Chers amis du prix Turgot,
Les 15 membres du club de présélection du prix Turgot du meilleur livre d’économie financière ont identifié 125 ouvrages francophones d’économie2 publiés au cours du 1er semestre 2021. Ils ont rédigé 50 chroniques (ci jointes) sur les livres les plus originaux et les mieux documentés. Ces chroniques ont été régulièrement publiées dans 10 revues et sites universitaires et professionnels3. Les parutions du 1er semestre 2021 marquent un tournant – plus tendanciel qu’historique - dans la production éditoriale francophone consacrée à l’économie. Cette dernière s’est globalement intensifiée et a été dominée par des réflexions sur l’évolution des systèmes économiques – notamment du capitalisme mondial et du « modèle français » - avec un tiers des titres publiés. La transformation des modèles de management des entreprises et des administrations a mobilisé un quart des publications. Le développement durable et la responsabilité sociale et en environnementale ont été traités dans un quart des ouvrages. Les autres livres ont principalement porté sur l’innovation technologique – notamment la gestion des données et l’intelligence artificielle – ainsi que sur la régulation monétaire et financière. Dans chacun de ces domaines, les auteurs ont plutôt analysé les causes, les modalités et les effets de la crise pandémique, qu’avancé des propositions concrètes et innovantes en faveur de la relance de l’économie et du développement du bien commun. Certaines thématiques ont suscité de vifs débats entre leaders d’opinion et experts économiques : la soutenabilité des dettes publiques et privées, la relance de la consommation, la relocalisation de la production, la lutte contre le chômage, la responsabilité sociétale des entreprises… En vous souhaitant de bonnes lectures.
Hors traductions, rééditions, ouvrages de recherche, manuels universitaires et rapports scientifiques ou professionnels.
Les chroniques publiées par le club Turgot de 2017 à 2020 sont consultables sur le site IHFI-TURGOT. Les chroniques antérieures sont réunies dans le livre de J-L. Chambon et J-J.Pluchart , La pensée économique française, Eds Vuibert, 2017.
Aghion P., Antonin C., et Bunel S., Le pouvoir de la destruction creatrice - Ed O JACOB, 422 pages
Ce livre invite le lecteur à repenser l’histoire et les énigmes de la croissance à travers les prismes de la destruction créatrice et à remettre en cause nombre d’idées reçues. Pourquoi les révolutions technologiques et l’automatisation créent plus d’emplois qu’elles n’en détruisent. Pourquoi concurrence et politique industrielle ne sont pas antinomiques. Pourquoi l’impôt n’est pas le seul moyen de rendre la croissance plus juste. Pourquoi la croissance n’est pas correctement mesurée. Pourquoi la stagnation séculaire n’est pas une fatalité. Pourquoi l’industrialisation n’est pas une étape indispensable dans le processus de développement. Pourquoi la taxe carbone n’est pas l’unique levier d’une croissance plus verte. Pourquoi avec les politiques publiques appropriées, la destruction créatrice ne nuit pas à la santé et au bonheur. Pourquoi l’innovation a besoin du marché, de l’Etat, mais également d’une intervention active de la société civile. Les auteurs ont utilisé comme matériau les cours de Ph Aghion dispensés pendant cinq ans au Collège de France pour répondre à une question centrale. Face à la montée des inégalités, à la précarisation du travail, à la détérioration de l’environnement, faut-il changer radicalement le système économique et abolir le capitalisme ? La thèse de ce livre est que plutôt que dépasser le capitalisme, il vaut mieux le réguler d’avantage et mieux. L’idée est d’utiliser les ressorts de ce pouvoir de création de croissance dans une direction que l’on souhaite, c’est-à-dire qui réponde aux questions mentionnées plus haut.
Cet ouvrage est une invitation au voyage à travers l’histoire économique au prisme de la destruction créatrice en vue d’extrapoler quelques enseignements pour les années à venir. Le pouvoir de la destruction créatrice est à la fois une exploration des ressorts de la prospérité économique et un guide pour penser l’avenir du capitalisme. Or, ainsi que l’a mentionné JJ Pluchart, la force du capitalisme est de savoir se renouveler et se reproduire mais qu’ en même temps il génère du risque et des bouleversements qu’il faut savoir réguler et orienter. Il est intéressant de noter que ce livre ainsi que ceux récents de JH Lorenzi et de P Artus, abordent tous l’idée d’un capitalisme actuellement à bout de souffle. Dans un cas, on montre qu’il est orientable par la régulation comme toujours historiquement, dans un autre cas, qu’à la régulation il faut ajouter une évolution des mécanismes distributifs et de répartition de la valeur, dans le dernier cas qu’il est urgent de corriger très vite les dysfonctionnements les plus criants. Même analyse, recommandations proposées dans des horizons de temps différents. Au fond les résultats sont peut être complémentaires. La mise en œuvre de ces plans nécessitera beaucoup de doigté et de talent politiques !
Aglietta M., et Valla N., Le futur de la monnaie, Odile Jacob, Préface de Benoit Coeure
« Ce livre est d’abord d’utilité publique. En soulevant le voile de la complexité qui obscurcit trop souvent les questions monétaires, les auteurs permettent aux citoyens de se les approprier » (Benoit Coeure). La monnaie traditionnelle est-elle vouée à disparaître ? Cette question n’est pas absolument triviale tant les réflexions, les expérimentations sont nombreuses menées dans les cercles les plus autorisés comme les Banques centrales, universitaires et spécialistes en moyens de paiement. Et il est intéressant de voir que deux économistes de « tendance » parfois divergentes sur les questions monétaires mais proches intellectuellement ont pu trouver un terrain d’entente. Dans une première partie, Michel Aglietta nous rappelle sa pensée identifiant la monnaie à bien autre chose qu’un voile sur l’économie. II y va du lien social, de la confiance en un pays, en ses institutions, en ses dirigeants et en ses citoyens. Aussi, la monnaie n’est pas un concept ni un instrument comme un autre. Ceci étant posé, Natacha VALLA, fort de son expérience de dirigeante de la BCE, nous présente les innovations en matière de paiements plus qu’en matière monétaire ; on ne trouvera donc pas d’explication sur l’assouplissement quantitatif ! Le terrain d’étude est celui de la diversification des moyens de paiement avec les applications en ligne, sur internet et sur le mobile, l’apparition de monnaies digitales, commerciales et de Banque centrale et leurs implications économiques, la différence entre monnaie digitale et monnaie électronique… L’ouvrage abonde de leçons sur la « plomberie » des systèmes de paiement où se nouent l’interaction complexe entre la monnaie de la Banque centrale et la monnaie créée par les banques commerciales. Les innovations présentées (paiements mobiles, cryptomonnaies, cryptomonnaies stables, etc.) donnent le tournis et les auteurs, dans leur effort de pédagogie ont à cœur de bien différencier, avec de nombreux exemples fort documentés, ce qui relève de l’innovation monétaire et de l’innovation technologique. Les auteurs sont modérément optimistes sur ces offres et produits et le rédacteur de la préface insiste sur l’absolu nécessité de laisser organiser ce marché par les Banques centrales assurant seules la liquidité des moyens de paiement et la finalité des transactions. Qui sont des conditions essentielles de la confiance dans la monnaie. Ce livre veut démontrer que la monnaie est un bien public et que l’accès à la monnaie est une dimension fondamentale de la dignité humaine. A ce titre la monnaie joue un rôle important tant pour les équilibres géopolitiques que pour le verdissement de la finance et la transition écologique.
Absolu A., Les disparus du Joola, Editions JC Lattes, 250 pages.
« A l’annonce du naufrage, les gens disaient : ce n’est pas possible, le Joola ne peut pas sombrer en pleine mer, nous avons tous déjà pris le Joola et il est toujours arrivé à destination, un ferry construit pas les Allemands ne coule pas à 30 kilomètres des côtes, les gens disaient, vous vous trompez… » Le Joola, un transbordeur, d’une capacité de transport de 544 personnes et 550 tonnes de charge, assure depuis le 14 décembre 1990 la liaison entre Ziguinchor en Casamance, au Sud du Sénégal et Dakar, la capitale. Dans la nuit du 26 au 27 septembre 2002, le Joola coule au large de la Gambie faisant officiellement 1863 victimes. Seules 64 personnes échapperont au naufrage qui laissera aussi 2000 orphelins. Dix-huit années après les faits, Adrien Absolu nous fait revivre ce tragique évènement et « essaie de nous raconter » une histoire vraie, semblable à la légende germanique du « joueur de flûte de Hamelin qui conduisit ses enfants à la rivière pour les y perdre ». L’auteur s’appuie principalement sur ces nombreux voyages en Casamance à partir de 2013, sur des entretiens avec les rares rescapés, avec des proches des disparus au Sénégal ou en France dont celle de Dominique, 20 ans, du Morvan, sur un important travail d’investigation. Il décrit successivement la vie du Joola depuis sa naissance en 1990, la catastrophe du 26 septembre 2002, le temps des questions et de la mémoire. Cette histoire bouleversante est remarquablement développée et éclairée par la capacité de l’auteur à la resituer dans le cadre du Sénégal : ici particulièrement la Casamance, sa forte identité, son histoire, sa géographie et ses paysages, ses habitants, les diolas, sa vie économique, le grenier du Sénégal, sa culture, ses liens avec ses voisins, la Guinée et la Gambie sans oublier avec Dakar. Ce livre, au-delà du fil rouge de la tragédie, de sa compréhension, du travail riche de mémoire, intéressera ceux qui ont une sensibilité sur l’Afrique ou ceux qui souhaitent l’appréhender. Adrien Absolu, IEP Strasbourg, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne est écrivain, journaliste, reporter, chef de projet et chargé de mission agro à l’Agence Française de Développement (AFD). Son premier livre « Les Forêts du Crépuscule », publié en 2016, porte sur l’épidémie EBOLA en Guinée. Il relate la réalité de la situation en 2014 après sa découverte fin 2013. Il avait été sélectionné pour le prix Albert Londres du livre.
Artus P., et Virard P., La dernière chance du capitalisme - Eds O.Jacob-178 pages.
Le capitalisme libéral, dont la nature a beaucoup évalué depuis un siècle et particulièrement depuis 1980-ainsi que l’a étudié Jean Jacques PLUCHART dans un ouvrage récent- est en sursis. Il se révèle inefficace en créant de moins en moins de croissance. Nous sommes ici dans l’air du temps de la stagnation séculaire. Les auteurs, néanmoins ne s’arrêtent pas là : le capitalisme ne stagnera pas, il mourra si des mesures macro et micro économiques structurelles ne sont pas prises. Travail dévalué par le profit, privilège de l’actionnaire au détriment et en dépit des bonnes paroles des parties prenantes, etc….telles sont les causes principales des instabilités actuelles dont les conséquences peuvent être cruelles. Les derniers feux du capitalisme, selon les auteurs, sont entretenus par l’endettement, sous toutes ses formes, privé et public et la création monétaire. Bref, la sortie des politiques accommodantes pourrait être périlleuse faute de correction ferme qui passe par quatre groupes de mesures :
- Nouvelles gouvernance et philosophie d’économie politique
- Réduction des inégalités patrimoniales par distribution de capital (mais pas 100ù) de toutes les entreprises à leurs salariés
- Alignement de l’intérêt général et des intérêts particuliers
L’évaluation des entreprises constitue une des problématiques majeures de l’économie « post-covid ». La chute de la rentabilité, l’envolée de l’endettement et la dématérialisation accélérée des processus des PME françaises, entraîneront les refinancements, les regroupements ou les faillites de nombreuses d’entre elles. Ces opérations donneront lieu à des évaluations de leurs actifs et passifs, qui s’avèreront d’autant plus fréquentes et difficiles que les PME non rentables (dites « zombies ») représentaient déjà plus de 15 % de l’ensemble des entreprises françaises avant la crise. Or, les méthodes conventionnelles sont de moins en moins adaptées à des entreprises confrontées à des environnements « volatiles, incertains, complexes et ambigus » (syndrome VUCA). Les analystes s’efforcent d’engager des processus d’évaluation à la fois multiméthodes, itératifs et dynamiques de valorisation. Ils font notamment appel à des notations (scorings) des compétences des entrepreneurs et des managers, des capacités dynamiques des équipes, de la soutenabilité des modèles d’affaires, de la conformité des procédures, de l’agilité des systèmes d’information et de l’acceptabilité des externalités sociales, sociétales et environnementales des activités productives. Afin de concilier ces paramètres, l’évaluation s’inscrit dans un processus d’apprentissage par des simulations, des combinaisons et des négociations collectives visant à transformer une valeur stratégique en prix négocié. Ce processus est parfois organisé suivant un graphe MPM (Méthode des Potentiels Méta) qui tend à réduire l’asymétrie d’information entre les parties prenantes actuelles et futures de l’entreprise évaluée. Parmi les nouvelles méthodes, celle de la Reference Value est basée sur le modèle DCF avec des cash flows inflatés à un taux de croissance moyen du secteur, corrigé par un rating IR (qualité des actifs immatériels) et un rating SR (soutenabilité des avantages stratégiques). Le rating IR évalue 4 actifs pondérés (humain, savoir, marque, clients). Le taux d’actualisation retenu est établi à partir des ratings IR, FR (résultat financier), ER (contexte économique) et DR (transparence des données).
Les auteurs sont experts financiers, avocats d’affaires et formateurs.
- Respect de règles strictes en matière de concurrence
Il semble aux auteurs qu’un nouvel esprit du capitalisme pourrait émerger en Europe avec un « ordolibéralisme », autre nom d’économie sociale de marché qui influence encore fortement les économies allemandes et scandinaves et pourrait inspirer la définition d’un nouvel esprit économique européen.
Croissance économique et réduction des déficits et des déséquilibres ne se comprendront qu’avec une association forte des parties prenantes publiques et privées. La flexi- sécurité n’est pas l’oméga de l’ordolibéralisme mais il doit en être une composante impérative. Ces recommandations semblent datées car lues et appliquées voici quelques décennies, mais abandonnées depuis quelques temps. « Dernière chance du capitalisme » ou transition obligée vers un autre monde ?
Attali B., Ouziel J., Trigano G., et Bellanger S., Valoriser le capital immatériel des entreprises innovantes, RB Edition, 144 pages.
