuis le début de l’informatique, la propriété d’un bien numérique peut être transférée sans n’être dupliquée ni passer par un registre centralisé. La 2e génération est celle de l’etherum mis au point en 2015 par Vitalik Buterin. Elle permet de créer des contrats autonomes (smart contracts) favorisant la vérification, la transmission et l’application d’accords complexes, consultables en ligne et opposables aux tiers. La 2e génération de blockchain émet des jetons (token) par un processus de cryptographie et de valorisation permettant de rendre liquides presque tous les types d’actifs (devises, crédits carbone, titres de propriété, contrats…). La 3e génération (dite de l’IOTA) porte depuis 2015 sur des crypto-devises régies par des protocoles open source permettant de monétiser des données issues notamment de l’IoT (smartphones), de la tag RFID, des capteurs et des actionneurs. Son fonctionnement est différent des précédentes générations de blockchains puisqu’il est fondé sur une technologie utilisant le concept de graphe dirigé acyclique (DAG), dont l’infrastructure décentralisée s’appelle le Tangle (entrelacs/enchevêtrement). Alors que les transactions en bitcoins sont regroupées en bloc et validées par des mineurs, les transactions en IOTA sont à la fois indépendantes et reliés entre elles à travers un réseau « entrelacé ».

Les projets étudiés dans le livre blanc ont été classés en neuf domaines répondant aux ODD : 1. L’identité numérique ; 2. La circulation monétaire ; 3. La sécurisation du foncier ; 4. L’agriculture durable ; 5. L’accès à la santé ; 6. Les énergies renouvelables ; 7. La consommation responsable ; 8. La traçabilité des matières premières ; 9. Le fonctionnement des administrations publiques. Le livre blanc recense notamment les projets portant sur « l’identité numérique souveraine » (self-sovereign identity), qui vise à sécuriser les transferts de données personnelles. Il expose les recherches développées par l’alliance entre Accenture, Microsoft Mercy Corp et Hyperledger. Il présente les systèmes IRespond, et X-Road, puis recense les applications permettant de prouver une identité, d’authentifier des titres de propriété foncière (projets Bitfury, Ubitquity, Bitlend) et d’organiser un vote (Agora).

Les propriétés des blockchains - en particulier la traçabilité, la transparence et l’enregistrement inviolable des données sur un registre - permettent la mise en place du reporting et le suivi des actions dans le cadre de l’accord de Paris. Plus d’un millier d’initiatives ont été lancées à l’échelle mondiale afin de gérer les droits d’émission de gaz à effet de serre. Le projet lancé par IBM et l’Iridium Lab Ltd vise à « jetonner » les crédits bas carbone. La coalition « climate chain » créée à Paris en 2017 regroupe 170 membres et s’est fixée pour objectif l’avancement des Distribute Ledger Technologies (DLT) en faveur des solutions accompagnant le changement climatique. D’autres applications devraient contribuer à financer les projets bas carbone par des Initial Coin Offerings (ICO). Les blockchains pourraient également favoriser le traçage de « l’électricité verte » (issue de la biomasse, du solaire et de l’éolien), grâce aux applications de Lition et d’Engie. Elles pourraient aussi organiser « l’autoconsommation collective locale » de l’électricité par des « réseaux microgrids » (projets Brooklyn Microgrid, jetons Solar Coin, Lyon Confluence, Sunchain). Ces projets visent la certification « CDM Gold Standard ». Le commerce responsable implique une traçabilité des produits et des modes de production, ainsi que le raccourcissement des chaînes logistiques. Leur développement donne actuellement lieu à de multiples projets dans les secteurs des matières premières et de l’agriculture (Better Cobalt, Everledger, Agunity, AgriLedger, AltFinlab, Bext360).

