Cohen E., La société à mission. La loi Pacte : enjeux pratiques de l’entreprise réinventée, Eds Hermann, 212 pages

L’originalité du livre réside dans son approche des conséquences juridiques de l’adoption, par un actionnaire et un dirigeant, du statut de société à mission, dérivé de celui de société à objet social étendu. La société à mission a l’engagement d’exercer une mission intégrant des objectifs sociaux et environnementaux non réductibles au profit. L’affichage de sa raison d’être contribue à son enracinement dans son écosystème et dans la société civile. Cet engagement collectif est contrôlé par un comité de mission composé de représentants des parties prenantes de l’entreprise. La mission doit présenter un caractère pérenne. Elle contribue à valider le concept de gouvernance partenariale. Elle fait l’objet d’arbitrages de la part de ses dirigeants, qui acquièrent une plus grande indépendance vis-à-vis des actionnaires. L’auteur s’efforce de montrer que l’application de ce statut n’est pas idéaliste. Il estime que l’intervention du législateur était nécessaire, car la pression de la finance verte ne suffit pas à imposer une gouvernance pleinement responsable. Il craint toutefois que si les cours boursiers des sociétés à mission ne « surperforment » pas – voire ne s’alignent pas – sur ceux des firmes conventionnelles, les effets de ce nouveau statut risquent d’être limités.

E. Cohen (avocat) a participé aux recherches sur le statut de société à mission.

Pluchart J-J., Les nouveaux systèmes de pilotage des entreprises, Eds Eska, 160 pages

Auteur de plusieurs ouvrages de référence, lauréat du Prix Turgot, professeur émérite des Universités, Jean-Jacques Pluchart, fort de son expérience de dirigeant d’entreprise, propose, dans sa nouvelle parution, une vaste enquête auprès des directeurs financiers et du contrôle de gestion, des développeurs des systèmes d’information et des commissaires aux comptes, sur les nouveaux systèmes de pilotage des performances financières et extra-financières des entreprises. L’enquête fait appel à une méthodologie originale basée sur des sondages et des entretiens approfondis. Elle porte sur les approches développées par les principaux acteurs – parmi lesquels les grands cabinets d’audit-conseil – afin d’accompagner les entreprises dans le développement et l’implantation de leurs systèmes d’aide à la décision et de reporting. L’auteur rappelle les fondements théoriques et les références légales et normatives, puis analyse les modèles de performance, les plans d’actions, les systèmes d’information et les procédures de contrôle mis en œuvre par chacun des trois maillons de la chaîne d’information financière et extra- financière.

Les lecteurs de cet ouvrage y trouveront des réponses à de nombreuses questions : comment définir et mesurer la performance globale d’une entreprise ? Comment construire sa batterie d’indicateurs ? Comment organiser la procédure de reporting sociétal ? Comment gérer les données extra-financières dans les entreprises « data-driven » soumises à une obligation de reporting extra-financier ou à une initiative de reporting volontaire ? Quels sont les principaux systèmes de traitement des données extra-financières internes et externes actuellement exploitées dans les PME/ETI ? Comment implanter ces nouveaux outils dans les PME/ETI ? Selon quels référentiels sont effectuées les diligences des contrôleurs ? Quels sont ou pourraient être les apports de la digitalisation aux procédures de contrôle de l’information extra-financière ? Quels pourraient être les apports de la blockchain et des smart contracts à cette chaîne ? Quels nouveaux services les cabinets d’expertise comptable peuvent- ils apporter aux PME ?…

Attali B., Ouziel J., Trigano G., et Bellanger S. Valoriser le capital immatériel des entreprises innovantes, RB Edition, 144 pages

L’évaluation des entreprises constitue une des problématiques majeures de l’économie « post-covid ». La chute de la rentabilité, l’envolée de l’endettement et la dématérialisation accélérée des processus des PME françaises, entraîneront les refinancements, les regroupements ou les faillites de nombreuses d’entre elles. Ces opérations donneront lieu à des évaluations de leurs actifs et passifs, qui s’avèreront d’autant plus fréquentes et difficiles que les PME non rentables (dites « zombies ») représentaient déjà plus de 15 % de l’ensemble des entreprises françaises avant la crise. Or, les méthodes conventionnelles sont de moins en moins adaptées à des entreprises confrontées à des environnements « volatiles, incertains, complexes et ambigus » (syndrome VUCA).