L’évaluation des entreprises constitue une des problématiques majeures de l’économie « post-covid ». La chute de la rentabilité, l’envolée de l’endettement et la dématérialisation accélérée des processus des PME françaises, entraîneront les refinancements, les regroupements ou les faillites de nombreuses d’entre elles. Ces opérations donneront lieu à des évaluations de leurs actifs et passifs, qui s’avèreront d’autant plus fréquentes et difficiles que les PME non rentables (dites « zombies ») représentaient déjà plus de 15 % de l’ensemble des entreprises françaises avant la crise. Or, les méthodes conventionnelles sont de moins en moins adaptées à des entreprises confrontées à des environnements « volatiles, incertains, complexes et ambigus » (syndrome VUCA). Les analystes s’efforcent d’engager des processus d’évaluation à la fois multiméthodes, itératifs et dynamiques de valorisation. Ils font notamment appel à des notations (scorings) des compétences des entrepreneurs et des managers, des capacités dynamiques des équipes, de la soutenabilité des modèles d’affaires, de la conformité des procédures, de l’agilité des systèmes d’information et de l’acceptabilité des externalités sociales, sociétales et environnementales des activités productives. Afin de concilier ces paramètres, l’évaluation s’inscrit dans un processus d’apprentissage par des simulations, des combinaisons et des négociations collectives visant à transformer une valeur stratégique en prix négocié. Ce processus est parfois organisé suivant un graphe MPM (Méthode des Potentiels Méta) qui tend à réduire l’asymétrie d’information entre les parties prenantes actuelles et futures de l’entreprise évaluée. Parmi les nouvelles méthodes, celle de la Reference Value est basée sur le modèle DCF avec des cash flows inflatés à un taux de croissance moyen du secteur, corrigé par un rating IR (qualité des actifs immatériels) et un rating SR (soutenabilité des avantages stratégiques). Le rating IR évalue 4 actifs pondérés (humain, savoir, marque, clients). Le taux d’actualisation retenu est établi à partir des ratings IR, FR (résultat financier), ER (contexte économique) et DR (transparence des données).
Les auteurs sont experts financiers, avocats d’affaires et formateurs.
Benquet M., et Bourgeron T., La finance autoritaire,. Vers la fin du néolibéralisme, Eds Raison d’agir, 160 pages.
Les auteurs soulèvent la thèse selon laquelle le monde d’après-covid ne sera plus régi par un libéralisme néo-keynésien fondé sur une finance bancaire régulée, mais par un « libertarianisme autoritaire » dominé sur la « finance de l’ombre » (ou shadowbanking). Ils développent un raisonnement à la lois rigoureux et documenté, afin de démontrer que le Brexit a été moins provoqué par un rejet de « l’asphyxie bruxelloise » par le peuple anglais, que par l’activisme d’un mouvement pro-leave fomenté par les investisseurs de la finance de l’ombre (hedgefunds, capital-investisseurs, gestionnaires d’actifs, traders quantitatifs…), opposés à la « surrèglementation » européenne des marchés financiers. Ces fonds ont soutenu de puissants think tanks, lobbies et influenceurs d’opinion (comme Atlas Network et Cambridge Analytica), Leur ambition serait de transformer le Royaume Uni en « place offshore globale » ou « Singapour-on-Tamise », ouverte sur le Commonwealth, les Etats Unis et l’Asie- Pacifique. Ils rejettent le keynésianisme et le consensus de Washington. Ils se réclament d’un « capitalisme tardif » théorisé en 2014 par Bellringer et Michie, qui ont radicalisé les pensées de Friedrich Hayek et de Milton Friedman. Ils prônent des gouvernances oligarchiques de l’Etat et actionnariale de l’entreprise. Ils soutiennent une « privatisation de la nature », estimant qu’un marché socialement responsable est plus à même que l’Etat de protéger l’environnement. Les auteurs considèrent que cette nouvelle forme de capitalisme – observée dans un nombre croissant de pays sur tous les continents – ne peut longtemps s’imposer en raison de son caractère conflictuel et rétrograde.
Marlène Benquet et Théo Bourgeron (sociologues) sont enseignants-chercheurs dans les Universités de Nanterre et d’Edimbourg.
Bermann S., Goodbye Britannia. Le Royaume-Uni au défi du Brexit, Stock, 259 pages.
Les carnets d’ambassade de Sylvie Bermann relatent la perception du Brexit par une des plus éminentes diplomates françaises, première femme en poste à Pékin, à Londres et à Moscou. Ses missions successives lui ont permis d’être à la fois une actrice et une observatrice privilégiée d’événements historiques : l’avènement de XI Jinping, le rapprochement sino-russe, le « pari du Global Britain au risque du Little England »... Elle raconte dans un style très « british », la « nuit sans sommeil » du referendum sur le Brexit (23-24 juin 2016). Elle décrit la stupeur des Britanniques à la nouvelle totalement imprévue du vote de défiance contre l’Union européenne. Elle souligne les erreurs de David Cameron, les maladresses de Theresa May et les « mensonges » de Boris Johnson. Elle dénonce les réflexes xénophobes des anglo-saxons au lendemain du vote et le « chaos politique » qui a suivi, pendant trois ans et demi, afin de négocier la rupture avec le Vieux continent. Elle montre que le Brexit a divisé autant les Anglais que l’affaires Dreyfus avait séparé les Français. Elle doute des chances du Global Britain de relancer son économe. Elle avoue ne pas comprendre l’attraction des britanniques pour un si « splendide isolement ». Elle montre l’attachement des Anglais à la famille royale, qui a pour contrepartie son exceptionnelle exposition médiatique. Forte de son expérience internationale, elle perçoit dans le Brexit le symptôme prémonitoire d’une profonde crise des démocraties représentatives. Elle se livre enfin à un magistral exercice d’anticipation des rapports entre les quatre principales puissances mondiales : les Etats-Unis, la Chine, la Russie et l’Union européenne. Sylvie Bermann met son style à la fois vif et élégant au service de sa vaste culture et de son sens psychologique aigu.
Bersinger S., Les entrepreneurs de légende (Tome 2), Enricks B éditions,160 pages. préface de Nicolas Bouzou.
Ce jeune auteur, économiste d’à peine 30 ans, collaborateur du cabinet de recherches économiques, ASTERES, dirigé par Nicolas Bouzou, a été remarqué à la fois par sa capacité de vulgarisation et son sens de la pédagogie aussi rare que précieux dans notre pays où la culture économique reste très loin de constituer un de nos points forts. Tel fut le cas avec « l’économie en clair » parue chez Ellipses puis « l’Entreprise » éditée chez l’Harmattan, et, fin 2020 par le tome 1 des « entrepreneurs de légende ». Ce tome 2 constitue l’autre élément d’une trilogie qui a débuté avec « les Entrepreneurs de légende » et suivie « des Entrepreneurs atypiques ».Il prolonge ainsi par une focalisation sur l’histoire économique mondiale sa présentation des aventures entrepreneuriales tricolores.
Au fil des pages se dessine une large palette d’inventeurs et d’innovateurs dans des domaines très différents : les personnalités les plus emblématiques des grandes entreprises internationales qui souvent, partis de rien ont bâti des fortunes colossales et « …bien plus encore ont contribué à façonner le monde dans lequel nous vivons.. ». Ce que montre l’auteur c’est l’extrême diversité des profils, des scientifiques de formation, mais aussi d’ autres sans bagages scolaires mais compensant leur handicap par, du flair, de l’audace et le sens des affaires. Idem pour leur origine sociale : leurs tempéraments, leurs trajectoires diffèrent et « …pourtant à l’arrivée, c’est toujours la même réussite fulgurante ». Ces magnifiques succès dont Wall Streets est bien souvent le témoin ne sauraient occulter les échecs de nombreux projets de candidats entrepreneurs dont certains finissent par la ténacité à rentrer dans la légende. Ainsi les parcours fascinants, le génie, de John Davison Rockefeller, Sam Walton, Bill Gates, Phil Kgnith, Aristote Onassis, RenZhengfei et bien d’ autres sont mis en lumière sous la plume incisive de ce jeune auteur. La morale de cette belle histoire que raconte avec brio Sylvain Bersinger, est que, in fine, tout un chacun à sa chance, pourvu qu’il s’en donne les moyens et qu’il en ait le courage.. pour risquer… l’échec autant que la réussite…n’en déplaise aux adeptes de l’égalitarisme ! ! ! Sylvain Bersinger comble ainsi un manque dans le monde de l’ édition en publiant ces biographies qui ont au moins deux mérites : « …faire comprendre l’environnement institutionnel et culturel de ces grandes aventures, et les caractéristiques psychologiques des entrepreneurs… ». Un voyage très prenant au pays de l’entrepreneuriat. Précieux pour tous publics.
Sylvain Bersinger, consultant et ancien enseignant, est diplômé en économie- Lyon 2 et Paris- Dauphine et est l’auteur de 6 ouvrages.
Brionnes E. (dir.), Luxe et résilience, Dunod, 208 pages.
Après avoir retracé les histoires des plus grandes marques du luxe (Dior, Chanel, Gucci…), les auteurs présentent « l’arbre de la résilience » de l’industrie du luxe, avec ses racines, son tronc et sa cime. Les premières puisent dans l’histoire, le capital culturel, la gouvernance de la maison de luxe. Le tronc intègre un leadership charismatique, une « radicalité créative », le respect du prix, une supply-chain agile, une personnalisation du produit, une gestion rigoureuse des données clients, un engagement sociétal et environnemental visible. La cime recouvre une vision à long terme, une diversification dans l’univers du luxe, une recherche de l’expérienciel, un ciblage de la génération Z (notamment Chine). La résilience des grandes maisons impose la maîtrise de la prospection des marchés, de la veille stratégique, de l’art de constituer des équipes et de créer une vision mobilisatrice des « tribus » de consommateurs. Les auteurs présentent les facteurs-clés de succès de la « luxilience » (le luxe résilient), de la conquête de nouveaux territoires, notamment en Asie où la Chine assure 55% des ventes mondiales. Ils montrent notamment que la stratégie gagnante repose sur un « subtil mélange » entre la technologie, la créativité et la culture. L’ouvrage réunit des analyses originales des pratiques des grandes maisons sur les principaux marchés mondiaux et met en lumière les opportunités offertes à l’industrie du luxe par la relance postpandémique.
E. Brionnes est co-fondateur de la Paris School of Luxury et curateur du Salon parisien du Luxe. Les co-auteurs sont directeurs artistiques, strategy planners, publicitaires, communiquants, influenceurs…
Bronner G., Apocalypse cognitive, PUF, 258 Pages.
La révolution de l’IA révèle, selon Bronner (2020), « la nature humaine la plus profonde », qui s’est construite depuis la préhistoire. Il prétend que l’IA contribue à « libérer le cerveau humain disponible ». Ce temps est consacré soit à la création ou au partage de connaissances, soit à une navigation aléatoire sur internet, qui entraîne une « apocalypse cognitive ». Les biais de l’IA contribueraient au développement de la désinformation de l’a-information, à multiplier les clashs, à propager les thèses complotistes et à produire de nouveaux fantasmes collectifs autour de l’homme-machine et de la transhumanisation. Ces biais favoriseraient les réactions paranoïaques et la satisfaction immédiate des besoins et des désirs. L’auteur invite les internautes à « domestiquer l’empire de ses intuitions erronées ». Adoptant une posture d‘anthropologue, il en conclut curieusement que l’homme du XXIe siècle retourne à l’âge préhistorique.
Gérald Bronner est professeur de sociologie à l’Université de Paris et auteur de nombreux ouvrages.
Brunel D., Le Crépuscule des héritiers, Eds Nouveau Monde , 203 Pages.
Cet essai est d’abord le témoignage d’une vie de (haut) dirigeant de (grandes) entreprises. De cette carrière impressionnante, notamment au service d’entreprises familiales, et des coulisses de nos grandes entreprises, Denys BRUNEL tire, sans langue de bois, des enseignements qui vont bien au- delà des problématiques spécifiques à ce type d’entreprise (notamment la gouvernance et plus encore la délicate et prégnante question de la succession). Il ne s’agit de rien moins que de cet obsédant sujet de société, celui de l’égalité et de la justice sociale. En effet comme le rappelle l’ auteur, « … les entreprises françaises demeurent régies par un pouvoir transmis de manière héréditaire et exclusive, en somme, monarchique... ». Aussi s’interroge-t-il « …alors que l’héritage a été au cœur de la société aristocratique… comment est-il possible qu’en république, l’idéal démocratique accepte que le mérite cède le pas, pour de très hautes fonctions, à la naissance ou au mariage ? ». Mais la France n’en est pas à une contradiction près, elle qui est pourtant connue pour son obsession de l’égalité..un fantasme..selon Pierre de Rosen, qui la conduit vers l’égalitarisme que dénonçait si parfaitement Raymond Aron : « l’égalitarisme cette doctrine qui s’efforce vainement de contraindre la nature biologique et sociale et qui ne parvient pas à l’égalité mais à la tyrannie ». Ce sont ces contradictions que pointe l’auteur aux qu’elles s’ajoutent notre politique de redistribution centrée (par trop) sur les revenus, qui nous place en champion toutes catégories des prélèvements sociaux et du taux de dépenses publiques. Taxer exagérément les revenus handicape le travail, la réussite et ceux qui créent avec succès. L’acceptabilité à l’impôt devenue problématique, l’auteur considère que cette voie ne peut conduire qu’à l’échec. Aussi propose -t-il d’aller vers une solution de taxation forte des « gros héritages » et la détaxation simultanée de 95% des héritages avec la baisse des impôts qui découragent la réussite. Cela permettrait une meilleure égalité des chances, en plus efficace, mais aussi de régler les incertitudes croissantes qui pèsent sur l’entreprise familiale, car ce modèle interroge sur sa cohérence avec une vision moderne de la société. En synthèse l’ auteur considère que l’héritage dans notre pays est source de trois maux : il crée l’injustice (même si l’opinion n’en fait pas sa cible prioritaire), il fait courir le risque d’ une gestion non optimale à la tête d’une grande entreprise familiale, et on écarte de facto des responsabilités toute une partie de la population. Si l’auteur rejette un retour de l’ISF, et les propositions de Thomas Piketty trop confiscatoires (doux euphémisme),il préconise en revanche à « iso-prélèvements » de baisser l’impôt sur le revenu(difficile de faire la moue ! !), de dégager des ressources de la taxation des gros héritages en faveur des jeunes. Dans ce même esprit, sont suggérées des pistes d’améliorations touchant à la réserve héréditaire, l’exonération large d’une augmentation des donations caritatives et aux petits enfants ainsi qu’un pécule de 60000 euros pour les jeunes à partir de 25 ans… Demain sur ce chemin que préconise Denys Brunel ce serait la fin des héritiers mais l’émergence de l’héritage pour tous.… Plus de justice sociale, c’est certainement un enjeu et un défi pour le monde de demain.. Ces propositions très documentées, certes quelquefois disruptives, issues d’une réflexion de fond, restent frappées du sceau de l’expérience et du bon sens et évitent(c’ est heureux) l’écueil du dogmatisme intellectuel et confiscatoire marxiste cher, entre autres, à Thomas Piketty.
Denys Brunel ingénieur (Centrale Paris), Docteur ès sciences maitre de conférences à Paris –Dauphine, ex -dirigeant de grands groupes (Perrier, Cofinoga, Nouvelles Galeries etc.) et préside l’association SEST (santé au travail).
Cohen E., et Robert R., La valse européenne, Fayard, 478 pages.