Afin de rendre « l’argent programmable », plusieurs projets visent à mieux contrôler les transferts de fonds (Stellar, Suremit, TEMPO), les investissements à impact social (TREE Token, Sun Exchange), les « monnaies complémentaires », qui flèchent les achats des consommateurs (Impak Finance, Grassroot cooperative, Bancor, Atomic swap), l’inclusion financière des personnes non bancarisées (Humaniq, Arcadia Blockchain Technologies), la collecte philanthropique (AIDChain, Helperbit) et le traçage des collectes alimentaires.

Les auteurs du livre blanc s’interrogent également sur la mesure des impacts des investissements basés sur la « tokenisation » et sur la traçabilité des engagements sociétaux des entreprises pris en faveur de la responsabilité sociale et environnementale. Les blockchains deviennent ainsi des « briques de confiance » dans le financement participatif de projets énergétiques innovants par des platesformes de crowdfunding ou de crowdlending, comme Enerfip, Lendosphère ou Lumo.

Les auteurs s’efforcent également de montrer l’intérêt de la blockchain dans l’intégration des ODD dès la conception du produit ou du service (Développement durable by design) et dans la construction du business model de l’entreprise (conformément au modèle de Venkatramen).. Les auteurs s’appuient sur une abondante documentation universitaire et professionnelle. Ils analysent de nombreuses micro-expériences et posent les principales questions soulevées par l’apport des blockchains à la responsabilisation sociale et environnementale des entreprises.

Ils sont enseignants-chercheurs (J-A-F. Schlumberger et P. Geoffin) et consultants (S. Voison et P. Campsavoir).

Levy B-H., Ce virus qui rend fou, Eds Grasset, 112 pages

Le dernier essai de BHL est un plaidoyer philosophique en faveur de la responsabilité et de la liberté. Il dénonce le « grand enfermement » de la population mondiale au nom du « risque zéro ». Il invoque les philosophes comme Platon, Nietzsche et son maître Canguilhem, afin de s’insurger contre la « mise en servitude » des peuples au nom d’un nouveau « catéchisme virologique ». Il cite volontiers Michel Foucault, dénonciateur des nouvelles formes de panoptisme et observateur de la « naissance de la clinique », à l’occasion des épidémies de peste. Il dénonce la « sidération des intellectuels » qui ont « fait parler le virus » en le qualifiant de « grand soir » sanitaire, de « crise finale », de « fin de l’histoire »… Il critique les « rentrez chez vous » et les « va t’en guerre » des gouvernements et les « matraquages de masques et de gants » des médias. Il constate que la « litanie quotidienne des morts, entubés et hospitalisés » a permis le retour des « hygiénistes et des collapsologues ». Il n’épargne pas les médias qui s’extasient sur notre capacité à rendre sa place à la nature, à faire entrer l’air de la campagne à Paris, à renoncer au capitalisme international… Il constate que les États - providence sont devenus des « États de surveillance ». Il rappelle que la pandémie a été l’occasion pour les leaders populistes de réactiver les nationalismes et pour les extrémistes de poursuivre leurs actions destructrices. Loin de constituer une forme de catharsis, la crise a contribué à réanimer les « vieilles lunes » souverainistes et socialistes.

Bernard-Henri Levy est philosophe, essayiste et auteur à succès.

Lorino Philippe, Pragmatisme et étude des organisations, Eds Economica, 356 pages

Le livre démontre la pertinence du pragmatisme pour l’étude des organisations et de leur management, à l’ère de l’intelligence artificielle et du big data. La pensée sur les organisations, de nature académique ou managériale, se partage en deux courants. D’une part, la vision dominante, qui relève du rationalisme cognitiviste, conçoit l’organisation comme une structure logique de traitement de l’information et de la décision, fondée sur des représentations rationnelles de l’action collective. D’autre part, de nouveaux courants de recherche montrent, depuis les années 1990, que cette approche rationaliste sous-estime la nature complexe, mouvante et incertaine des phénomènes organisationnels. Les approches pragmatiques de ces phénomènes reposent sur une critique radicale des dualismes qui détournent les recherches sur l’organisation : pensée / action, représentation / réalité, conception / utilisation, décision / exécution, valeur / fait, fins / moyens etc… Le pragmatisme souligne l’importance de l’expérience vivante et propose une vision processuelle et relationnelle de l’organisation, vue comme « processus organisant » ou « organizing », à la fois incertain et en mouvement, afin d’établir une compréhension collective et opérationnelle des situations rencontrées. Le livre présente les principaux concepts « pragmatistes » (médiation sémiotique, habitude, enquête, transaction, abduction, évaluation) et les illustre à travers des exemples concrets inspirés de l’expérience managériale de l’auteur.