Les analystes s’efforcent d’engager des processus d’évaluation à la fois multiméthodes, itératifs et dynamiques de valorisation. Ils font notamment appel à des notations (scorings) des compétences des entrepreneurs et des managers, des capacités dynamiques des équipes, de la soutenabilité des modèles d’affaires, de la conformité des procédures, de l’agilité des systèmes d’information et de l’acceptabilité des externalités sociales, sociétales et environnementales des activités productives. Afin de concilier ces paramètres, l’évaluation s’inscrit dans un processus d’apprentissage par des simulations, des combinaisons et des négociations collectives visant à transformer une valeur stratégique en prix négocié. Ce processus est parfois organisé suivant un graphe MPM (Méthode des Potentiels Méta) qui tend à réduire l’asymétrie d’information entre les parties prenantes actuelles et futures de l’entreprise évaluée. Parmi les nouvelles méthodes, celle de la Reference Value est basée sur le modèle DCF avec des cash flows inflatés à un taux de croissance moyen du secteur, corrigé par un rating IR (qualité des actifs immatériels) et un rating SR (soutenabilité des avantages stratégiques). Le rating IR évalue 4 actifs pondérés (humain, savoir, marque, clients). Le taux d’actualisation retenu est établi à partir des ratings IR, FR (résultat financier), ER (contexte économique) et DR (transparence des données).

Les auteurs sont experts financiers, avocats d’affaires et formateurs.

Bonnifet F., et Puff Ardichvili C., L’entreprise contributive. Concilier monde des affaires et limites planétaires, Dunod, 270 pages

« Il fut un temps où le vivant était la seule réalité ! Mais en attendant que vienne l’âge de la sagesse : par quel extraordinaire pensons-nous avoir le droit d’anéantir des espèces millénaires, alors même que la nôtre se cherche encore ? »

Nous voilà repartis bille en tête pour une énième relance et l’espoir d’un retour à la croissance nourrissant inlassablement cette illusion alors qu’il s’agit plutôt d’envisager un nouveau modèle de développement dont est porteur cet ouvrage.

Les auteurs montrent qu’il faut changer de perspective, renoncer à vendre du « pas cher et quasi jetable » pour passer à l’économie de la fonctionnalité, c’est-à-dire la vente d’un usage. Pour Fabrice Bonnifet et Céline Puff Ardichvili, il est avéré que la recherche du sens face à l’impasse prévisible nous impose une autre vision. Cela suffit de notre engoncement dans l’anthropocène et la thermo-industrie à la conquête de l’inutile. Faire autrement, telle est la condition préalable. C’est affaire de méthode et pas de but sans méthode ! Il faut réintégrer l’entreprise dans la nature, redéfinir sa raison d’être, qu’elle soit incarnée avec des objectifs mesurables ambitieux. Ce n’est pas qu’un enjeu d’image. Tout en dépend ! Nous n’avons pas le temps d’attendre la solution technologique miracle, car générer de l’abondance frugale en énergies et en ressources n’est pas une option, mais une obligation mathématique et financière.

L’argent est certes la respiration de l’entreprise, mais il ne peut pas en être la vision ni la raison d’être crédible. De plus, le futur n’est pas écrit et relève de l’audace des initiatives de l’ici et du maintenant. C’est en cela que toujours vouloir sacrifier l’essentiel pour l’urgence, on en finit par oublier l’extrême urgence de l’essentiel !

Fabrice Bonnifet est une référence du développement durable en France, le directeur du développement durable de Bouygues agit avec passion au sein de son entreprise et auprès des communautés qui rassemblent ceux qui veulent vraiment agir. En tant que président du collège des directeurs de développement durable (C3D), il entraine les entrepreneurs et les professionnels de la RSE vers la réinvention de leur entreprise.

Céline Puff Ardichvili est communicante et entrepreneure. Influenceuse un poil indignée, après avoir repris ses études, pour intégrer dans son métier les enjeux du développement durable dont elle souhaitait comprendre les mécanismes, pour agir. Partenaire dirigeante au sein de l’agence Look Sharpe, elle s’emploie à donner de la visibilité aux acteurs du changement.

Grandjean A, et Lefournier J., L’illusion de la finance verte, Eds l’Atelier, 248 pages

L’ouvrage vise à démontrer que la « finance verte » ou « durable », n’aura pas d’impact si elle n’est pas mieux encadrée et si ses concepts et ses pratiques ne sont pas étendus à l’ensemble de l’économie. Les auteurs rappellent les initiatives prises par les pouvoirs publics et les acteurs financiers pour orienter les investissements vers la lutte contre le réchauffement climatique : la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte ; le rapport officiel Lefournier-Canfin visant à mobiliser la finance au service du climat ; l’obligation depuis 2015 de reporting des risques financiers ; le lancement par le Conseil de Stabilité Financière, à la demande du G20, de la Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD) ; la mise en place d’un groupe d’experts sur la finance soutenable par la Commission européenne ; le lancement par Paris Europlace de l’initiative « Finance for tomorrow »…