La Valse européenne constitue le nouvel ouvrage de référence de l’histoire récente de l’Union européenne et de l’Eurozone. Le livre est construit suivant un rythme ternaire. Son titre évoque les trois temps de la valse, ceux des incertitudes face aux crises puis des réveils et des espoirs. Sa structure présente trois dimensions : historique, avec des analyses approfondies des crises des subprimes, du marché interbancaire, de la Grèce, puis de l’Italie et de l’Espagne, de l’euro, des immigrés, du Brexit, de la concurrence chinoise, de l’isolationnisme américain et de la pandémie ; théorique, avec des questionnements sur les modèles économiques et monétaires qui ont été successivement appliqués depuis le traité de Rome ; prospective, avec des hypothèses sur les dispositifs de relance de la dynamique européenne après la pandémie. Les auteurs relèvent trois paradoxes dans les approches de l’Union européenne : les européens critiquent l’euro mais ne peuvent s’en passer ; les réflexes nationaux s’effacent lorsque les crises deviennent critiques ; l’Union ne se construit que dans les crises, qui « ont ceci de salutaires qu’elles rappellent aux européens les avantages pratiques du marché unique, et plus largement, d’une culture de coopération politique sans équivalent sur la planète ». La rétrospective historique met en lumière les difficultés rencontrées par les gouvernants européens et nationaux pour résoudre les crises qui se sont succédé à un rythme accéléré au sein de l’Union. Les difficultés résultent de la complexité des institutions instaurées par le traité de Maastricht et des divergences entre les politiques économiques des pays du nord et du sud. Les auteurs analysent les rôles respectifs exercés par les protagonistes des crises (chefs d’Etat, présidents de la Commission Européenne et de la BCE, directeur général du FMI. Les réflexions théoriques sont éclairantes. La zone euro est une construction basée sur le modèle des « zones monétaires optimales », conçu par Robert Mundel au cours des années 1960, qui est bâti sur un « triangle d’incompatibilité ». En cas de choc asymétrique, touchant différemment les Etats-membres de l’eurozone, la BCE ne peut prendre des mesures adaptées à chaque pays. Le modèle favorise les échanges entre les économies nationales mais il ne peut assurer leur convergence. Il contribue à creuser les écarts entre les pays du nord et du sud. Les soutiens aux pays les plus vulnérables encouragent les passagers clandestins. Le cas de la crise grecque et des menaces du Grexit est emblématique. Il a révélé « les trous et fissures du tissus institutionnel européen ». La « mise sous tutelle de la Grèce » par la Commission et le FMI a été décidée après de longues controverses, car elle a été considérée comme la condition de survie de l’eurozone, mais elle n’a été qu’une expérience de « fédéralisme d’exception ». Les auteurs examinent ensuite les risques respectifs du Brexit mais aussi, d’un Italexit, d’un Frexit et d’un Dexit. Le leave anglais est d’autant plus surprenant que « c’est au nom du libre-échange » et d’un global britain mythique que le Royaume Uni se sépare de ses principaux partenaires commerciaux. Le retrait de l’Italie est jugé improbable malgré ses faiblesses, car elle est too big to fail et too big to save. Les séparations de la France et de l’Allemagne sont impensables, car elles marqueraient la mort de l’Union européenne. Les auteurs analysent notamment le discours du président Macron à la Sorbonne et constatent que son message a été faiblement entendu par les partenaires de la France, mais que l’euroscepticisme semble reculer au sein des mouvements populistes, car les programmes basés sur l’abandon de l’euro conduiraient à des impasses économiques. Les auteurs estiment que « l’alliance franco-allemande est sur-jouée », car si les allemands sont attachés à la règle et à la responsabilité, les français en ont une perception relative, étant plus attachés à la solidarité. Elie Cohen et Richard Robert constatent que les think tanks ont multiplié les propositions de réforme. La plupart conseillent d’achever l’union bancaire, de doter la Commission d’un budget d’investissement, de mutualiser certaines dettes publiques (à l’instar des coronabonds) et de renoncer au Pacte de stabilité. Stiglitz suggère de créer un « euro fort » dans les pays du nord et un « euro faible » dans ceux du sud. Le think tank Brughel propose de créer une Europe des clubs (Euro, Shengen, Sécurité-Défense…). Ils concluent en ouvrant une « dizaine de portes pour l’Europe », afin que L’Union ne devienne pas une « Europe allemande » mais plutôt une « fédération d’exception face aux crises ». Les gouvernants doivent désormais préférer une « meilleure intégration « à une « grande intégration ».
Degeorges G., Terres Rares : Enjeu géopolitique du XXI é siècle. Chine -Etats –Unis- Europe- Japon – Groënland, l’Harmattan, 75 pages.
Le Groënland, immense mais très peu peuplée région autonome danoise au cœur de la « région monde » ultra- stratégique de l’Arctique, suscite, pour ses réserves de « Terres rares », des appétits croissants et une vive compétition entre les grandes puissances mondiales, jusqu’à justifier « l’annonce choc » de Donald Trump de l’éventualité de son acquisition par les USA. Les Terres Rares, légères ou lourdes, constituent un groupe de métaux comprenant 17 éléments dont 15 lanthanides allant du lanthane à l’yttrium. Elles restent modérément abondantes, quasi monopolisées par la Chine, et incontournables dans de nombreuses productions sensibles (numérique, puces informatiques, etc.,). Elles sont associées à des éléments radioactifs comme l’uranium et le thorium ce qui rend leur exploitation sensible. Aussi, pour leur extraction et leur affinage, ces terres rares entrainent l’apparition d’un dilemme environnemental majeur, il a été établi en effet que le Groenland était l’un des pays disposant des plus importantes réserves au monde de ces « trésors » contemporains. Aussi l’enjeu géopolitique que soussous-tend le potentiel en terres rares du Groënland aura fortement impacté ses choix politiques jusqu’à lui faire rêver de devenir comme son voisin Islandais un Etat autonome. Mais cette utopie se heurte à une réalité première, son incapacité à pouvoir disposer durablement des attributs d’une pleine souveraineté (monnaie, défense, budget). Avec un territoire quatre fois plus grand que celui de la France, quasi intégralement recouvert d’une calotte glaciaire et guère plus que 50000 habitants concentrés majoritairement dans leur capitale Nuuk, le potentiel de développement autonome reste très mince même si des ressources pétrolières difficiles à exploiter peuvent venir s’ajouter aux réserves des terres rares. Reste que ce pays de « l’or vert » n’est pas à vendre bien qu’il soit menacé par les ambitions chinoises qui souhaitent renforcer encore plus leur leadership sur les terres et ressources rares, et par les enjeux majeurs des intérêts vitaux de Défense pour les Etats Unis. Tout l’enjeu de ses tensions géopolitiques autour de ce « petit département danois », prétendument autonome, tient à ce que les terres rares sont incontournables à la fois à l’ère numérique mais également et surtout dans un siècle où l’ économie faiblement émettrice en gaz à effet de serre s’affirme comme préalable à toute croissance ; Ce qui appelle, de facto, une concurrence dans leurs recherches et leurs approvisionnements, de plus en plus forte. Tout l’enjeu donc pour les pays arctiques est de rester vigilants face au défi chinois dans une région qui reste l’ arrière- cour des Etats Unis et… de la Russie. C’est dire combien cette « région monde » représente des risques d’ extrêmes tensions géopolitiques pour l’ avenir. Comme l’avait noté Deng Xiaoping : « Le Moyen Orient a le pétrole, la Chine a les terres rares ». Dans ce petit opuscule l’auteur démontre que l’ultra dépendance notamment sur les terres rares à la Chine n’est pas saine du fait de la nature du régime chinois et de ce qui en découle. Il souligne la nécessité et les moyens pour « entamer une cure de désintoxication à cette dépendance au plus tôt… ». Enfin et surtout il fait découvrir la bataille en cours, souvent sous-marine, de plus en plus diplomatique, entre les grandes puissances, mais pas seulement (La France tente aussi de tirer quelques marrons du feu..) pour faire bouger les lignes autour et sur le Groënland.
Damien Degeorges consultant international diplômé en études nordiques de l’ Université de Paris- Sorbonne et passionné par ses expéditions sur la calotte glaciaire.
Dessertine P., Le grand basculement, Eds Robert Laffont, 352 pages.
Philippe Dessertine explore les voies de l’ère post-covid. Il relève que la mondialisation des échanges a brutalement pris la forme d’une maladie planétaire, qui a remis en question certains paradigmes économiques. Son analyse est organisée en quatre grandes parties, consacrées respectivement aux conséquences du dérèglement climatique, aux impacts de la rupture technologique, au défi du changement de puissance dominante et à la mobilisation des moyens financiers. Il considère notamment que « l’argent gratuit » créé depuis la crise de 2008 est une « malédiction » pour les économies développées, à l’instar de l’afflux d’or et d’argent du Nouveau Monde au tournant du 16e siècle, qui a entraîné le déclin de l’Espagne et du Portugal. « Les galions ont été convertis en véhicules financiers et les amiraux des flottes en banquiers centraux ». Il critique frontalement la politique monétaire non conventionnelle et les rachats de dettes publiques et privées par les banques centrales. Il déplore que les taux d’intérêt ne rémunèrent plus correctement le risque et que les fondements de la finance soient ainsi dévoyés. Il préconise une réforme des systèmes monétaires et financiers afin de relancer l’économie réelle. La monnaie créée doit s’investir dans des projets créateurs de richesse orientés vers un changement de modèle technologique, économique et social. Il observe que les épargnants sont désormais plus sensibles aux investissements à impact, « dotés d’indicateurs clairs et prouvés scientifiquement », mais il constate que l’encours de la finance verte est encore mille fois inférieur à celui de la finance conventionnelle. L’exercice auquel se livre Philippe Dessertine est ambitieux car il embrasse les multiples dimensions du basculement entraîné par la crise pandémique, mais il est également périlleux car il s’efforce d’anticiper ses conséquences alors même que son issue est encore incertaine. L’ouvrage présente une vision dans l’ensemble optimiste de l’après-covid. Il est rédigé dans un style inventif, direct et vivant.
Philippe Dessertine est professeur d’Université (IAE de Paris), Directeur de l’IHFI et chroniqueur.
Facchini F, Les dépenses publiques en France, Editions De Boeck Supérieur.
L’auteur vient opportunément rappeler qu’à la sortie de la pandémie, la France affrontera un handicap majeur en raison de son incapacité, constatée depuis un siècle, à réduire son déficit des dépenses publiques. Ce constat est d’autant plus problématique que la plupart des pays européens sont parvenus – au moins jusqu’à la crise de 2008-2010 - à stabiliser ou à alléger leurs budgets. Selon l’auteur, cette situation est attribuable à la propension des gouvernements successifs à faire appel aux services publics pour régler des problèmes qui seraient mieux résolus par le secteur privé. Cette tendance serait notamment due à la formation technocratique des décideurs politiques et aux raisonnements essentiellement macroéconomiques de l’administration française. Le handicap français serait également engendré par les statuts inamovibles des fonctionnaires français qui peinent à s’adapter aux changements technologiques et sociétaux. Mais la principale source du dérapage budgétaire résiderait dans la gestion paritaire de la sécurité sociale dont le budget dépasse désormais le tiers du PIB français. Comparant la situation sociale de la France à celles des pays voisins, François Facchini rappelle l’urgence de limiter les redistributions de revenus, de favoriser le retour à l’emploi et de reporter l’âge du départ en retraite. Il conclut en rappelant que « si trop d’impôt tue l’impôt », trop de dépenses publiques tue la croissance économique et sociale, car l’excès de dépenses creuse le déficit et la dette, détourne l’épargne vers des investissements improductifs et favorise l’exode fiscal.
François Facchini est professeur d’économie à l’Université de Paris I.
Faucon Y., Le Guillou, L’économie politique de la santé , Ellipses.
Voici un ouvrage très lourd et consistant traitant de la gouvernance des systèmes de santé et de la complexe articulation entre une logique purement libérale traitant la santé comme une « commodity » soumise à la loi du marché et une logique purement sociale qui, poussée jusqu’aux extrêmes , ferait fi des contraintes de coût et de limites de ressources. En s’appuyant sur des exemples concrets de systèmes de soins en vigueur, les auteurs font ressortir les limites de logiques jusqu’au boutistes privilégiant la logique sociale ou la logique purement économique. A cet égard, la recherche d’un « optimum incontestable » entre le social et l’économique apparait illusoire. En fait le système, adapté à chaque contexte, relève, au départ, de la perception du bien commun, par définition, subjective. D’un contexte à l’autre, les arbitrages d’allocation des ressources varient en fonction des priorités sanitaires, de l’importance accordée aux intérêts des offreurs de soins, de la prise en compte d’externalités positives associées à l’offre de soins. Rédigé par 2 professionnels, Directeur d’hôpital et haut fonctionnaire, cet ouvrage magistral sur un sujet majeur offre un intérêt considérable.
Feré J., Les dessous des marques, Eds Ellipse
Une marque est faite pour être vue, reconnue. Elle doit être en cohérence par rapport à la stratégie d’entreprise. On a une stratégie et l’on souhaite faire passer un message. Le succès d’une marque repose plus sur la capacité à partager, à faire adhérer au projet. Mais que se cache-t-il en dessous de la partie visible de l’iceberg ?
C’est ce que nous découvrons tout au long de ce livre en s’interrogeant sur la place des marques dans notre société. Comme nous, la marque est un être vivant : elle naît, elle vit et elle meurt. Ce cycle de vie est repris dans les trois chapitres de cet ouvrage au travers de nombreux exemples en passant de la naissance d’Apérol à la mort de OUIBUS devenu 4 ans plus tard BlaBlaBus. Un ouvrage captivant qui permet au lecteur de s’interroger sur le rôle des marques et de passer ainsi de l’autre côté du miroir.
Ferry L., Les sept écologies. Pour une alternative au catastrophisme antimoderne, Ed de l’Observatoire , 273 pages.
Le dernier livre de Luc ferry vient opportunément répondre aux questions que se posent les français sur l’écologie politique, après la conquête de plusieurs grandes villes de France par la « vague verte ». Le philosophe dépasse le clivage traditionnel entre deeps (révolutionnaires) et shallows (réformistes), en distinguant sept courants au sein du mouvement écologiste. Le premier réunit les collapsologues ou effondristes, qui prédisent une fin du monde imminente. Le second - baptisé alarmiste révolutionnaire - prône une décroissance économique et un retour à la low tech. Le troisième est également alarmiste mais plutôt réformiste, en défendant un développement durable et responsable. Les trois autres courants sont plus ciblés. Ils recouvrent les décoloniaux qui abattent les statues des conquistadores, les écoféministes, qui luttent contre l’oppression des femmes et de la nature, et les véganes, qui militent notamment contre la souffrance animale. Luc Ferry affiche sa préférence pour un écomodernisme, basé sur l’économie circulaire et le recyclage. Il semble considérer que l’innovation technologique et l’économie de marché ne sont pas incompatibles avec la préservation du genre humain et de la planète. Mais il s’oppose à la « modernité productiviste et technicienne ». L’ouvrage a le mérite de démontrer que l’écologie comble le vide laissé par les effondrements du communisme et de la religion. Il soulève, dans un style clair, érudit et élégant, les questionnements à la fois idéologiques, technologiques et politiques, qui animent actuellement - dans une certaine confusion - les débats entre les partis politiques.
