Vagues de chaleur ou de froid, sécheresses ou conditions d'humidité extrême, tempêtes, épisodes de pluies intenses ou de vents violents, inondations, submersions côtières : la liste des périls climatiques est aussi longue que dévastatrice. Conséquences directes du réchauffement climatique, ces événements extrêmes se manifestent sous diverses formes, perturbent le quotidien et exigent des solutions d'envergure.

La mise en œuvre de telles solutions constitue cependant un véritable défi pour les entreprises, car il n’est désormais plus envisageable de s’appuyer uniquement sur des approches de ‘navigation par assurances’ (Bouleau, 2018). Les mécanismes financiers traditionnels ont révélé leurs limites, confrontés à des risques dont l'ampleur rend la couverture difficile, sinon impossible. En Angleterre, une propriété sur six est exposée au risque d'inondation (Lux et Skouralis, 2023). En France, les enjeux assurantiels pour les collectivités territoriales, particulièrement celles comptant plus de 5000 habitants, connaissent une croissance notable (Husson, 2024). Les PME ne sont pas prêtes face aux risques climatiques (Kindermans, 2023).

Ce défi dépasse par ailleurs le cadre de l’assurance tant il concerne l’ensemble des dimensions de l’entreprise. Santé et conditions de travail, plan de continuité d’activité, gestion des équipes, des sites de stockage et de secours informatique, connexion au réseau télécom, adaptabilité de la chaîne logistique, implantation de nouveaux sites et réorganisation des filières… ces quelques exemples montrent à quel point le climat est impactant et à quel point les besoins d’accompagnement des entreprises sont réels.

En parallèle de ces besoins, les entreprises sont également confrontées à de nouvelles exigences en matière de reporting climatique. L’objectif est clairement de mieux évaluer et comprendre leur vulnérabilité face aux risques climatiques, dans le but de renforcer leur résilience. Toutefois, de nombreuses questions demeurent sans réponse. Ces nouvelles exigences réglementaires permettent-elles réellement d’atteindre cet objectif ? Sur quelles bases doit-on évaluer sa vulnérabilité climatique ? Que nous réserve l’avenir dans le scénario ‘Business as Usual’ du GIEC ? Quelles actions doivent être entreprises dans ce contexte pour se préparer efficacement ? Comment soutenir les décideurs dans la mise en œuvre de ces actions ?

Construire la résilience climatique des entreprises est un vaste chantier, que ce numéro spécial propose d’explorer à travers trois volets essentiels. Le premier, porté par Christophe Maurel et Benjamin Benoit, examine comment le pilotage d’une organisation peut être rendu résilient. Les domaines de la comptabilité, du contrôle et de l’audit offrent-ils des outils adaptés pour évaluer la résilience climatique ? Un reporting qualifié de ‘durable’ contribue-t-il réellement à améliorer la résilience d’une organisation ? En outre, cet article propose une analyse approfondie de l’évolution du concept de résilience climatique à travers l’histoire et souligne l'importance de ce sujet à la lumière des événements actuels.

Le second volet s’intéresse à la manière dont le secteur financier contribue à construire cette résilience climatique, avec en premier plan, les banquiers. L’article de Francesc Relano et d’Elisabeth Paulet nous montre comment les matrices de matérialité constituent pour les banques un outil pertinent d’évaluation et de priorisation des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), et ce en tenant compte de deux perspectives distinctes : la matérialité financière et la matérialité d’impact. Cette approche novatrice n’est cependant pas exempte de défauts, et l’article développe à ce titre une réflexion approfondie sur les questions relatives à l’écoblanchiment. Dans la continuité de ces analyses, l’article de Pâmela Maria Lima Dos Santos et d’Ana Claudia De Araujo Moxotò s’intéresse à l’impact de la notation ESG sur la capacité des entreprises à attirer les investissements, avec une étude de cas portant sur les entreprises brésiliennes. Puis, au-delà des notations ESG, Jonathan Labbé, Abdel Malik Ola et Vivien Lefebvre proposent d’explorer le financement de l’innovation verte dans le cas français. Ils étudient comment les collaborations entre Business Angels et startups favorisent la réussite d’une innovation verte.

Le dernier volet de ce numéro spécial se concentre sur les transformations nécessaires en termes de métiers, de formation, et surtout de culture managériale imposées par la résilience climatique. Fabrice Mauléon explore les nouvelles compétences requises face aux défis climatiques, en mettant un accent particulier sur le design thinking et l’intelligence artificielle pour concevoir des solutions innovantes associant l’humain et la machine. En conclusion de ce numéro, la tribune de Tamym Abdessemed invite à une réflexion critique sur la culture managériale actuelle dans les entreprises. Cette culture est-elle adaptée aux enjeux climatiques ? Quel rôle les formations en management doivent-elles jouer dans ce contexte ? Les institutions d’enseignement supérieur et de recherche répondent-elles adéquatement aux besoins des entreprises en la matière ?

Les enjeux qui s’annoncent sont conséquents. A nous d’en être les acteurs.

Je voudrai terminer cet éditorial en remerciant l’équipe de VSE pour son intérêt dans le projet et son soutien tout au long des étapes qui ont mené à cette publication.

Merci à Daniel Bretones, pour son implication dans le processus éditorial, et à Thibaut Cuenoud pour ses suggestions. Merci également à Catherine Deffains-Crapsky, Anne Goujon-Belghit et Jocelyn Husser. Enfin, je souhaiterais remercier l’ensemble du comité d’évaluation des articles de ce numéro, pour leur travail sérieux et leur implication.