Les auteurs soutiennent que ces dispositifs ne suffiront pas à « sauver le climat » pour les raisons suivantes : les marchés de capitaux ne sont pas suffisamment efficients et n’allouent pas les capitaux de manière optimale ; les obligations vertes ne se distinguent pas en pratique des obligations ordinaires et les fonds ISR se distinguent de moins en moins des fonds classiques) tant que l’économie fossile et la spéculation seront rentables, il y aura toujours des acteurs financiers pour y investir ; l’essentiel de l’activité financière s’exerce sur le marché secondaire et ne finance donc pas l’économie réelle ; pour exister, la finance verte ne peut se concentrer uniquement sur les activités propres car la part verte de l’activité économique est trop réduite. Il est donc nécessaire que soit mise en œuvre une politique globale comprenant, dans tous les domaines, interdictions, normes et règlements, fiscalité et un plan massif d’investissements publics et privés.

Julien Lefournier est banquier et économiste. Alain Grandjean est un pionnier du calcul des empreintes carbone et est président de la fondation Nicolas Hulot.

Gueutin C-A., et Zimmer B., Une entreprise responsable et rentable, c’est possible, Eds Content A. ,167 pages

Les auteurs s’attachent à montrer que rentabilité et responsabilité ne sont pas contradictoires. Ils s’interrogent sur les conditions à réunir pour être une entreprise à mission, à raison d’être, à impact… Ils indiquent comment diriger une entreprise en poursuivant quatre familles d’objectifs : l’épanouissement des acteurs internes, la satisfaction des clients, l’impact sur l’environnement et la performance de l’entreprise. Ils rappellent que cette dernière doit conjuguer performance financière et responsabilité sociale, sociétale et environnementale. Ses activités doivent dégager sur une longue période un solde positif entre les externalités négatives et positives. Une externalité augmente ou diminue à la fois le bien-être individuel et le bien commun. Les externalités négatives recouvrent principalement des préjudices sociaux et des atteintes à l’environnement.

Les auteurs engagent également une réflexion originale sur la mesure quantitative et qualitative des résultats financiers et des externalités. Ils considèrent que la comptabilité extra-financière ne pourra être sérieusement définie qu’après une validation des méthodes de mesure des impacts des activités des entreprises. L’originalité du livre réside dans sa méthodologie. Les auteurs ont interrogé 18 entrepreneurs de la high-tech sur les leviers de rentabilité et de responsabilité de leurs d’entreprises. Dans le secteur financier, ils ont questionné les leaders d’Alter Equity et de Lita.co ; dans le domaine comptable, les experts des cabinets St Front et du modèle care.

Benjamen Zimmer est entrepreneur et diplômé de Centrale supelec. Claire-Agnes Gueutin est enseignante en management.

Felli J-N., et Lenain P., L’entreprise vraiment responsable, Eds Vuibert, 224 pages

La loi Pacte a instauré en 2019 un nouveau statut d’« entreprise à raison d’être », qui implique des changements de sa stratégie, son organisation et sa culture, afin de la rendre plus responsable et durable. Cette transformation exige de la part de ses dirigeants des « actes de souveraineté », des « intentions fondamentales », une « volonté de rupture », un nouveau « jugement moral »… car la transformation doit correspondre à un désir de laisser une « empreinte durable sur le marché ». Afin que le nouveau statut soit reconnu et pérenne, il doit être le fruit d’une longue réflexion « par cercles concentriques », de la part des parties prenantes de l’entreprise.

Les auteurs rappellent les théories et les textes qui régissent les entreprises à raison d’être. Ils montrent que ce statut dépasse les notions d’entreprise conciliatrice (Sainsaulieu), contributive (Terra Nova), inclusive (Castel), résiliente (Hamel), politique (Demurger), à misson (Hatchel, Segrestin), vertueuse (selon le cercle profitabilité – responsabilité – résilience) ? référencée ESG, labellisée ISR… L’ouvrage est enrichi de nombreux exemples (SODEXO, Bouygues, Décathlon, Danone, MAIF…) et de conseils méthodologiques (« bonnes pratiques »).

Jean-Noel Felli est enseignant à l’ESSEC et fondateur d’un incubateur. Patrick Lenain est économiste à l’OCDE et professeur associé à l’université Paris Est.

Lepage C, et Huglo Ch, Nos batailles pour l’environnement, Actes Sud, 320 pages

La lecture du dernier livre de C. Lepage et Ch. Huglo s’impose en cette période électorale marquée par des partis politiques se présentant tous en protecteurs de l’environnement et de la santé des citoyens. Les deux avocats français qui ont le plus défendu ces causes au cours des 50 dernières années, livrent leurs riches expériences des causes environnementales et sanitaires en analysant 50 affaires célèbres engagées à partir des années 1970. Pour ces affaires françaises ou internationales, ils présentent successivement les faits et les procédures, dressent des bilans et tirent des enseignements des jugements qui ont été rendus. Ces derniers ont été classés par grands domaines et par ordre chronologique. Les premières causes (1975-1995) portent sur les rejets de boues rouges et jaunes, sur les implantations et les rejets de centrales nucléaires, sur les lignes à haute tension, sur les routes et les autoroutes, la promotion immobilière, les aéroports, les décharges et les déchets. Au cours des vingt années suivantes (1995-2015), les auteurs présentent leurs combats contre les marées noires, les OGM, la protection des sites classés et l’exercice du principe de précaution. Dans une troisième partie, ils anticipent les procès de demain, au nom de la justice climatique et de la justice sanitaire.