Luc Ferry est philosophe, ancien ministre et auteur à succès.
François P., et Lemercier C., Sociologie historique du capitalisme, La Découverte – Grands Repères Manuels, 428 pages.
Dans cet ambitieux ouvrage, la reconstitution de l’histoire du capitalisme est en fait l’histoire d’un monde dont les auteurs situent le début à la fin du XVIIème siècle, tout au moins dans sa composante collective. Pour souligner l’ampleur des mutations qui se sont opérées depuis cette période, ils avancent que la chronologie du capitalisme est soumise à de grandes inflexions qui se sont déployées à l’échelle mondiale suivant trois âges : l’âge du commerce, qui s’étend jusqu’à la fin du XIXème siècle, l’âge de l’usine qui dure un siècle pour prendre fin autour des années 1990 avec l’entrée dans un « troisième âge » : celui de la finance. Si cette manière de condenser plusieurs siècles de capitalisme en trois périodes est assurément commode, les auteurs n’en tirent pas de conclusion en forme d’assertion comme « c’était mieux avant », encore moins sur la question de savoir si d’autres formes d’organisation sociale seraient préférables. Prudence toute scientifique qui s’appuie sur des travaux récents, comme de grands auteurs (Weber, Marx et Braudel). Pour rassurer ceux qui pourraient craindre que l’enquête ait été menée sur des bases profanes, de multiples insertions relatives à la théorie économique jalonnent le texte pour que les apports de l’analyse financière soient bien intégrés à la description historique. Ce que rencontrent les sociologues en général dans leurs investigations, et les sociologues des organisations en particulier, ce n’est pas l’organisation idéale, mais plus prosaïquement des hommes et des femmes qui construisent cette organisation. Un intérêt de cet ouvrage - très complet - est donc de nous livrer, sinon nous rappeler par de nombreux exemples qu’il fut un monde (pas si lointain) où les principes de rationalisation mettaient en œuvre une organisation scientifique du travail (OST), qu’une famille d’origine lyonnaise fut à l’origine de ce qui deviendra EDF. L’histoire se poursuit…
Les auteurs sont respectivement directeurs de recherche en histoire au CNRS et directeur de recherche en sociologie au CNRS
Grandjean A, et Lefournier J. L’illusion de la finance verte, eds l’Atelier, 248 p
L’ouvrage vise à démontrer que la « finance verte » ou « durable », n’aura pas d’impact si elle n’est pas mieux encadrée et si ses concepts et ses pratiques ne sont pas étendus à l’ensemble de l’économie. Les auteurs rappellent les initiatives prises par les pouvoirs publics et les acteurs financiers pour orienter les investissements vers la lutte contre le réchauffement climatique : la loi du 17 aout 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte ; le rapport officiel Lefournier-Canfin visant à mobiliser la finance au service du climat ; l’obligation depuis 2015 de reporting des risques financiers ; le lancement par le Conseil de Stabilité Financière , à la demande du G20, de la Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD) ; la mise en place d’un groupe d’experts sur la finance soutenable par la Commission européenne ; le lancement par Paris Europlace de l’initiative « Finance for to morrow »… Les auteurs soutiennent que ces dispositifs ne suffiront pas à « sauver le climat » pour les raisons suivantes : les marchés de capitaux ne sont pas suffisamment efficients et n’allouent pas les capitaux de manière optimale ; les obligations vertes ne se distinguent pas en pratique des obligations ordinaires et les fonds ISR se distinguent de moins en moins des fonds classiques) tant que l’économie fossile et la spéculation seront rentables, il y aura toujours des acteurs financiers pour y investir ; l’essentiel de l’activité financière s’exerce sur le marché secondaire et ne finance donc pas l’économie réelle ; pour exister, la finance verte ne peut se concentrer uniquement sur les activités propres car la part verte de l’activité économique est trop réduite. Il est donc nécessaire que soit mise en œuvre une politique globale comprenant, dans tous les domaines, interdictions, normes et règlements, fiscalité et… un plan massif d’investissements publics et privés.
Julien Lefournier est banquier et économiste. Alain Grandjean est un pionnier du calcul des empreintes carbone et est président de la fondation Nicolas Hulot.
Gueutin C-A., et Zimmer B., Une entreprise responsable et rentable, c’est possible, Eds ContentA ,167 pages.
Les auteurs s’attachent à montrer que rentabilité et responsabilité ne sont pas contradictoires. Ils s’interrogent sur les conditions à réunir pour être une entreprise à mission, à raison d’être, à impact… Ils indiquent comment diriger une entreprise en poursuivant quatre familles d’objectifs : l’épanouissement des acteurs internes, la satisfaction des clients, l’impact sur l’environnement et la performance de l’entreprise. Ils rappellent que cette dernière doit conjuguer performance financière et responsabilité sociale, sociétale et environnementale. Ses activités doivent dégager sur une longue période un solde positif entre les externalités négatives et positives. Une externalité augmente ou diminue à la fois le bien être individuel et le bien commun. Les externalités négatives recouvrent principalement des préjudices sociaux et des atteintes à l’environnement. Les auteurs engagent également une réflexion originale sur la mesure quantitative et qualitative des résultats financiers et des externalités. Ils considèrent que la comptabilité extra-financière ne pourra être sérieusement définie qu’après une validation des méthodes de mesure des impacts des activités des entreprises. L’originalité du livre réside dans sa méthodologie. Les auteurs ont interrogé 18 entrepreneurs de la high tech sur les leviers de rentabilité et de responsabilité de leurs d’entreprises. Dans le secteur financier, ils ont questionné les leaders d’Alter Equity et de Lita.co ; dans le domaine comptable, les experts des cabinets St Front et du modèle care.
Benjamen Zimmer est entrepreneur et diplômé de Centrale supelec. Claire-Agnes Gueutin est enseignante en management.
Guilly Ch, No-society, Flammarion (réédition).
L’auteur montre que depuis les années 1980, les classes moyennes disparaissent progressivement dans la plupart des pays occidentaux. De « nouveaux clivages sociaux, culturels et territoriaux » se substituent à l’ordre ancien, marqué par la coexistence de classes dominantes, intermédiaires et populaires. Les élites du « 1% supérieur » font désormais face à des mouvements populistes plus ou moins récupérés par les partis politiques extrémistes. Les premiers sortent des meilleures écoles et universités tandis que les seconds enchaînent les formations plus ou moins qualifiantes. Les premiers se réclament d’un certain multiculturalisme, tandis que les seconds se communautarisent. Les premiers résident au cœur des métropoles tandis que les seconds peuplent les banlieues. L’immobilier des grandes villes s’apprécie tandis que celui des périphéries se déprécie. Les revenus des premiers s’envolent tandis que les salaires des seconds stagnent ou régressent. Le territoire se « citadélise et s’ethnicise ». Les politiques de redistribution et de « mixisation sociale » ne parviennent pas à réduire la fracture sociale. L’auteur constate que les discours politiques et les études économiques s’efforcent de masquer cette réalité en soulignant la vigueur de l‘innovation, la résilience de la croissance, le recul du chômage… , tout en occultant la dégradation des niveaux de vie, le creusement des dettes, la flexibilisation des emplois… Il retrace les étapes de la précarisation des classes moyennes et populaires : les ouvriers (frappés par la désindustrialisation), les employés (par la digitalisation), les cadres (par la mondialisation), les jeunes et bientôt, les retraités. Christophe Guilly conclut en prédisant le passage irrémédiable de « la société et l’a-société ».
Isla A., Histoire des faits et des idées économiques, Edition Ellipse.
Les théories économiques, les analyses, les solutions sont multiples et variées. Ce livre présente de façon accessible à tous, la richesse et le pluralisme en économie. Après une description de la naissance de la discipline économique et des fondements de l’économie orthodoxe et hétérodoxe, l’ouvrage est ordonné autour des quatre concepts centraux que sont : le marché, la propriété, la monnaie et la finance. Ces concepts se déclinent en valeur, défaillance du marché, secteur public, entreprise, communs, politique monétaire, mondialisation et globalisation économique et financière, Union européenne, etc. La présentation des idées est étayée de faits historiques importants permettant la contextualisation et le recul nécessaire pour une réflexion actuelle. Ce livre est servi par une très abondante bibliographie, une généalogie détaillée, la mention de nombreuses personnes qui ont compté dans l’histoire économique. Ainsi le lecteur peut mener des réflexions verticale et horizontale.
Izard L., A la sueur de ton front, Eds L’Artilleur, 428 pages.
Laurent Izard traite un sujet actuellement très débattu mais inépuisable, portant sur les conséquences de la mondialisation sur le travail en Europe et plus particulièrement en France. Il retrace la montée de la « souffrance au travail » dans ses multiples dimensions : maladies professionnelles, troubles psychologiques, harcèlement, épuisement, mal-être, suicides… Cette souffrance est engendrée par de multiples facteurs - déqualification et précarisation des emplois, peur du chômage, course à la productivité, stagnation des salaires…- qui sont eux-mêmes imputables aux délocalisations d’activités, à la globalisation des échanges, à l’automatisation de certaines tâches, à l’e-commerce… L’auteur rappelle les théories économiques et les politiques publiques destinées à lutter contre le chômage et à relocaliser certaines industries, et il constate qu’elles sont toutes restées sans effets. Il critique les statistiques officielles sur le chômage, souvent limitées à des décomptes des actifs privés d’emplois (catégorie A). Il montre qu’au-delà de ce noyau dur, se développe un « halo » de non-inscrits à Pôle emploi et d’emplois précaires, qui conduit à limiter à moins de 20 millions les actifs satisfaits de leur travail (soit moins d’un tiers de la population française). Il estime que l’extension du télétravail va détruire en partie « l’écosystème de proximité des bureaux », constitué de commerces et de prestataires des services. L’auteur considère que le travail doit respecter les rythmes biologiques et la vie familiale, qu’il doit contribuer à la vie sociale et donner un sens à la vie professionnelle et personnelle. Pour y parvenir, il préconise de « réinventer la mondialisation », en restaurant une souveraineté nationale en partie perdue, dans la mesure où, dans de nombreux secteurs d’activité, les entreprises ou leurs ressources sont contrôlées par des intérêts étrangers et où les deux tiers de la dette publique ne sont pas souscrits par des épargnants français. Il propose de mettre en place de « nouvelles souveraineté » et un « protectionnisme ciblé », en étant conscient que leur application exigerait une révision des traités européens et certains sacrifices de la part des consommateurs.
Les analyses sont logiques, solidement documentées et illustrées d’exemples concrets, ce qui rend la démonstration de l’auteur à la fois éclairante et convaincante.
Laurent Izard est enseignant-chercheur à l’Université Paris I.
Karsenty L. (dir.), L’entreprise libérée. Ça marche ? Eds Octares, 291 pages.
Le modèle – ou l’utopie - de « l’entreprise libérée » est à la mode. Il recouvre « une forme organisationnelle dans laquelle les salariés ont une complète liberté et responsabilité pour faire les actions qu’eux-mêmes, et non leur supérieur, estiment les meilleures » (Getz, 2016). Les douze co-auteurs s’efforcent de montrer, par des réflexions théoriques, des retours d’expérience et huit études de cas réels, que ce modèle contribue à donner du sens à l’action des salariés des entreprises. Le modèle traditionnel du management, basé sur l’autorité et le contrôle, a atteint ses limites. Les acteurs des organisations recherchent désormais plus d’autonomie, de responsabilité et de confiance, afin de pouvoir innover et s’adapter à des situations de plus en plus complexes et imprévisibles. Les auteurs de l’ouvrage ont notamment cherché à comprendre l’origine, les principes et les modalités de cette forme alternative et controversée d’organisation. Ils montrent que la libération de l’entreprise peut avoir des effets contradictoires, dans la mesure où certains acteurs sont encore demandeurs d’encadrement, et où d’autres s’engagent dans des procédures disruptives parfois risquées. De nombreuses questions restent sans réponses, notamment sur la gouvernance de telles entreprises, dont les actionnaires privilégient généralement la rentabilité financière à court terme de leurs investissements. Or, aucune étude n’a démontré jusqu’à présent qu’une entreprise libérée était plus rentable qu’une entreprise traditionnelle.
Les auteurs sont des enseignants-chercheurs de l’IAE de Paris, des consultants en GRH et des dirigeants d’’entreprises.
Elton Stephanie, Mythe du déficit, Les Liens qui Libèrent, 358 p.
Professeur à l’université de New York et conseillère des démocrates américains de 2014 à 2016, Stéphanie Kelton présente dans son livre la Théorie Monétaire Moderne (TMM) comme étant LA solution de l’après-covid. Selon la TMM, un Etat souverain émet « quoiqu’il en coûte » sa propre monnaie afin de couvrir ses dettes et de combler ses déficits budgétaires. Ce processus hérétique est rendu possible par les taux d’intérêt actuels proches de zéro et le faible risque que la création de monnaie engendre de l’inflation. Dans le cadre de l’Union européenne, un retour au Pacte de stabilité n’est donc pas justifié car il serait destructeur de valeur productive. Stéphanie Kelton considère que la dette publique ne présente qu’un caractère historique car elle recouvre des déficits passés. Elle soutient qu’il faut « rééquilibrer l’économie » plutôt que le budget et redistribuer la valeur créée par le déficit. Elle déconstruit ainsi plusieurs mythes économiques. Le budget et la dette de l’Etat ne sont pas gérables comme ceux d’un ménage. Le rôle prioritaire de l’Etat est de répondre aux exigences sociales et environnementales, plutôt que de respecter des équilibres comptables. Cette thèse est vivement combattue par les économistes néo-classiques et la plupart des économistes non alignés, en raison des risques de surenchères sociales qu’elle fait courir aux pays occidentaux et de sanction par les marchés monétaires et financiers.
Lagarde H., Sortir de l’ornière. Comment la France peut s'inspirer des 10 pays phénix, Presses des Mines.