L’auteur (X-Mines) est professeur émérite à l’ESSEC.

Mokyr J, La culture de la croissance, Les origines de l’économie moderne, eds Gallimard, 568 pages

La lecture du dernier livre de J. Mokyr est recommandée en ces temps de crise. Il s’interroge sur les origines de la culture de croissance qui anime la société occidentale et sur les entrepreneurs de croissance qui ont marqué son histoire. Il relativise l’importance des facteurs traditionnellement invoqués - le charbon anglais, la culture protestante, les institutions démocratiques - pour expliquer l’avènement de la société industrielle. Il attribue cette expansion à l’éclosion des savoirs utiles comme moteurs de progrès technique. « La culture technique partagée a changé les attitudes envers le monde naturel, considéré comme domesticable afin de servir l’intérêt matériel de l’humanité ». L’auteur rappelle les apports des principaux entrepreneurs culturels qui ont marqué l’histoire : Galilée, Bacon, Newton, les philosophes du Siècle des lumières… Il montre que ces penseurs de la République des Lettres échangeaient leurs idées grâce à leurs livres et leurs lettres et que cette confrontation a permis l’émergence de nouvelles visions du monde réel. C’est la diversité des cultures européennes qui a le plus contribué, au fil des siècles, aux plus grandes avancées scientifiques et techniques. C’est pourquoi il attribue la « stagnation séculaire » actuelle à l’universalisation de la culture contemporaine.

Joel Mokyr est un historien économique américano-israélien né aux Pays-Bas. Il est professeur d’économie et d’histoire à la Northwestern University.

Morin E., Changeons de voie, les leçons du coronavirus, Eds Denoel, 160 pages

Edgar Morin a vécu toutes les crises du XXe siècle. Il propose de saisir l’opportunité offerte par la pandémie pour « changer de voie ». Il fustige la mondialisation des échanges et la délocalisation des usines occidentales, responsables du désarroi des nations européennes après la fermeture de leurs frontières. Il préconise une coexistence entre les mouvements apparemment contradictoires de mondialisation et de « démondialisation », afin de préserver à la fois les économies émergentes et les territoires désindustrialisés. Il propose de relancer la croissance des « services essentiels », comme la santé, l’éducation, l’agriculture biologique, les énergies vertes… Il conseille de réduire la part de « l’économie du frivole ou de l’inutile ». Il dénonce les inégalités sociales qui se sont creusées pendant la crise du covid, et il propose de les combler en fiscalisant le capital, défiscalisant les bas revenus et revalorisant les petits métiers. L’essai n’apporte pas d’idées réellement nouvelles, mais sa lecture laisse transparaître une volonté partagée de retour à l’essentiel, de respect du bien commun et de recherche (désespérée !) d’une « troisième voie » entre le capitalisme et le socialisme.

Edgar Morin (98 ans) est l’auteur de la Méthode, qui théorise la complexité du monde.