Cette vaste rétrospective permet de mesurer les progrès accomplis et le chemin encore à parcourir dans la protection des hommes et de la nature. Elle montre l’intensité des luttes de pouvoir entre le bien public et les intérêts particuliers, entre le droit commun et les droits spéciaux, notamment le droit nucléaire. Le lecteur est surpris par la multiplicité des entorses au droit commun, par l’ampleur des zones de non droit, par les lenteurs des procédures et par la diversité des affaires encore pendantes. L’ouvrage est rigoureusement documenté et rédigé dans un style didactique (les termes juridiques et techniques étant systématiquement expliqués) et sur un ton dans l’ensemble non polémique.

Pierret Ch, et Philippe Latorre, Le nouveau contrat social. L’entreprise après la crise, Le Bord de L’eau, 203 pages

Les auteurs de cet ouvrage dense nous enjoignent d’appliquer une vraie coupure et une méthode face aux bouleversements et incessantes remises en question de cette oppressante pandémie coronavirus qui n’a pas infecté que la sphère de la santé. Ils en appellent au compromis sur la base d’une exigence de justice sociale, de la classe ouvrière aux couches dirigeantes, comme une condition de la cohésion française. Ils la nomment « entreprise cohésive », et lui vouent une ambition de transformation radicale de la société tout entière, déclinant le cahier de doléances en deux impératifs politiques et quatre exigences sérieusement argumentées. À cet égard, l’horizon souhaitable n’est assurément pas la fin du salariat fantasmé par certains, mais plutôt une implication plus grande des salariés, singulièrement des nouvelles générations, dans leur entreprise à travers l’actionnariat et la gouvernance associée. En fait, il s’agit avec pragmatisme de partager la richesse là où elle est créée plutôt que la redistribution a posteriori, en élargissant la propriété privée ! L’enjeu vise à éviter, à plus large échelle, le basculement de centaines de millions de personnes dans une pauvreté radicale. Pour Christian Pierret et Philippe Latorre, La voie qui s’offre à notre pays est politique. La logique de confrontation doit laisser place à une politique de co-construction sur le mode social-démocrate, car ce qui est en cause c’est l’adaptation des entreprises à une économie post-covid et plus favorable au progrès de la parité. Étant englué jusqu’à l’étouffement dans des conjonctures excentriques, cet ouvrage est stimulant, énergique et retient l’attention ! Il propose une issue lucide et plus heureuse à l’impasse.

Christian Pierret est avocat et administrateur de jeunes entreprises innovantes. Il a été haut fonctionnaire, député, rapporteur général du budget à l’assemblée nationale, maire, et ministre en charge de l’industrie de 1997 à 2002.

Veltz P., L’économie désirable. Sortir du monde thermo-fossile, Eds Le Seuil, 128 pages

Pierre Veltz s’interroge sur la mutation actuelle de la « société hyper-industrielle », engendrée à la fois par la responsabilisation sociale et environnementale des entreprises et par la crise pandémique. Il se demande si cette évolution ne conduit pas à une impasse, dans la mesure où certains fondamentaux de « l’économie verte » ne sont pas clairement définis. Il constate que les moteurs et les indicateurs de l’activité productive sont toujours la création de valeur financière pour les actionnaires. Les leviers de la santé, de l’éducation, de la culture et du bien-être ne sont pas valorisés, sinon seulement comme des charges ou des facteurs indirects de productivité. L’auteur plaide en faveur de l’émergence de nouveaux « cadres structurés » – d’une nouvelle « grammaire productive » – fondée sur des valeurs à la fois financières et extra-financières. Il prône une recherche de cohérence entre les économies micro (l’entreprise) et macro (la société). Il déplore que les seuls indicateurs officiels mesurant les impacts de la pandémie, soient la chute du PIB (qui cumule des valeurs ajoutées comptables), les faillites d’entreprises et les pertes d’emplois. Il appelle donc à une refondation du paradigme socio-économique qui régit la société humaine.

Pierre Veltz (X-Mines) est ingénieur et sociologue. Il préside l’établissement public Paris Saclay. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont La société hyper-industrielle, Le nouveau capitalisme productif, Eds du Seuil, 2017.