Henri Lagarde analyse les modèles sociaux qualifiés de « vertueux », comme celui du Danemark. Selon lui, la réussite danoise est moins due à la flexisécurité du travail qu’à des charges sociales supportées par les employeurs égales à 0, contre plus de 35 % en France. Au-delà du modèle danois, l’auteur identifie une dizaine de « pays phénix », ayant en commun d’avoir mis en œuvre une « politique de l’offre » : la Nouvelle-Zélande, la Finlande, les Pays-Bas, l’Irlande, l’Australie, la Suède, l’Autriche, le Danemark et l’Allemagne. Les entrepreneurs, les citoyens, les salariés y apprécient dans l’ensemble leur modèle social, bien que leurs contextes culturels, sociaux et politiques soient variés. Leur force est d’avoir su réformer et forger un véritable consensus social. L’auteur démontre ainsi que les actions volontaristes l’emportent sur les demi- mesures et les atermoiements. Henri Lagarde s’interroge ensuite sur l’applicabilité à la France de telles réformes. Il estime qu’une baisse significative des impôts sur la production et du taux de base de l’impôt sur les sociétés n’est pas hors de portée. L’IS ne pèse que 31 milliards et frappe les profits, tandis que les impôts de production en représentent plus du double et pèsent sur l’offre. L’ensemble du modèle demande une remise à plat, car il décourage l’emploi et les activités industrielles. L’auteur propose également de réduire la part employeur des charges sociales, qui décourage l’emploi, et de compenser cette réduction par un relèvement de la contribution publique financée par des taxes sur la consommation et les revenus. Mais il préconise surtout une diminution des dépenses publiques, ainsi qu’une simplification et un meilleur rendement des services de l’Etat et des collectivités locales. Le « modèle » social de la France serait à l’origine de son déclin économique. Les modèles des « pays phénix » lui montrent clairement la voie des réformes.
Henri Lagarde a dirigé des groupes dans les secteurs de la micro-électroniques et de l’industrie alimentaire.
De Larosière J., 40 ans d’égarements économiques. Quelques idées pour en sortir, Eds Odile Jacob, 207 pages.
Le dernier livre de Jacques de Larosière est une magistrale leçon administrée aux gouvernants français des quatre dernières décennies. Son message est d’autant plus dérangeant qu’il n’émane pas d’un leader politique ou d’un économiste hétérodoxe, mais d’un financier mondialement reconnu. Avec un grand sens pédagogique, l’ancien gouverneur de la Banque de France et président de la BERD montre que la France « décroche » dans pratiquement tous les domaines : la baisse de la croissance économique, la chute de la productivité industrielle, la destruction d’emplois productifs, le recul de l’enseignement, la fuite des cerveaux, le déséquilibre du commerce extérieur, la baisse du pouvoir d’achat des ménages, le creusement des déficits budgétaires, l’envolée des endettements public et privé… La perception du déclin français est amplifiée par des références systématiques à l’Allemagne, le « meilleur élève » de l’Union européenne. Par quelques chiffres puisés aux meilleures sources, il analyse l’enchainement des facteurs qui ont alimenté cette spirale : la désindustrialisation accélérée, l’alourdissement des dépenses publiques, la montée de la pression fiscale, un centralisme bureaucratique dupliquant un « millefeuille territorial », mais aussi, l’instauration des 35 heures et le maintien de la retraite à 62 ans. Il souligne que les politiques successives de redistribution n’ont pas comblé la fracture sociale ni dissipé le « mal être des français » - perceptible dans les grèves et le mouvement des gilets jaunes. Jacques de Larosière redoute la perpétuation, après la pandémie, du « quoiqu’il en coûte » et de « l’illusion monétaire ». Il rappelle que notre économie était déjà fragilisée avant la crise et qu’une remontée de l’inflation et des taux d’intérêt exigerait la prise de mesures fiscales et sociales difficilement supportables. Il alerte sur les multiples dangers de l’annulation des dettes publiques détenues par la BCE. Il en appelle au bon sens des gouvernants et des partenaires sociaux pour revenir à l’orthodoxie budgétaire et à la restauration de la rentabilité des entreprises. Son message est d’autant plus troublant qu’il a conscience de son caractère désespéré, en raison du tropisme électoraliste de la classe politique et de l’attachement des français à un modèle social malheureusement inadapté au « monde d’après ».
Lepage C, Huglo Ch, Nos batailles pour l’environnement, Actes Sud, 320 p.
La lecture du dernier livre de C. Lepage et Ch. Huglo s’impose en cette période électorale marquée par des partis politiques se présentant tous en protecteurs de l’environnement et de la santé des citoyens. Les deux avocats français qui ont le plus défendu ces causes au cours des 50 dernières années, livrent leurs riches expériences des causes environnementales et sanitaires en analysant 50 affaires célèbres engagées à partir des années 1970. Pour ces affaires françaises ou internationales ils présentent successivement les faits et les procédures, dressent des bilans et tirent des enseignements des jugements qui ont été rendus. Ces derniers ont été classés par grands domaines et par ordre chronologique. Les premières causes (1975-1995) portent sur les rejets de boues rouges et jaunes, sur les implantations et les rejets de centrales nucléaires, sur les lignes à haute tension, sur les routes et les autoroutes, la promotion immobilière, les aéroports, les décharges et les déchets. Au cours des vingt années suivantes (1995-2015), les auteurs présentent leurs combats contre les marées noires, les OGM, la protection des sites classés et l’exercice du principe de précaution. Dans une troisième partie, ils anticipent les procès de demain, au nom de la justice climatique et de la justice sanitaire. Cette vaste rétrospective permet de mesurer les progrès accomplis et le chemin encore à parcourir dans la protection des hommes et de la nature. Elle montre l’intensité des luttes de pouvoir entre le bien public et les intérêts particuliers, entre le droit commun et les droits spéciaux, notamment le droit nucléaire. Le lecteur est surpris par la multiplicité des entorses au droit commun, par l’ampleur des zones de non droit, par les lenteurs des procédures et par la diversiité des affaires encore pendantes. L’ouvrage est rigoureusement documenté et rédigé dans un style didactique (les termes juridiques et techniques étant systématiquement expliqués) et sur un ton dans l’ensemble non polémique.
Laidi A., Les batailles du commerce mondial-PUF, 141 pages
Est-il raisonnable de ne poser aucune limite au développement frénétique des échanges ? L’être humain n’est pas un seul marchand, encore moins un entrepreneur de sa vie; la compétition n’est donc pas son seul credo. Michel FOUCAULT propose de cheminer sur des voies de traverse ; l’étude de la guerre économique doit jouer un rôle dans « l’édification d’un nouveau régime politique, économique, institutionnel de production de la vérité dans lequel la concurrence barbare n’aurait pas sa place ». Ainsi est fixée l’ambition de l’auteur-actualiser la pensée de FOUCAULT- qui structure son propos autour de : la guerre économique, angle mort des sciences humaines ; compétition économique, continuité de la guerre par d’autres moyens ; néolibéralisme, une idéologie des conflits. Il est temps de penser comment la conflictualité marchande perturbe la bonne marche du monde et quelle est sa part dans l’émergence et l’entretien du terrorisme. « Il existe un lien entre mondialisation et terrorisme ». S’intéresser à la guerre économique, c’est révéler un phénomène caché, en comprendre les mécanismes et en diminuer la nocivité, travail indispensable si l’on veut éviter que les catastrophes ne se transforment en cataclysme. Le lecteur abordera des thèmes tels que l’art de la guerre dans les échanges commerciaux, le pouvoir de la norme ; savoirs, vérités, croyances et violences ; néolibéralisme nécessairement conflictuel ; droit américain, arme de guerre économique et enfin –résumant l’ouvrage et la prise de conscience-une compétition sans droit. Etudier la polémologie économique, c’est mieux appréhender et corriger les injustices qui déstabilisent les sociétés. L’auteur mène le lecteur parmi les mécanismes de la guerre économique pour les comprendre et contribuer à éviter les catastrophes qui semblent s’annoncer alors que les peuples et leurs élites n’ont pas nécessairement la stratégie ni la doctrine de sécurité économique pour y faire face. Déjà primé par le jury TURGOT, cet ouvrage n’est probablement pas éligible cette année, mais il n’en est pas moins fort utile à une réflexion citoyenne.
Laurent S., J'ai vu naître le monstre - Twitter va-t-il tuer la #démocratie ? Les Arenes Eds
Twitter est un réseau social fréquenté par les journalistes, les politiques et les communicants. L’information s’y fabrique et s’y diffuse rapidement. Il est facile de se laisser griser par le sentiment de puissance que ce réseau confère : « Je tweete, donc je suis, donc j’existe, donc je pèse ». En plus d’une décennie, Twitter a privatisé l’espace public offrant un lieu de liberté totale de parole à tout un chacun. Certes, la parole circule librement mais aussi violemment. Elle devient vite hors de contrôle et se transforme en une arène virtuelle où chacun veut avoir le dernier mot. Comment concilier la liberté individuelle avec le respect de tous ? La modération pourrait-elle être une option ? Dans ce livre instructif, l’auteur apporte son témoignage, en décrivant au fil des pages et également des années, comment il est passé du statut de promoteur à victime de Twitter. Il nous met en garde contre les dérives potentielles de ce bel oiseau bleu, qui en déployant ses ailes, se transforme en un monstre cruel capable de tuer la démocratie.
Samuel Laurent est journaliste au Monde.fr
Lecaussin N., Les donneurs de leçons : Pourquoi la France est en vrac !, Eds du Rocher.
Le dernier livre de Nicolas Lecaussin vient gonfler le courant de plus en plus torrentiel du french bashing. Il part du constat - souvent observé mais jamais suivi d’effets - selon lequel la France continue à donner des leçons au reste du monde, tout en étant un contre-exemple en matière de dépenses publiques, de déficits, de dette, de chômage, de grèves … Bien qu’en situation de plus en plus inconfortable, les gouvernements de tous bords (qui changent à chaque élection) continuent de vanter le modèle social français. L’auteur attribue cette arrogance à la constitution française de la Ve République, qui a instauré un régime de plus en plus centralisé, et à la tradition colbertiste qui a contribué à bureaucratiser les circuits de décision. Mais l’intérêt de l’ouvrage réside moins dans ce portrait à charge – somme toute banal – que dans la féroce galerie de portraits de leaders politiques et syndicaux dressée par l’auteur. Il dénonce les contradictions observées dans leurs discours et leurs comportements, notamment depuis la crise pandémique. L’accumulation de doubles langages et de paradoxes explique la perte de confiance des français dans la classe politique. Ce livre ne serait qu’un chant désespéré de plus sur l’état de la France, si l’auteur n’était le président de l’Institut de Recherche sur les Administrations Publiques.
De Lima P., Capitalisme et technologie. Les liaisons dangereuses. Vers les métiers de demain , Editeur Forbes, 381 pages.
Dans le nouveau système capitaliste, l’évolution des technologies , modifie tendanciellement la structure des emplois en raison d’une recherche continue d’efficacité. Il s’en suit qu’ émerge une forme de « société de la sélection » ou les moyens technologiques et les modes de raisonnement remettent en cause les fondements même du marché du travail et les principes d’une société démocratique qui tend alors vers un capitalisme totalitaire. Car « la technologie pousse toujours vers plus de technologie. » , la polarisation se renforce avec le temps et se traduit par « une forme d’arbitraire en restreignant les choix possibles et en rationalisant les procédés… ». L’ Ere du « capitalisme-système d’information » ( capitalisme disciplinaire) s’est ouverte avec l’ingénierie des nouvelles technologies , de leurs moteurs de recherches qui analysent sans relâche la performance des collaborateurs et de l‘ensemble des acteurs économiques. Si les innovations modernes peuvent constituer de formidables opportunités créant de nouveaux métiers et en enrichissant bien d’ autres , cela va aussi avec la disparition de ceux qui sont emportés par le vent de l’Histoire… la « destruction créatrice » chère à Schumpeter est à l’œuvre plus que jamais. Certes ,le thème du chômage technologique reste très contre-versée car les thèses qui s ‘affrontent sur le sujet font dans le « blanc ou noir » , rarement dans la nuance : soit les technologies vont totalement se substituer au travail soit au contraire elles créeront des emplois directs et indirects ... les liaisons entre capitalisme et technologie restent dangereuses et les fondements sur toutes ces craintes sont loin d’être utopiques.. beaucoup peuvent d’ ailleurs en témoigner : des chauffeurs de taxis face à Uberpop ,aux kiosques à journaux et autres journalistes face à Google aux disquaires face à Apple Etc.. Mais le risque serait de refuser de s’adapter en s’exposant à être emporter par la vague montante des inégalités qui accompagne la transformation des métiers et entretient l’ instabilité dans nos démocraties. Aussi pour l’ auteur la création d’un « Revenu Universel » dont l’ampleur et le périmètre restent à préciser, permettrait de répondre à cette exigence de demande de sens et de visibilité sur les carrières qui touchent la quasi-totalité des classes sociales en particulier la classe moyenne. Un chemin pour échapper à une crise de la surproduction en anticipant sur les tensions aux conséquences sociales ravageuses. L’auteur dépasse largement son analyse très documentée parfois sans appel des risques de la confrontation des technologies avec l’emploi et le capitalisme pour proposer un large éventail de pistes (14 messages susceptibles de répondre à ces défis). Il reste que les développements sur « la » solution du revenu universel , « simple revenu d’ existence ou véritable complément de revenu », restent un peu dans les généralités du sujet . Ils mériteraient d’ être approfondis notamment en termes de conséquences sociétales et culturelles sur les générations montantes et anciennes. Pour « aller vers les métiers de demain » en gagnant la bataille du pouvoir d’ achat , chère aux « gilets jaunes », il faudra d ‘abord gagner celle de l’ emploi ,face aux technologies et à leurs liaisons dangereuses. « Les sociétés occidentales vont tendre vers une structure sociale en forme de sablier , creuse au milieu , c’ est à dire au niveau des classes moyennes , épaisse en haut et en bas , c ‘est à dire au niveau des postes à très haute qualification et ceux à basse qualification, une catégorie socioprofessionnelle correspondant à un emploi lié à un niveau de revenu ». Le capitalisme technologique cannibalise le capitalisme industriel et financier .Il entraine les métiers vers des mutations profondes , lourdes pour l’ emploi.
Pascal de Lima Professeur en économie-, Sciences Po et Essec , très présent médiatiquement et l’ auteur de plus de 200 tribunes économiques.
Lorenzi JH., Villemeur A., La grande rupture - eds O Jacob,200 pages
L’ambition de ce livre est d’apporter des réponses aux questions qui hantent aujourd’hui les démocraties occidentales : faut-il augmenter les salaires ? Comment faire de l’innovation une source de nouveaux emplois ? Faut-il favoriser les investissements d’expansion et d’innovation et limiter les investissements de rationalisation ? Comment éviter que la jeunesse soit une génération sacrifiée ? Faut-il parier sur une qualification des emplois ? Enfin, ne faut-il pas investir d’avantage dans le social ? Les trois révolutions des dernières décennies, celle de Friedman conjuguée à celle du vieillissement et à celle du numérique ont conduit à de graves déséquilibres. La relance post COVID doit surmonter une insuffisance d’offre et de demande, des disruptions dans les chaines de valeur et quelques inadéquations entre les qualifications disponibles et celles qui seront nécessaires et une abondance d’épargne devant rendre particulièrement vigilant le choix des investissements d’avenir. Ce livre se fonde sur la réconciliation entre Keynes, l’homme de la demande, et Schumpeter, celui de l’innovation et de l’entrepreneur. Les auteurs suggèrent six nouvelles répartitions des revenus, du travail, des qualifications, des innovations au sein de la société et de ses différentes générations, que peut établir une croissance durable, inclusive et partagée par tous.