Pluchart J-J., Les nouveaux systèmes de pilotage des entreprises, Eds Eska, 160 pages

Auteur de plusieurs ouvrages de référence, lauréat du Prix Turgot, professeur émérite des Universités, Jean-Jacques Pluchart, fort de son expérience de dirigeant d’entreprise, propose dans sa nouvelle parution une vaste enquête auprès des directeurs financiers et du contrôle de gestion, des développeurs des systèmes d’information et des commissaires aux comptes, sur les nouveaux systèmes de pilotage des performances financières et extra-financières des entreprises. L’enquête fait appel à une méthodologie originale basée sur des sondages et des entretiens approfondis. Elle porte sur les approches développées par les principaux acteurs - parmi lesquels les grands cabinets d’audit-conseil – afin d’accompagner les entreprises dans le développement et l’implantation de leurs systèmes d’aide à la décision et de reporting. L’auteur rappelle les fondements théoriques et les références légales et normatives, puis analyse les modèles de performance, les plans d’actions, les systèmes d’information et les procédures de contrôle mis en œuvre par chacun des trois maillons de la chaîne d’information financière et extra-financière.

Les lecteurs de cet ouvrage y trouveront des réponses à de nombreuses questions : comment définir et mesurer la performance globale d’une entreprise ? Comment construire sa batterie d’indicateurs ? Comment organiser la procédure de reporting sociétal ? Comment gérer les données extra-financières dans les entreprises « data-driven » soumises à une obligation de reporting extra-financier ou à une initiative de reporting volontaire ? Quels sont les principaux systèmes de traitement des donnés extra-financières internes et externes actuellement exploités dans les PME/ETI ? Comment implanter ces nouveaux outils dans les PME/ETI ? Selon quels référentiels sont effectuées les diligences des contrôleurs ? Quels sont ou pourraient être les apports de la digitalisation aux procédures de contrôle de l’information extra-financière ? Quels pourraient être les apports de la blockchain et des smart contracts à cette chaîne ? Quels nouveaux services les cabinets d’expertise comptable peuvent-ils apporter aux PME ?

Redsloeb A., Évidences économiques d’hier et d’aujourd’hui, Eds L’Harmattan, 165 pages

Le dernier ouvrage d’Alain Redsloeb restitue ses réflexions sur l’évolution des recherches en sciences économiques depuis l’Antiquité. Il dégage les influences respectives des principales écoles de pensée et montre leur fertilisation par d’autres disciplines comme la philosophie, la sociologie, l’histoire… Il dresse un tour d’horizon des grands problèmes économiques contemporains. Il s’interroge en particulier sur les effets positifs et négatifs de la mondialisation. Il délivre des idées originales sur les crypto-actifs, dont il retrace la filiation depuis certaines monnaies antiques. Il se montre raisonnablement optimiste sur l’avenir de l’économie mondiale. « Notre monde n’est encore que sur le pas-de-porte de la maison innovation ». « La mondialisation embrassera d’autres dimensions et épousera une autre chronométrie ».

Alain Redsloeb est professeur émérite d’économie à l’Université Paris II, auteur de plusieurs manuels de micro et de macroéconomie

Zolomian M., Le contrôle de la gestion des sociétés cotées, Eds L’Harmattan, Préface de Hervé Le Nabasque

Le capital des sociétés cotées est composé de différentes catégories d’actionnaires majoritaires et minoritaires, dont les intérêts peuvent être différents et/ou divergents de ceux des autres parties prenantes (salariés, fournisseurs, clients, administrations…). Les dirigeants de sociétés doivent en permanence arbitrer entre ces diverses attentes. Afin d’éviter les conflits, l’auteur préconise qu’ils dressent une cartographie des intérêts respectifs des actionnaires et des autres parties prenantes, ainsi que des risques de conflits. Ils doivent ensuite définir et surveiller une batterie d’indicateurs leur permettant de prévenir ces conflits et de suivre leur processus de traitement. En cas d’arbitrage, ils doivent s’assurer que leurs décisions ne portent pas atteinte à l’objet social et à la charte éthique de la société, et qu’ils respectent les critères ESG (Environnement, Social, Gouvernance) si ses actions sont détenues par des investisseurs socialement responsables. Les conflits tranchés par voie de justice constituent des échecs pour les dirigeants et les contrôleurs de gestion de l’entreprise, car elles témoignent de l’inefficience de la prévention.

L’auteur est maître de conférences à l’Université de Saint Etienne.