Les auteurs insistent, avec fortes démonstrations mathématiques sur la création d’un modèle de la croissance développée dans un article de la Revue française d’économie en janvier 2021, (volume XXXV, n°3) cf. INFRAi. La réconciliation entre Schumpeter et Keynes n’est pas une forme de « en même temps » comme le laisserait accroire le sous-titre du livre ; il s’agit plutôt de l’émergence d’une nouvelle théorie fondée sur un état des lieux et sur des perspectives environnementales et démographiques questionnant les modèles passés de développement et de croissance. Les solutions avancées sont directives et requièrent un engagement de l’Etat. Il ne s’agit pas d’un retour à la planification des trente glorieuses mais d’un rôle stratégique. A titre d’exemples,(1) la puissance publique devrait favoriser les investissements de développement et être neutre sur les investissements de « rationalisation », (2) les revenus devraient être orientés vers les couches de la population susceptibles de consommer, selon la méthode de H FORD annoncée en 1912… La « nouvelle » théorie présentée dans l’ouvrage relève d’avantage de la rupture que d’une continuation du « meilleur des mondes précédents ». Reste à mettre tout cela en musique, et ce sera le rôle du personnel politique. Cet ouvrage s’inscrit résolument dans les débats de la prochaine campagne présidentielle.
Mistral J., Guerre et Paix entre les Monnaies. Economie et géopolitique du XXIe siècle , 365 pages.
La prise de conscience liée à la pandémie permettra - t –elle d’ éviter une nouvelle guerre des monnaies ? Après la pandémie en effet , avec l’émergence d’une forme de délire porté notamment par les technologies autour des crypto-monnaies, et l ‘explosion des dettes et des liquidités , vers quelle nouvelle guerre ou ( paix) des monnaies se dirige le monde ? Force est de constater que sur « le front des monnaies » les trois grandes, le dollar , l’euro et le yuan , adossées aux grands continents sont comme le démontre l’ histoire ,étroitement mêlées. Leurs poids relatifs dans les échanges internationaux n’a que peu varié : la devise chinoise ne s’est toujours pas acquis un statut international et à même régressée en part de marché ( 5% environ) à hauteur de celle du Yen japonais et ,si ,l’ euro a su montrer sa capacité à challenger le dollar et a fait beaucoup progresser sa part de marché ( estimée à 25%°) , la suprématie de la monnaie US reste entière , en conservant plus de 60% des échanges commerciaux et 80% de ceux des devises. Quant aux DTS , ce « panier de monnaies » qui était pressenti comme LA monnaie de réserve nouvelle du XXe siècle , leur part est restée relativement marginale. Sur ce plan donc rien de bien nouveau, si ce n’est que ce risque de déflation qui prend de plus en plus d’ampleur , alors même que les Etats avancés sont engagés dans une politique de « quoiqu‘il en coûte généralisée » , de relance à des niveaux jamais connus , et de poursuite de mesures non- conventionnelles des Banques centrales , les règles , du système monétaire et financier permettant de faire fonctionner une économie ouverte , mondialisée devraient être pour le moins repenser. L’auteur s’attache à définir , les défis qui devront être relevés pour trouver une nouvelle « pax » mondiale , à l’ instar de ce qui fut conçu aux siècles précédents avec les « pax britannica et americana ». Cette nouvelle édition ,revue et actualisée est augmentée de deux contributions exceptionnelles par leur densité et leur vision : - l’une décrivant le contour de la monnaie du xxi e siècle et du système monétaire international , tels que l’auteur les envisage. L’autre , qui prend la forme originale d’une fiction ,décrit minutieusement ce que pourrait être le monde en 2029 .. ( 100 ans après la grande récession de 1929)… Un exercice dans lequel Jacques Mistral parait exceller et prendre un grand plaisir , mais qui fait toucher du doigt les risques qui pourraient avoir poussé nos économie vers.. l’abîme ..si : « collectivement, nous nous montrons incapables d’imaginer et de mettre en place un système monétaire digne du xx1 e siècle comme Keynes avait tenté de le faire avec Bretton woods.. pour l’après-guerre ». Avec le grand pouvoir de conviction qu’on lui connait et des arguments qui ne peuvent laisser insensibles , l’ auteur plaide pour que les DTS puissent enfin répondre à cette ambition . Pourquoi pas ? …. les rêves finissent toujours par rejoindre la réalité. Une analyse remarquablement documentée et très actuelle, qui intègre les aspects historiques , économiques et géopolitiques du sujet. La forme peut paraitre un peu concentrée dans ce format folio , cependant largement compensée par une grande élégance de style et une plume très alerte. Ce nouvel essai , d’un des plus grands experts et chercheurs contemporains de l’ économie internationale et de la conduite des politiques économiques , est , tout simplement immanquable .Il marquera durablement par son sens de la pédagogie , l’ étendue et la finesse des analyses , l ‘état de l’ art en la matière : précieux pour tous publics , étudiants , professionnels et chercheurs . -un extrait : « la leçon économique de cette période ( 1930) c’est que , la déflation une fois amorcée , les autorités publiques perdent tout contrôle de l’ activité économique ; la politique monétaire est impuissante , puisque, on le sait : on ne pousse pas avec une ficelle ».
L’auteur : économiste français , polytechnicien, agrégé de droit et de sciences économiques, enseignant à Sciences Po , à l’Ensae , puis à Harvard et aux universités du Michigan et à celle de Nankin . Chercheur à la Brooking Institution et à L’ IFRI. Auteur prolifique maintes fois distingué , dont le Prix TURGOT du meilleur livre d ‘économie financière en 2015 et comme lauréat de l’ Association Française de science économique.
Oliveau O-X., La crise de l’abondance, L’ Observatoire 318 pages.
L’Abondance est restée longtemps comme rien d’autre que l’un des grands mythes de l ’Humanité. L Depuis la nuit des temps, la réalité quotidienne de la condition humaine était plutôt faite de Rareté et, l’exigence de la survie alimentait largement les préoccupations de tous les instants : L’abondance c’est l’assurance de ne pas connaitre la disette, la malnutrition, mais la logique de « la Corne d’ abondance » voudrait qu’elle soit satisfaite par une juste et maitrisée quantité de production. Par son génie , les découvertes , les innovations et les progrès qu’il a su entreprendre , l’ être humain a su s’offrir une entrée dans ce pays de Cocagne : Il a appris « ..à mieux exploiter les terres, à repousser la faim et le froid , à accéder à l’ instruction et à inventer la Société de consommation et de loisirs .. ». Comme l’avait pu imaginer dès 1930 le grand maître John Meynard Keynes : « le problème économique peut être résolu d’ ici cent ans , disait –il … ainsi l’homme pourra pour la première fois depuis sa création faire face à ce problème : comment occuper cette liberté arrachée aux contraintes économiques, comment occuper les loisirs que la science et les intérêts composés auront conquis pour lui.. de manière agréable sage et bonne ? .. mais nous ne pourrons voir venir l’ère de l’oisiveté et de l’abondance sans craintes .. car nous avons été entrainés pendant trop longtemps à faire ..effort et non à jouir ... ». Si la mondialisation-globalisation nous a permis d’oublier largement nos peurs primitives « .. disparaître , manquer , souffrir », elle en a fait naître de nouvelles en même temps qu’ apparaissaient de nouveaux défis en termes, d’égalité , de solidarité ,de protection de l’environnement et des ressources de la Planète… des problèmes de riches, en effet ,mais pas seulement ! Certes nous travaillons de moins en moins , nous vivons de plus en plus longtemps , ,les prix baissent, l’argent bon marché coule à flots ,les ressources minières contrairement à une idée reçue ne sont pas rares et l’accès aux biens élémentaires progresse ,bien qu’ encore trop lentement ,partout dans le monde … . L’humanité n’a jamais été aussi riche ,ce qui a autorisé cette réflexion du Président Obama : « ..si vous aviez à choisir n’importe quel moment dans l’ histoire pour naître , sans savoir vos conditions de naissance , vous choisiriez maintenant.. », mais l’ Abondance n’évite pas les crises.. et François- Xavier Oliveau en met trois principales en lumière : la crise de la Terre : « Nous avons réussi ce paradoxe de rendre abondantes des ressources finies ». Mais les sols sont endommagés et pollués par la façon dont nous les exploitons et les océans abriteront bientôt (2050) plus de plastiques que de poissons. L’écosystème est en souffrance. - la seconde crise est celle de l’ Argent : la monnaie coule à flots mais le monde est surendetté , et c’est la richesse des mieux nantis qui, à travers la ,valorisation des actifs progresse le plus ; tandis que les inégalités s’accroissent et qu’une partie de l’ humanité reste dans la précarité relative. Troisième crise ,celle de l ‘Homme : De sa place dans la société par le travail , face au télétravail , à l’ intelligence artificielle, aux robots ; la peur de la fin du travail ,et/ou de la perte de sa « valeur » se substitue à nos peurs primitives : une crise à la fois économique et morale est devant nous. L’auteur propose des éléments de réponse pour traiter ces trois crises majeures, simultanées, aux enjeux immenses ,qui font peser le risque de voir basculer une frange entière de la population dans le déclassement et la révolte ..confère les Gilets jaunes . Dans ces analyses très fines économiques , sociologiques et sociétales, parfaitement documentée , marquées de l’ empreinte de la pensée de « l’ingénieur » ,l’auteur identifie les mécanismes de l’abondance et propose de nouveaux outils à mettre à l’œuvre pour l’apprivoiser : « la principale révolution est mentale.. elle consiste à regarder de façon radicalement différente les concepts ancrés dans nos inconscients liés aux temps de la rareté, avec le travail , l’inflation la déflation, la croissance etc ». le fil d’Ariane de ses propositions s’appuie sur une logique constante : il faut distribuer l’ abondance : Un dividende monétaire ( donner de l’argent à tous ), « une idée invraisemblable mais une histoire sérieuse » qui s’inscrit sur une ligne voisine de la théorie de la « monnaie hélicoptère » et par extension de celle du « revenu universel » : il s’attache méticuleusement et de façon très convaincante à enlever les principales objections , financières et morales par ce raisonnement nouveau , celui de d e l’ abondance, qui succèderait radicalement à celui de la rareté. C’est une urgence, considère l’ auteur « car le situation politique et sociale dans les pays riches aura tout d’une poudrière .un tel creusement des inégalités( et la crise de la Covid l’ a accentuée)° ne peut qu’ alimenter tous les délires , toutes les tentations populistes. Les élites qui auront laissée progresser une situation injuste , faute d’avoir compris les règles de l’ abondance, seront rejetées ». La crise de l’ abondance exige d’en déduire des politiques radicalement nouvelles. Dans ce nouvel et stimulant essai, François - Xavier Oliveau apporte de la rationalité , dans une approche rigoureuse « d’ingénieur » , sur un sujet qui le plus souvent prête le flanc à toutes formes de dogmatismes , politiques , économiques ou moraux. Il rejette à la fois l’idée « d’une impossible croissance infinie » et d’une décroissante mortifère ,en esquissant les grandes lignes d’une troisième voie celle d’une gestion plus juste et plus intelligente de l’abondance. « La pression sur les prix liée à la crise de 2020 appelle à la mise en place des dispositifs d’injection monétaires. La première Banque Centrale qui osera le faire sera…rapidement copiée par les autres, sous un format ou sous un autre , l’injection monétaire directe s’étendra alors rapidement et deviendra la brique de base des politiques monétaires au XXIe siècle ».
Francois –Xavier Oliveau, diplômé de Centrale, de Sciences-Po et d’Harvard, Conseil en transition Ecologique ,et auteur lauréat du Grand Prix du Jury du Prix TURGOT pour son ouvrage « Microcapitalisme» paru en 2017 (PUF)
Pautet A., les dḗfis du capitalisme comprendre l’économie du xxie siḕcle, Dunod , 249 pages
« Le capitalisme ? C’est comme le Temps. Si personne ne me le demande, je le sais. Si je veux l’expliquer à qui me le demande, je ne le sais plus. Mais on peut se risquer à l’associer au mot combat ! ». L’auteur de cet opus éclectique et serré replace l’économie dans sa nature de science sociale, et en convoque les acteurs majeurs et l’élitisme paradoxal qui l’anime aujourd’hui. Il fouille véritablement en historien et mémorialiste le capitalisme dans sa si longue épopée. Sa manière d’entrer dans le sujet avec ardeur et hauteur va au cœur de la question et des enjeux, pour la clore sur le dilemme qui donne à entrevoir la distance à franchir, non sans quelques crochets. De fait, le capitalisme, sous sa forme libéralisée et financière, conduit à une instabilité croissante et des crises économiques à répétition, fort détachées de l’impératif de justice sociale et d’épuisement des ressources. La réalité du capitalisme mondialisé est restée une machine à produire des inégalités mondiales. Il est moins l’économie de marché que sa dénaturation, et sa plasticité se décline de manière stupéfiante, jusqu’à repenser un compromis social plus équitable pour s’opposer aux nouveaux gagnants de la mondialisation.
Étonnamment, l’arbitrage coûts-bénéfices à l’œuvre, ne répond-il pas avec le choix du confinement et la mise à l’arrêt de la production, à un renversement des hiérarchies sociales par une vision lucide sur la valeur d’une vie humaine, évaluée en France autour de trois millions d’euros en termes de richesse potentielle ? Arnaud PAUTET, citant MILANOVIC, met en exergue l’existence d’un incroyable avantage qui se traduit par le fait que 60% du montant du revenu perçu par un individu dépend du pays dans lequel il vit ; 20% de son origine sociale et que seulement 20% tient au mérite. Dans cet univers capitaliste éclaté, et qui nous demande de ne pas laisser nos cerveaux au vestiaire, la fin des choses n’est pas encore venue !
Arnaud PAUTET est agrégé et docteur en histoire contemporaine. Il est professeur en classes préparatoires commerciales au lycée Sainte-Marie de Lyon où il enseigne l’histoire, l’économie et la géopolitique.
Avec la collaboration de Francis PLANCOULAINE, professeur agrégé de sciences sociales enseignant l’économie, la sociologie et l’histoire en classes préparatoires commerciales.
Pennel D., Le paradis du consommateur est devenu l’ enfer du travailleur, Editions du Panthéon, 300 pages
Entre bien d’ autres maux , La crise de la Covid 19 a montré l’ addiction de notre société et « notre appétit insatiable, notre soif inextinguible » pour une consommation effrénée , en temps réel , accessible 24 heures sur 24 , 7 jours sur 7. Mais ,avec le confinement à répétition nous avons redécouvert la notion de manque, de lenteur , la patience , la frugalité , le silence et le calme dans les villes .. fort de ce constat l’ auteur analyse cette « révolution » de notre modèle économique comme celle d’un passage d’ une économie de masse à une économie dictée par la demande. Dans cette nouvelle ère , le consommateur devenu roi , impose aux entreprises de se réorganiser , de devenir plus agiles ,et ce très largement au détriment « des travailleurs ». Sous nos yeux nait et prospère une société de surabondance , ( déjà conceptualisée par François-Xavier Oliveau) caractérisée par le gaspillage des ressources , la hausse des inégalités et une course folle vers le « toujours plus ». Le dogme productiviste :- extraire, produire, consommer, jeter- fait courir des risques inédits pour la Planète. l’auteur examine dans ce brillant nouvel essai les voies et moyens susceptibles de modifier ces comportements impulsifs jusqu’ à espérer modifier la logique du système capitaliste pour le rendre plus inclusif et plus équitable. Quelle place pour l’Etat dans ce nouveau défi ? quel système de protection sociale à repenser ? Les réponses de Denis PENNEL s’inscrivent sur l’ axe de la refonte de notre contrat social et celui de la règle des « 3M ». Recréer du lien, renouer le dialogue social, combattre la marchandisation du travail pour parvenir ((enfin !!) à un capitalisme plus humain. Les propositions et la vision de Denis Pennel sonnent justes.
Petrovic N, La société post-digitale, Débats publics, 155 pages.
L’auteur analyse les forces et les faiblesses de l’Europe post-industrielle confrontée aux ruptures technologiques du début du XXIe siècle. Il considère que la notion de société post-industrielle est trompeuse et il lui préfère celle de « société post-digitale » basée sur de nouveaux équipements industriels, capacités de production et infrastructures. Selon lui, le monde occidental connaît la fin d’un cycle dominé par les technologies de l‘information pour entrer dans celui d’une renaissance industrielle placée sous le signe de l’urgence écologique, de l’accélération de l’innovation technologique et de la fusion de l’espace cyber-physique. Il perçoit dans la décennie 2020-2030, les signes d’un renouveau comparable à celui de la décennie 1920-1930. Il ressent un « vent d’optimisme » après la période récente de tensions et d’espoirs déçus. Les « entreprises digitale native » seront désormais fondées sur les usines 4.0, l’impression 3D, l’Internet des Objets, les modèles phygitaux, la réalité augmentée, les énergies renouvelables, la blockchain, l’Intelligence artificielle… Cette industrie « nouvelle génération » devrait constituer un projet fédérateur pour l’Europe, qui pourrait ainsi connaître une véritable renaissance. Il préconise de renoncer à l’industrie « technocentrée » et de construire une économie basée sur le développement humain. Il est cependant nécessaire que les européens – et notamment les français – effectuent un « reboot « de leurs modes de pensée. Il ne voit pas l’intérêt de relocaliser des industries matures ou obsolètes, et conseille plutôt d’investir dans des industries innovantes, comme les biotechnologies, la mobilité décarbonée, les bâtiments intelligents, les villes de demain... Il invite donc les décideurs publics et privés à reconstruire des chaînes de valeur plus régionales que globales.
Nicolas Pétrovic (ESCP, INSEAD) est président de Siemens France et Belgique.
Pierret Ch , Philippe Latorre, Le nouveau contrat social. L’entreprise après la crise, Le Bord de L’eau, 203 Pages.
« Attention au déséquilibre engendré entre le réel et le Toc, si létal pour l’économie». Les auteurs de cet ouvrage dense nous enjoignent d’appliquer une vraie coupure et une méthode face aux bouleversements et incessantes remises en question de cette oppressante pandémie coronavirus qui n’a pas infecté que la sphère de la santé. Ils en appellent au compromis sur la base d’une exigence de justice sociale, de la classe ouvrière aux couches dirigeantes, comme une condition de la cohésion française. Ils la nomment « entreprise cohésive », et lui vouent une ambition de transformation radicale de la société tout entière, déclinant le cahier de doléances en deux impératifs politiques et quatre exigences sérieusement argumentées. A cet égard, l’horizon souhaitable n’est assurément pas la fin du salariat fantasmé par certains, mais plutôt une implication plus grande des salariés, singulièrement des nouvelles générations, dans leur entreprise à travers l’actionnariat et la gouvernance associée. En fait, il s’agit avec pragmatisme de partager la richesse là où elle est créée plutôt que la redistribution a postériori, en élargissant la propriété privée ! Voilà l’idée neuve. L’enjeu vise à éviter à plus large échelle le basculement de centaines de millions de personnes dans une pauvreté radicale. Pour Christian Pierret et Philippe Latorre, La voie qui s’offre à notre pays est politique. La logique de confrontation doit laisser place à une politique de co-construction sur le mode social-démocrate, car ce qui est en cause c’est l’adaptation des entreprises à une économie post-covid et plus favorable au progrès de la parité.
Etant englué jusqu’à l’étouffement dans des conjonctures excentriques, cet ouvrage est stimulant, énergique et retient l’attention ! Il propose une issue lucide et plus heureuse à l’impasse.
Christian Pierret est avocat et administrateur de jeunes entreprises innovantes. Il a été haut fonctionnaire, député, rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, maire, et ministre en charge de l’industrie de 1997à 2002.
Philippe Latorre, cofondateur d’un fonds dédié aux PME françaises, a une longue expérience des fonds d’investissement. Il apporte son expertise à un cabinet d’avocats et exerce une activité de conseil auprès des salariés.
Pierret Ch, Philippe Latorre, Le nouveau contrat social. L’entreprise après la crise, Le Bord de L’eau, 203 Pages.
On connaît bien ces deux auteurs, plutôt classés à gauche, qui avaient publié en 2017, « Réinventer la Social-Démocratie ». Tous deux avocats, ils connaissent très bien la finance, le premier comme ancien député, rapporteur général du budget, le second ayant une grande expérience des fonds d’investissement. Leur livre a été écrit suite à deux évènements ayant entraîné des conséquences sociales considérables, d’abord le mouvement national des gilets jaunes, puis la pandémie du coronavirus, qui a touché le Monde entier. Si le fil conducteur de cet ouvrage est l’entreprise comme moyen pour favoriser la transformation de la société, en opposition à la toute-puissance de l’Etat qui a montré ses limites dans la crise nationale, mais venu au secours de beaucoup pendant la pandémie, la structuration de cet ouvrage, très riche, ne parvient pas à captiver le lecteur, par cette succession incessante de paragraphes juxtaposés, donnant un peu le tournis, et rabâchant beaucoup de choses déjà écrites. S’il est intéressant de rappeler que le capitalisme est le seul système ayant démontré sa capacité à créer de la valeur économique, ils en rappellent aussi les externalités négatives, qu’il a créées sans savoir les juguler, et donc appellent le capitalisme à se régénérer, en enfonçant un coin important : au moment, où la montée des populismes inquiète, l’entreprise pourrait être le seul lieu de démocratie sociale, à condition qu’elle se modernise grandement. Il y a beaucoup de redites, et quelques naïvetés, avant d’arriver au chapitre le plus intéressant, qui parle de l’entreprise cohésive, l’idée étant de changer le partage de la valeur. Rien de révolutionnaire, car déjà largement éprouvé, dans les pays de l’Europe du Nord, mais qui pour des raisons historiques et culturelles, n’arrivent pas à se mettre en place en France. De quoi parle-t-on ? De deux grandes idées dont on parle depuis 50 ans, l’intéressement et la participation, bien sûr, mais aussi l’association des salariés au processus de décision dans les Conseils d’administration, et l’actionnariat des salariés. Si cela existe, très timidement dans les grands groupes, dont quelques sociétés du CAC40, on n’en trouve que très peu d’exemples dans les PME ou les ETI, qui sont pourtant la force vive de l’industrie. Si la communication sur le partage est bien rôdée, la réalité est tout autre. C’est un sujet éminemment politique, car il s’agit d’arriver à ce que le partage de la valeur créée se situe au plus près de sa création, l’entreprise, et non par l’Etat, via des taxes et impôts de toute nature, qui rendent le système difficilement lisible et très cher. Toute la révolution copernicienne proposée est basée sur la confiance, et le meilleur atout est le dialogue social dont on connaît les limites en France. Comment peut-il en être autrement, quand on compare France et Allemagne. Dès 1947, le Mitbestimmung (loi de codétermination), prévoyait une stricte parité entre les représentants des salariés et des actionnaires au sein des Conseils de surveillance pour les entreprises de plus de 1000 salariés. En France la loi Pacte vient de faire passer de 1 à 2, le nombre d’administrateurs salariés pour les entreprises de plus de 1000 salariés ! Evidemment, ces chiffres ont une traduction, en termes de formation à l’économie et de bonne gouvernance. Le chemin est long, la pente raide, mais indispensable à parcourir et gravir dans une économie mondialisée.
Hassoun B., Rastoin N. Un caillou dans la chaussure , Eds de l’Observatoire.
Batoul Hassoun est la Directrice Générale d’Ogilvy Consulting, l’activité de conseil en stratégie et innovation née au sein du groupe Ogilvy, premier réseau créatif mondial. Nathalie Rastoin est aujourd'hui Senior Advisor au sein de WPP et a été la présidente d'Ogilvy. La révolution numérique et plus récemment le COVID-19 nous obligent à nous transformer. L’entreprise, elle aussi, doit se réinventer sans cesse. Toutefois, elle rencontre bien souvent un obstacle sur son chemin, à l’origine de l’échec de 70% des plans de transformation. Comme le disait Mohamed Ali : « Ce n’est pas la montagne à gravir qui va t’empêcher d’avancer, c’est le caillou dans la chaussure ». Si l’obstacle, le caillou dans la chaussure, était en fait le facteur humain, considéré bien souvent comme un frein au changement. Les auteurs prennent une autre perspective : et, si en fait, l’humain rend possible la transformation. L’entreprise ne saurait donc ignorer le facteur humain. Au travers des pages, nous parcourons ainsi un chemin en trois étapes (individuelle, collective et sociétale) soulignant à chaque fois le rôle majeur de l’émotionnel. Humain, trop humain peut-être, mais suffisamment pour amorcer le changement. Un livre instructif, truffé d’exemples concrets, qui apporte une nouvelle vision de la stratégie d’entreprise.
Revue d’Economie Financière, L’économie , la finance et l’assurance après la Covid -19, Numéro spécial, 4é trimestre 2020, 312 pages, Avant-propos par François Villeroy de Galhau
Cette nouvelle parution collective rassemble les plumes les plus éminentes et expertes de ces domaines , douloureusement impactés par la pandémie portée par la Covid -19 . Il est vrai que cette crise inédite méritait au plan de l ‘analyse comme de celui de l’action pour la sortie de crise, une synergie sans doute inégalée par temps de paix : « un choc imprévisible et majeur avec des effets lourds pour tous les pays européens et , face à ce choc une réponse rapide et convergente des autorités publiques est à l’œuvre », précise d’emblée le gouverneur Francois Villeroy de Galhau. Mais le premier prix à payer ( probablement pas le dernier ) est celui d’une hausse significative de l ‘endettement public dont il faudra, lorsque la France aura retrouvé le niveau d’ activité d’avant crise, retrouver une indispensable trajectoire de désendettement. Grace à une mobilisation historique « du Policy mix » de l’Europe, le soutien de la BCE comme l’avancée majeure du plan de relance européen, les effets négatifs sur la croissance ont été amortis, et constituent l’ ébauche d’une réelle politique budgétaire commune. Le secteur financier a bien résisté, mais il doit « être plus rentable et durable » : renforcer la solidité des entreprises pour assurer la solidité du système bancaire confronté aux défis de la rentabilité , de la solvabilité et de la régulation ( Bâle III) comme de la digitalisation. Mais l’autre grand enjeu restera celui de la place majeure que devra prendre le système financier dans la lutte contre le réchauffement climatique. Comme le démontrent les éminents contributeurs des cinq chapitres de cette parution en tous points exceptionnelle et très documentée, l’avenir de la sortie de crise s’inscrit « sur une ligne de crête étroite , entre confiance et vigilance », pour sécuriser les institutions financières en leur permettant de rester résolument dans leur mission au service de l’intérêt général. Plus que jamais, l’intermédiation financière adossée à ce gisement des 90 milliards d’épargne supplémentaire amassée au cours de la crise et d’un autre côté, les dizaine de milliards e besoins additionnels en fonds propres des entreprises , devra faire preuve d’imagination et d’innovation. : « La barre reste haute » pour ,à la fois , servir la reconstruction ,réorienter l’épargne ,sans pour autant exposer les épargnants à des risques qu’ ils comprennent peu et qu’ ils ne souhaitent pas ,sauf rares exceptions, en tout cas assumer. Comme le démontrent Olivier Pastré et Christian de Boissieu ,les risques de cette nouvelle crise , compliqués par une dynamique différenciée entre secteurs, va très au-delà d’un nouveau débat sur la régulation des banques comme en 2008 , l’opinion commence à comprendre qu’elles sont non pas le « problème mais la solution ». Ces nouveaux risques touchent au climat , aux délocalisations comme à la globalisation. Les effets géopolitiques seront majeurs ( Usa – Chine - Europe -ASIE) avec la tentation récurrente de chercher un bouc émissaire. Le monde de l’ après Covid pourrait être celui de la multiplication des conflits, entre Etats et Gafam par exemple, mais aussi sociaux ou professionnels pouvant conduire vers un capitalisme plus dur , touchant au partage des revenus, à la concurrence fiscale, aux délocalisations vers les pays à faibles coûts salariaux comme sur le sujet de la transition énergétique . Au total souligne le Président du Cercle des Economistes, Jean Hervé Lorenzi « la croissance potentielle, le recul de l’investissement des entreprises et la perte de capital humain seront largement menacé ». Aussi rien n’est plus important pour relever tous ces défis que chaque acteur joue pleinement son rôle et e plus efficacement possible et que le système financier , au sens large, redevienne résilient et réactif. Des regards croisés qui éclairent lumineusement « l’ après crise Covid ».
Rosello R., L’Opportunité du COVID-19, Edition Mareuil . 315 p.
« Mort au néo-libéralisme, vive le libéralisme ! », ce pourrait être le second titre de ce livre. « Ayant traversé d’autres crises », l’auteur s’inquiète des possibilités à aborder celle-ci alors que les dirigeants n’ont pas encore admis les causes réelles et profondes des précédentes. « Toute erreur sur l’ampleur et l’orientation d’un phénomène économique constituant une faute grave de jugement », R.Rosello fonde son raisonnement sur un nombre limité de faits, de chiffres, de données et de dates « pour éviter la confusion, prendre du recul et envisager l’avenir . Les théories en vogue ne sont plus adaptées ni pour analyser les problèmes qui ne se posent ni pour les résoudre. Les algorithmes gagnent chaque mois en fiabilité mais elles ne sont qu’une partie de la solution. Pour autant qu’ils se fondent sur l’idée d’un retour à la croissance souhaitable ». Selon, lui, l’auteur se garde bien de faire une analyse idéologique mais de terrain. Pas certain toutefois, à la lecture de l’introduction qui se termine par : « la croissance est devenue une foi intégriste refusant les faits avérés de la métamorphose ». Vous avez dit : foi contre foi ? La forme du livre sort du cadre habituel. La pensée n’est pas présentée en parties et chapitres rigoureusement ordonnés au service du cheminement de la pensée mais selon l’énoncé de 26 notions allant de « Briser les tabous du monde » à « quelques suggestions pratiques » en passant par « démasquer la fausse croissance » et « Ya-t-il une racine à la déliquescence actuelle ? ». Le credo repose sur les deux conditions suivantes : « l’ objectif de l’intervention publique est de soutenir l’activité sans être obsédé par la croissance, et qu’elle soit temporaire et ne devienne pas une perfusion permanente ».
Treille Jean-Michel, A la recherche d’un nouveau monde . Les éditions OVADIA, 277pages
« L’ancien monde », aux pieds d’argile craque et les de désenchantements prospèrent . Aussi, laissons aux sceptiques et aux cyniques dont l’horizon se limite aux réalités évidentes cet « ancien monde » et, pour le « nouveau monde », recherchons ces hommes capables d’imaginer ce qui n’a jamais existé. Face aux dégâts collatéraux de la croissance, aux réseaux numériques de plus en plus intelligents et aux mailles de plus en plus fines , quel nouveau monde est-il possible d’inventer ? « Un monde pour tous et tous pour un autre monde » autour d’un principe de subsidiarité où l’Etat serait le chef d’orchestre du développement multi-acteurs. Telle est la conviction de l’auteur qu’il sait faire partager avec brio. IL expose les graves atteintes, peut être irrémédiables, au capital naturel dont nous avons hérité ( pollutions , diminution de la biodiversité , gaz à effet de serre , réchauffement climatique , etc.) , mais aussi les inégalités sociales ,mises d’autant plus en évidence avec la crise du Covid . il s’interroge en outre sur la finalité humaine et sociale de cette croissance qui, après s’ être appuyée sur la production s’est pérennisée par une consommation exacerbée, devenue religion . elle est accompagnée de surcroît d’une surveillance de masse de plus en plus visible via l’ intelligence artificielle, les réseaux sociaux , les Gaffa etc… Enfin, les logiciels complexes qui sont à l’ œuvre ,posent la question de leur vulnérabilité ( pannes géantes , cyber -attaques etc.) avec en perspective des données démographiques qui selon l’ ONU va faire progresser la population mondiale vers les 10 milliards de terriens à l’ horizon de ce siècle. Ce nouveau brillant essai d’un auteur reconnu unanimement par ses pairs en tant que grand expert du numérique et de la planification, propose une synthèse des situations et des orientations actuelles en présentant les actions engagées aux plans, régional, national ou international , pour : « répondre aux défis d’aujourd’hui et de demain ». Mais le grand mérite de jean- Michel Treille reste de savoir dépasser le simple constat de l’existant( qui généralement se présente comme le mur infranchissable de nombre d’observateurs), pour proposer des pistes pour définir et piloter sur objectifs des organisations subsidiaires appliquant des politiques multi-acteurs, en pleine responsabilité.. cet ouvrage est particulièrement bien documenté et porteur de réflexions de long terme d’ une pertinence. Sans doute aurait- t-il pu comprendre un chapitre sur la résistance de la société française au changement, son addiction à la dépense publique et sur « l’archipélisation » qui parait être à l’œuvre. Ce qui pourrait constituer une excellente suggestion pour son prochain ouvrage ! Comme le suggérait KANT, interpellé par La révolution Française de 1789 , jean Michel Treille éclaire de ses réflexions les trois questions fondamentales qui se posent fa à chaque « grand basculement » de l’ histoire du monde : que puis-je savoir ?, que dois-je faire ? que m’ est- il permis d’espérer ? Ses réponses constituent l’une des grande richesses de ce nouvel essai : « Nous n’avons certainement pas suffisamment anticipé le grand chambardement , la redistribution des cartes induits par les développements de la société de l’information et pas compris , qu’ il était essentiel pour construire un Autre MONDE d’imaginer , de planifier notre futur et de piloter sur objectifs tous les acteurs concernés ». Cette recherche du nouveau monde qu’ envisage si élégamment Jean Michel Treille n’ est en rien celle du « temps perdu » immortalisée par Marcel Proust , car l’ avenir qu’ il nous propose reste entre nos mains… si nous le voulons vraiment.
L’auteur : entrepreneur, enseignant, responsable notamment de séminaires à l’école de guerre économique (EGE, ancien membre du Commissariat général du Plan ), secrétaire général de la COPEP ( commission permanente de l’Electronique du plan), il participa à la préparation du VIe Plan et des politiques à l’ origine de la société du Numérique. Auteur de nombreux ouvrages ; lauréat du Prix turgot en 2013 pour les « clés de l’ avenir » et notamment « la révolution numérique » chez Ovadia en 2016
Van Ruymbeke R., Mémoires d’un juge trop indépendant, Tallandier, 301 pages.
Le livre de mémoires du juge d’instruction le plus célèbre de France mérite une lecture attentive, car il relate notamment son expérience en matière d’affaires financières. Il analyse les montages juridiques, fiscaux et financiers, le plus souvent complexes et internationaux, qui ont été mis en place au cours des quarante dernières années dans le cadre des affaires politico-financières Urba, Mairie de Paris, France-Afrique d’Elf, des frégates de Taiwan, Clearstream… Il recense les paradis fiscaux européens (Suisse, Lichtenstein, Luxembourg, Monaco, iles anglo-normandes, Chypre, pays baltes, Gibraltar) et il constate que malgré l’appel de Genève en vue de leur éradication, qu’il a lancé en 1996 avec six autres juges européens, peu de progrès significatifs ont été réalisés. Il montre les rôles exercés par certaines banques dans les circuits de fuite de capitaux, de fraude fiscale et de blanchiment d’argent sale. L’auteur dénonce également les pressions dont il a été constamment l’objet de la part des milieux politiques et d’affaires. Il regrette certains battages médiatiques et manœuvres de collègues. Il prône une réforme de la justice française destinée à mieux assurer l’indépendance du parquet et à éviter le corporatisme. Ces mémoires d’un juriste sont donc aussi une magistrale leçon de finance… de l’ombre, et une balzacienne peinture des mœurs de la société contemporaine.
Vargas Llosa M., L’appel de la tribu, Gallimard, 2021, 241 pages.
Le dernier livre de Mario Vargas Llosa nous livre un authentique et vibrant hommage au libéralisme économique et social. Prix Nobel de littérature et candidat malheureux à la présidence du Pérou, il retrace son itinéraire politique depuis les années 1950, qui l’ont progressivement conduit du marxisme orthodoxe au libéralisme de l’Ecole autrichienne. Son long parcours intellectuel est jalonné de rencontres mémorables avec plusieurs maîtres penseurs de l’économie libérale. Il résume magistralement leurs pensées en les illustrant d’anecdotes éclairantes. Il met notamment en lumière le caractère actuel des leçons administrées par ses illustres inspirateurs. Face à la montée des populismes et des extrémismes, il craint que les citoyens écoutent à nouveau « l’appel de la tribu » et renouent avec les instincts grégaires et les quêtes d’utopies des peuples primitifs ou des européens des années 1930. Apparemment disparates, les sept œuvres analysées par Vargas Llosa présentent toutefois une étonnante unité. Adam Smith, professeur à Glasgow, est le père fondateur du libéralisme, mais il est surtout un philosophe moral du Siècle des Lumières, auteur notamment d’une « théorie des sentiments moraux ». Vargas Llosa décrit avec vivacité la surprise des marchands et des paysans anglais qui découvrirent, lors de la parution du livre « la richesse des nations », que leur travail contribuait au bien commun grâce à la « main invisible du marché ». Ortéga y Gasset est également salué par Vargas Llosa pour ses prises de positions démocratiques face à la montée des fascismes, des extrémismes et des nationalismes. Face aux désordres des marchés, il fut un des premiers à craindre la révolte des masses populaires contre les élites politiques et industrielles au sein de la société occidentale. Friedrich Hayek, élève de Menger et professeur de Karl Popper, fondateur de la Société du Mont Pèlerin, est le principal inspirateur des politiques libérales conduites au cours des années 1970 par Thatcher et Reagan. Face à la montée des inégalités sociales, il a rejeté la planification car elle ralentit les échanges et l’innovation. Opposé à l’Etat-providence keynésien, il défend l’ordre spontané du marché, face à un « constructivisme régulateur ». Karl Popper, professeur de logique à la London School of Economics, est célèbre pour avoir été l ’auteur du concept de « réfutabilité » des théories scientifiques, mais il a également été un des critiques les plus virulents de « l’historicité », qui confère un sens à l’histoire économique et un déterminisme à ses événements. Vargas Llosa relate avec émotion la violente controverse sur ce thème entre Popper et Wittgenstein le 25 octobre 1946. Isaiah Berlin, professeur de sciences politiques à Oxford, défend un esprit de tolérance et une éthique pluraliste face aux « vérités contradictoires » contemporaines en matière économique et sociale. Il dénonce les multiples formes de dictature et d’ingérence exercées par les Etats au nom de la sécurité et de la liberté des peuples. Raymond Aron est qualifié par Vargas Llosa « d’incorrigible libéral » et de « meilleur disciple de Montesquieu et de Tocqueville ». Il a été un défenseur infatigable de la démocratie face à la dictature, de la tolérance face au dogmatisme, mais il s’est exprimé à une époque où « il fallait mieux avoir tort avec Sartre que raison avec Aron ». Il a déconstruit la pensée existentialiste dans son livre sur « l’opium des intellectuels » et donné « 18 leçons (magistrales) sur l’économie industrielle », qui sont toujours d’actualité. Jean-François Revel est considéré par Vargas Llosa, comme étant le digne héritier des penseurs précédents. Il ne lui trouve pas actuellement de successeur. Revel est salué pour son magister moral et sa dénonciation de « la trahison des clercs », ainsi que de la « connaissance inutile » de la nouvelle philosophie. Il revient donc à Mario Vargas Llosa, qui est un des meilleurs auteurs de la littérature mondiale, d’avoir donné une grande leçon d’économie libérale aux milieux politiques et économiques actuellement confrontés à la sortie de la crise pandémique.
Veltz P., L’économie désirable. Sortir du monde thermo-fossile, Eds Seuil, 128 pages.
Pierre Veltz s’interroge sur la mutation actuelle de la « société hyper-industrielle », engendrée à la fois par la responsabilisation sociale et environnementale des entreprises et par la crise pandémique. Il se demande si cette évolution ne conduit pas à une impasse, dans la mesure où certains fondamentaux de « l’économie verte » ne sont pas clairement définis. Il constate que les moteurs et les indicateurs de l’activité productive sont toujours la création de valeur financière pour les actionnaires. Les leviers de la santé, de l’éducation, de la culture et du bien-être ne sont pas valorisés, sinon seulement comme des charges ou des facteurs indirects de productivité. L’auteur plaide en faveur de l’émergence de nouveaux « cadres structurés » - d’une nouvelle « grammaire productive » - fondée sur des valeurs à la fois financières et extra-financières. Il prône une recherche de cohérence entre les économies micro (l’entreprise) et macro (la société). Il déplore que les seuls indicateurs officiels mesurant les impacts de la pandémie, soient la chute du PIB (qui cumule des valeurs ajoutées comptables), les faillites d’entreprises et les pertes d’emplois. Il appelle donc à une refondation du paradigme socio-économique qui régit la société humaine.
Pierre Veltz (X-Mines) est ingénieur et sociologue. Il préside l’établissement public Paris Saclay. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont La société hyper-industrielle, Le nouveau capitalisme productif , Eds du Seuil, 2017
Villeroy de Galhau F., Retrouver la confiance des marchés, Eds O.Jacob.
La France, l’Europe, le monde ont connu un ébranlement, un choc, une crise imprévisible et sans précédent. Cette pandémie est venue s’inscrire dans un monde déjà très chaotique. Crise des subprimes, crise de l’Euro, crise des dettes souveraines, attentats, Brexit, élection de Donald Trump. Cet amoncellement d’incertitudes a miné la confiance dans l’économie. Les gouvernements, les banques centrales se sont mobilisées de façon exceptionnelle. Mais le temps de la reconstruction arrive et avec elle la restauration de la confiance sera primordiale. Car les interrogations sont légitimes. Si la banque centrale peut créer, aussi facilement en quelques heures, des montagnes d’argent, pourquoi ne l’a-t-elle pas fait avant et pourquoi rembourser ? Pour le gouverneur de la Banque de France cela passera par plus d’Europe, par l’unité et la souveraineté de l’Euro. Sans rêver d’Europe fédérale, l’auteur milite pour une coordination des politiques économiques, un budget commun, un ministre des Finances européen, une stratégie européenne d’investissement. Mais cette Europe unie, ne se fera qu’à travers des modèles sociaux qui ne sont pas antagonistes et cela nécessitera d’amplifier les réformes structurelles en France. Dans ce livre, François Villeroy de Galhau, démontre comment l’économie peut être au service des hommes afin de « réinventer » notre modèle, pour une croissance plus juste, plus durable pour lutter contre le fléau des inégalités avec l’éducation comme fondement.
François Villeroy de Galhau est gouverneur de la Banque de France
Villeroy de Galhau F., Retrouver la confiance des marchés, Eds O.Jacob.
« L’économie doit être au service des hommes et contribuer à notre bien –être, à nos projets, à la justice sociale et à l’exigence environnementale ». Cet exergue est la profession de foi de ce banquier central conscient de la nécessité de retrouver confiance en l’économie et de comprendre pourquoi et comment la politique monétaire doit être au service des politiques économiques et budgétaires. Ce sujet de réflexion intéressera le lecteur non spécialiste qui chercher à comprendre quelques arcanes de la finance, et les citoyens en général qui comptent – parfois à tort- sur la politique monétaire pour compenser les insuffisances et éventuels manques de courage politique de nombreux gouvernements. Les pages sont nourries d’interventions faites et de documents publiés par le Gouverneur, remises dans le contexte et actualisées. Elles visent à combiner crédibilité et lisibilité, contenu technique, et clarté, suivant ainsi Tocqueville qui notait qu’« une idée fausse, mais claire et précise, aura toujours plus de puissance dans le monde qu’une idée vraie et complexe ». Base de réflexion actuelle s’il en est ! L’ouvrage est structuré en six chapitres de « surmonter le Covid » à « réinventer le modèle » structuré par des termes que l’auteur estime nécessaire de remettre au goût du jour : valeur, sens, humanisme, raison d’être, spiritualités. Assurément F. Villeroy de Galhau estime à bon droit que le pourquoi et le pour qui doivent venir avant le comment ! C’est ainsi que les lecteurs se nourriront des débuts de chapitre à une époque au cours de laquelle, la vitesse fait perdre de vous le choix de l’objectifs. Le lecteur plus averti relira des informations techniques présentées non pas ex abrupto mais dans un contexte dont l’évolution n’affaiblit pas le propos initial. En d’autres termes, une pérennité de principes et motivations éprouvés ne nuit pas à la créativité pour autant qu’elle ne conduise pas à de grands désordres. Ce livre donne à partager des boussoles et des caps un peu perdus à mi-chemin de transformations nécessaires.